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Albert Moukheiber est chercheur en neurosciences cognitives et psychologue clinicien, il est co-fondateur de lâassociation Chiasma qui sâintĂ©resse Ă la pensĂ©e critique, notamment aux biais cognitifs et aux erreurs de logique. Il collabore avec le CRI (Centre de Recherches Interdisciplinaires) au projet âSavanturiers du cerveauâ et contribue au MOOC âĂducation par la recherche : neurosciences Ă lâĂcoleâ de lâUniversitĂ© Sorbonne Paris CitĂ©.
Les neurosciences sont lâĂ©tude scientifique du systĂšme nerveux. Elles sont devenues une discipline Ă part entiĂšre dans les annĂ©es 60 avec des biologistes, chimistes, neurologues et psychologues contribuant Ă son dĂ©veloppement.
Cette approche globale, alliĂ©e aux avancĂ©es technologiques de cette pĂ©riode (notamment en imagerie), nous a permis en une cinquantaine dâannĂ©es de commencer Ă percer le fonctionnement de notre cerveau, lâorgane le plus complexe de notre corps.
Les neurosciences sont donc un domaine trĂšs large mais, souvent, lorsque nous parlons de neurosciences, câest aux neurosciences cognitives que nous pensons. Cette branche traite de lâĂ©tude des processus biologiques qui sous-tendent nos cognitions en apportant des Ă©clairages sur lâaspect fonctionnel du cerveau : comment fonctionnent nos pensĂ©es et nos Ă©motions ou comment fonctionne notre systĂšme visuel par exemple.
Les neurosciences sont donc une discipline récente qui essaye de comprendre de maniÚre fondamentale et appliquée le fonctionnement de notre « esprit ».
Certains domaines dâĂ©tude des neurosciences se focalisent sur les mĂ©canismes de lâapprentissage. Apprendre de nouvelles informations est une tĂąche complexe qui allie la comprĂ©hension, lâintĂ©gration ainsi que la restitution dâinformation. LâĂ©clairage des neurosciences sur la mĂ©moire vont par exemple nous permettre dâaider les enseignants Ă mieux conseiller les Ă©lĂšves sur les procĂ©dĂ©s mnĂ©siques.
Les neurosciences étudient aussi comment on apprend à apprendre. En effet, de nouvelles études cherchent à apprendre aux élÚves « comment » apprendre avant de leur apprendre « quoi » apprendre. Dans ce cas, apprendre devient presque une matiÚre à part entiÚre.
Pour les enseignants, la recherche appliquĂ©e sur les mĂ©thodes dâexposition de lâinformation pour en amĂ©liorer la comprĂ©hension peut apporter des Ă©clairages sur de nouvelles façons de transmettre le savoir.
Enfin, les neurosciences peuvent aider les enseignants Ă identifier ce qui ne marche pas et les guider surtout parce quâil y a beaucoup de « neuro-mythes » autour de lâenseignement et du cerveau comme par exemple le mythe du cerveau droit et du cerveau gauche ou celui des « styles dâapprentissage ».
Il est important de noter que les neurosciences ont pour vocation dâinformer les enseignants sur les fonctionnements liĂ©s Ă lâapprentissage et non de leur dicter des mĂ©thodes dâapplication ou dâenseignement.
Jâai travaillĂ© avec des enseignants lors de plusieurs projets variĂ©s, je vais en prĂ©senter deux qui illustrent deux diffĂ©rents aspects de collaborations possibles entre neurosciences et Ă©ducation.
Le premier projet consistait Ă accompagner une enseignante et sa classe, Ă distance, avec « les savanturiers du cerveau », tout au long de lâannĂ©e scolaire, pour Ă©laborer ensemble un cours sur le systĂšme nerveux. Nous avons aussi accompagnĂ© la classe pour un projet de fin dâannĂ©e oĂč les Ă©lĂšves et lâenseignante ont menĂ© une expĂ©rience scientifique.
Le second projet Ă©tait aussi en collaboration avec « les savanturiers du cerveau ». Jâai contribuĂ© Ă lâĂ©laboration dâun MOOC sur comment transmettre la mĂ©thode scientifique en classe.
Cette expĂ©rience Ă©tait une autre facette de la collaboration possible entre enseignants et chercheurs. Dans le premier projet, le contact et les Ă©changes avec lâenseignante et la classe donnaient une dimension personnelle Ă lâexpĂ©rience alors que le MOOC a Ă©tĂ© visionnĂ© partout sur le globe et donc touchait un plus grand nombre de classes.
Mon premier conseil est dâĂȘtre vigilant pour les raisons que jâexplique dans la question suivante.
Mon second conseil est de sâinformer sur le fonctionnement de la recherche scientifique. En effet, pour se documenter sur les rĂ©sultats quâon trouve en neurosciences, la piste privilĂ©giĂ©e reste les articles publiĂ©s dans les journaux scientifiques. Cela permet de pouvoir en tirer les meilleurs bĂ©nĂ©fices.
Mon troisiĂšme conseil est dâidentifier le sujet sur lequel on veut sâinformer de la maniĂšre la plus prĂ©cise possible. Une quantitĂ© Ă©norme de publications autour de lâĂ©ducation en neuroscience est disponible et il est trĂšs facile de sây perdre. Bien dĂ©finir le sujet est trĂšs utile pour trouver lâinformation la plus pertinente. Plusieurs moteurs de recherche existent pour la documentation scientifique comme par exemple scholar.google.com et les rĂ©sumĂ©s des articles sont souvent suffisants pour savoir si une recherche correspond Ă ce que lâon cherche.
Il existe aussi des ouvrages qui rĂ©sument lâĂ©tat des connaissances sur certains sujets. Dans ces cas-lĂ , sâassurer de la pertinence de lâauteur et vĂ©rifier les sources citĂ©s pour les propos avancĂ©s est primordial pour juger la qualitĂ© de lâouvrage.
Lâengouement actuel pour les neurosciences est une sorte dâĂ©pĂ©e Ă double tranchant. Dâun cĂŽtĂ©, la collaboration de lâĂ©ducation et des neurosciences est enrichissante pour les deux disciplines, et dâun autre cĂŽtĂ©, plusieurs dangers existent autour de cette question. Le premier est de croire que les neurosciences sont une sorte de solution magique pour lâĂ©chec scolaire. On trouve un pullulement de « neuro-mĂ©thodes » qui vont booster les capacitĂ©s du cerveau, nous donner une mĂ©moire infaillible ou amĂ©liorer les notes des Ă©lĂšves de 10 points en deux heures et dont il faut se mĂ©fier. Ces promesses sont souvent dues Ă une mauvaise comprĂ©hension des mĂ©thodes de recherche. Lorsquâon applique des rĂ©sultats obtenus en recherche sur le monde rĂ©el, on nâobtient pas les mĂȘmes rĂ©sultats et on se plaint souvent du fait que « ça ne marche pas ». Cela est tout Ă fait normal, du simple fait que la recherche est conduite dans un milieu contrĂŽlĂ©, celui du laboratoire, oĂč un facteur spĂ©cifique est âĂ©tudiĂ©, alors que le monde est multifactoriel et « chaotique ». Cela ne veut pas dire que la recherche ne peut pas nous informer sur le monde rĂ©el, mais quâil est toutefois important de nuancer nos attentes et ceci par une bonne comprĂ©hension des mĂ©thodes spĂ©cifique Ă chaque recherche et de savoir en tirer les bĂ©nĂ©fices potentiels.
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