Tribune parue dans LibĂ©ration le 11 novembre 

Pour lutter contre le sĂ©paratisme scolaire, des syndicats de l’enseignement
soutiennent une proposition de loi qui proposE de conditionner les subventions
accordĂ©es aux Ă©tablissements privĂ©s sous contrat Ă  des critères de mixitĂ© sociale.

L’école publique est consubstantielle à l’idéal républicain. C’est elle qui le fait vivre
au quotidien et qui donne corps à la République laïque et sociale que Jean Jaurès
appelait de ses vœux.

HĂ©las, notre Ă©cole publique est aujourd’hui la cible de tous les maux qui frappent
notre sociĂ©tĂ©. Nos professeurs sont attaquĂ©s par des terroristes islamistes, coupables
aux yeux de ces esprits étriqués d’apprendre à nos enfants à devenir des citoyennes
et des citoyens émancipés, épris de liberté. Ils doivent également combattre, sans
moyens adaptés, des déterminismes sociaux toujours plus importants et subir la
concurrence d’une école privée qui ne cache plus ses velléités séparatistes.

Cette rĂ©alitĂ© a fini par s’imposer Ă  tous avec la publication des indices de position
sociale (IPS) en octobre 2022. CalculĂ© selon une mĂ©thodologie Ă©tablie par les services
statistiques de l’Education nationale en fonction des catégories socioprofessionnelles
des deux parents, de leurs diplômes et de leurs conditions de vie, l’IPS est un outil
pertinent pour appréhender la composition sociologique de nos écoles. Or depuis que
ces données ont été rendues publiques, nous savons que dans la France entière,
hexagonale et ultramarine, les collèges et les lycées privés concentrent en leur sein
les élèves les plus favorisés, et ce dans des proportions parfois très importantes. Plus
que jamais, nous pouvons affirmer que les riches se rendent dans les Ă©coles de riches
quand les enfants de pauvres vont dans des Ă©coles de pauvres.

Les données dont nous disposons sont d’autant plus préoccupantes que notre système
éducatif est l’un de ceux, parmi les pays de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), où la réussite scolaire d’un enfant dépend le
plus de son origine sociale. Ce fait est inacceptable pour tous ceux qui demeurent
attachés au respect de l’égalité des droits et à l’émancipation de tous les enfants du
pays, quelle que soit leur origine. Il se justifie d’autant moins que le budget des
établissements privés sous contrat est financé à hauteur de 73 % par l’Etat et les
collectivités territoriales. Or par principe, l’argent public ne peut être distribué sans
contrepartie.

C’est pour cette raison qu’en avril, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias a déposé
une proposition de loi visant Ă  conditionner les subventions accordĂ©es aux
Ă©tablissements privĂ©s sous contrat Ă  des critères de mixitĂ© sociale. En d’autres
termes, si une Ă©cole privĂ©e ne joue pas le jeu de la mixitĂ© sociale, alors les
subventions publiques qui lui sont attribuées seront réduites et reversées à l’école
publique. À contrario, il n’est pas question d’augmenter les subsides des écoles privées
qui s’en sortiraient un peu mieux en la matière. L’idée n’est pas de récompenser les
plus vertueux, mais bel et bien de châtier ceux qui concourent à l’expression du
séparatisme scolaire.

Guerre scolaire

Ce texte a connu une résonance médiatique inespérée. Sans doute parce que depuis
de très nombreuses années, les politiques sont restés bien silencieux à ce propos.
D’un côté, certains ont peur de relancer la guerre scolaire déclenchée par la réforme
Savary, quand d’autres craignent de conforter l’école privée en lui demandant de
jouer un rôle dans l’organisation de la Cité.

Ces débats sont dépassés. L’heure n’est plus à l’immobilisme. Des forces de la société
civile se mettent en mouvement. Des femmes et des hommes politiques de tous les
horizons rejoignent la cause. Et, Ă  force de maĂŻeutique, chacun se retrouve Ă 
rediscuter de la pertinence du dualisme scolaire tel qu’il s’exerce en France. Membres
du Comité national d’action laïque (1), nous soutenons cette démarche et la
proposition de loi dĂ©posĂ©e par Pierre Ouzoulias, aujourd’hui signĂ©e par plusieurs
dizaines de sénateurs. Il est plus que temps de mettre en échec le séparatisme
scolaire qui touche si durement notre système éducatif.

(1) Le CNAL est un collectif composé de cinq organisations : la Fédération des
conseils de parents d’élèves (FCPE), la Fédération des délégués départementaux de
l’Education nationale), la Ligue de l’enseignement, l’Unsa-éducation et le SE-Unsa
(enseignants de l’Unsa).

 

La proposition de loi sur la mixité sociale et scolaire

Consultez le site du CNAL