Travailler en EP : Quel prescrit ? Quelles ressources ?
Intervention au stage éducation prioritaire du 16 mars 2017 de Sylvie Martin Dametto, Centre Alain Savary, IFÉ, ENS Lyon
Je suis certifiée de mathématiques. J’ai exercé pendant 15 ans en EP, en Lorraine et dans le Rhône. Puis j’ai exercé des fonctions de formatrice à l’IUFM (ex ESPE) puis pour le CAREP (centre académique de ressources pour l’EP) de l’académie de Lyon et enfin depuis 5 ans je travaille comme chargée d’études au centre Alain Savary.
Au sein de l'Institut français de l'Education, le centre Alain Savary, est un centre national de formation pour les cadres, les formateurs, les professionnels, les élus et les bénévoles du champ éducatif, et de production de ressources sur les pratiques éducatives dans les établissements et territoires confrontés à d'importantes difficultés sociales et scolaires. Il apporte une expertise et un appui aux acteurs de l'éducation dans le cadre des politiques et des dispositifs visant à développer la réussite scolaire et à réduire les inégalités : éducation prioritaire, réseaux REP et REP+, dispositifs relais, accompagnement éducatif, programme de réussite éducative, volet éducatif des CUCS, etc... Le centre Alain-Savary est une interface entre les différents champs de la recherche en éducation, l'institution scolaire, la formation et les métiers de l'enseignement et de l'éducation dans les territoires prioritaires et au-delà.
Au CAS nous avons réalisé une ressource pour les professionnels, enseignants, formateurs et pilotes, à partir du référentiel de l’Ep. Aujourd’hui les textes du prescrit sont nombreux.
Le référentiel de l’EP est un texte de prescrit et au CAS nous avons tendance à penser qu’il peut être un prescrit utile et c’est la raison pour laquelle nous avons fabriqué cet outil, un tableau, qui référence nos ressources par rapport aux préconisations du référentiel.
La circulaire de rentrée 2017 parue au journal officiel du 9 mars 2017 redit, s’il en était besoin, l’importance du référentiel de l’EP pour organiser le travail dans les établissements REP et REP+.
J’ai copié ici un extrait parce qu’il me semble important :
Faire réussir tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale nécessite de développer partout, et particulièrement en éducation prioritaire, des pratiques pédagogiques qui s'adressent à tous, en prenant en compte, dans tous les temps de classe, les besoins des élèves les moins familiers de l'univers scolaire. Le référentiel de l'éducation prioritaire fournit des repères fiables aux équipes pour permettre de conforter et développer les orientations pédagogiques les plus efficaces pour la réussite de tous qu'il s'agisse d'enseigner plus explicitement en s'attachant à clarifier les enjeux des tâches scolaires, de faire percevoir aux élèves ce qu'il s'agit de comprendre et d'apprendre au-delà de ce qu'il s'agit de faire ou encore d'enseigner les compétences et les processus qui permettent de réussir et d'apprendre.
Il me semble que sans sur-interpréter on peut lire que le référentiel de l’EP fournit des repères fiables pour tous les établissements pas seulement ceux qui sont en EP.
Le problème avec les textes du prescrit, c’est qu’ils disent ce qu’il faut faire, mais ils ne disent pas comment le faire. Ceci est vrai aussi pour le référentiel et c’est donc l’un des enjeux de notre travail d’aujourd’hui : d’aller regarder ensemble en quoi ce référentiel est bien un outil utile au service du travail pour les professionnels. Une prescription institutionnelle est parfois mal vécue par les professionnels car elle préconise des transformations dans le travail, ne les explique pas forcément et de surcroit ne dit pas comment faire. Elle laisse entendre en filigrane, puisqu’il faut changer les modalités d’exercice, que les précédentes n’étaient pas efficaces, du moins pas suffisamment. C’est la raison pour laquelle nous proposons en général (aux pilotes cadres de l’EN, formateurs, coordonnateurs, enseignants…) de regarder différemment ces textes du prescrit en s’appuyant sur trois étapes proposées par Roland Goigoux, l’observatoire, le conservatoire, et le laboratoire.
Un nouveau prescrit donne l’occasion d’aller revisiter les pratiques ordinaires, c’est l’observatoire. De faire le point sur ce qu’on sait bien faire, de se le dire et de la consigner dans le conservatoire, de façon à le maintenir en l’état ; mais aussi de faire le point sur ce qu’on n’arrive pas à faire et qu’on voudrait faire et de voir en quoi ce nouveau prescrit peut nous aider à faire un peu mieux, ce qu’on fait déjà mais qui ne donne pas entière satisfaction. Et alors dans le laboratoire, on décide ce qu’on va essayer, modestement, de faire, qui sera en cohérence avec le nouveau prescrit et qui permettra de faire ce qu’on a l’intension de faire. Françoise Lantheaume dit souvent « Qu’il vaut mieux soutenir l’existant plutôt que prescrire l’idéal ». Cela nous semble très important, surtout lorsqu’on s’atèle à un nouveau prescrit. La brutalité de la réforme du collège en est un exemple.
Annonce du plan
Présentation de l’étoile
C’est un guide pour le formateur, et pour les participants à la formation, c’est la garantie qu’on tient tous les bouts de la complexité des situations sans rien occulter, juste en détricotant certains aspects quand c’est nécessaire.
« D’abord partir… » Il est important de se dire ici que le rôle du formateur ne consiste pas à proposer « les bonnes réponses à des difficultés rencontrées », parce que souvent il n’y en a pas ; mais plutôt à reformuler les difficultés en questions de métiers, tensions de métier, et dilemmes de métier.
« Pour progressivement soigner… » pour échanger sur comment chacun trouve des compromis d’action.
Se plonger tous ensemble dans le référentiel pour avoir un temps d’échange sur ce qu’on en comprend, ce qu’il dit et ce avec quoi on est d’accord, ou pas, ce qu’on fait déjà et ce qu’on voudrait faire mais qu’on ne sait pas encore faire ou qu’on n’arrive pas à faire.
Prendre 5 à 10 min avec voisin, griffonner sur le référentiel, et ensuite on prendra un moment pour échanger.
Echanges et discussions
En considérant que l’école a trois objectifs principaux, l’injonction qui est faites aux enseignants et plus particulièrement encore à nous enseignants en EP est une bien vaste mission. Il s’agit donc de ne pas se tromper de cible dans notre travail
Je prends appui sur un questionnaire qu’on a soumis, à plus d’une centaine d’enseignants et autres professionnels syndiqués de l’EN. On leur a posé la question : Selon votre expérience, quels sont les obstacles à l’apprentissage (ou à la réussite scolaire) que rencontrent les élèves en difficulté, dans les classes que vous connaissez ?
On voit bien que dans ce qui est entouré
Il n’est pas question de dire que certaines façons d’analyser les difficultés des élèves sont plus légitimes que d’autres en revanche, on voit bien que ce qui est en vert, les (dys)fonctionnements ordinaires de notre institution, constituent un champ d’action ou de vigilance pour les syndiqués.
De même concernant les assertions entourées en noir, elles concernent le cœur de métier enseignant, là où nous avons du pouvoir d’agir : l’enseignement et les apprentissages.
analyser systématiquement les situations au regard de « qu’est-ce qui est difficile à apprendre ? et qu’est-ce qui est difficile à enseigner ? Et de faire du lien entre ces deux catégories de problèmes : problèmes d’élèves <=> problèmes d’enseignants.
Si nous nous intéressons seulement aux origines de la difficulté : les pauvres réussissent moins bien que les riches, si on n’est pas motivé à l’école, si on est troublion, on réussit moins bien à l’école, sans doute, mais cela ne nous donne pas de pistes sur comment on fait pour agir ?
Si on veut agir pour améliorer les apprentissages des élèves, il faut s’intéresser à la nature des difficultés qu’ils rencontrent et non à leur origine. De la même façon, si on veut proposer des formations utiles aux enseignants, il faut s’intéresser à leurs mobiles d’action en se disant : « on n’a pas toujours raison de faire ce qu’on fait mais qu’on a toujours de bonnes raisons de la faire ». Et c’est bien en allant comprendre pourquoi on fait ce qu’on fait, en tant qu’enseignant, en mesurant ensemble « ce qu’on perd et ce qu’on gagne » à transformer nos pratiques par rapport à une situation donnée, en étant accompagné et sécurisé dans son contexte de travail (Souligner ici l’importance du rôle de la hiérarchie, de l’accompagnement à long court, moyen et long terme et de la formation), et qu’on pense qu’on y gagne davantage que ce qu’on perd, qu’on accepte certains changements, à petits pas.
Si on regarde, du côté des apprentissages, quelles sont les représentations de ce que signifie apprendre, du côté des élèves en difficulté et du côté des élèves qui réussissent bien à l’école, voici ce qu’on remarque.
Parler d’Amidou et de la carte de géographie pour montrer comment la dépendance affective et relationnelle construite dans le 1er degré, se transforme en sentiment d’injustice et crée du ressentiment au collège.
Jacques Bernardin a écrit ce tout petit livre « le rapport à l’école des élèves de milieux populaires », il est président du GFEN (groupe français de pédagogie nouvelle)
Pour aller plus loin concernant
La relation Ecole/Famille pour montrer l’organisation du tableau de l’EP
Sur l’axe 3 du référentiel : Mettre en place une école qui coopère utilement avec les parents et les partenaires.
Les ressources sont catégorisées en ressources théoriques et en supports pour la formation (pas tout le temps).
Les ressources théoriques correspondent plutôt à des textes ou des vidéos de conférences de chercheurs.
Les supports pour la formation peuvent prendre de nombreuses formes mais en général ils proposent des situations dans lesquelles on ramène le réel, par des vidéo ou des textes ou des « verbatims ».
Premier exemple, vous voulez regarder cette conférence de Pierre Perier, sociologue qui parle ici « de quelques principes de justice dans les rapports entre les parents et l’école. »
Vous y trouvez des vidéos séquencées et chapitrées avec indiqué le temps que dure le sujet dont il est question.
Regarder un court passage de Pierre Perier qui analyse le vécu d’une maman d’élève, Catherine Troptard qui parle de son vécu de Maman. Dans cette vidéo, Pierre Perier analyse les effets symboliques des fonctionnements ordinaires de l’institution sur ces familles « éloignées de l’école » qui se sentent discréditées par l’école et il montre comment cela se construit (dans cette vidéo il ne propose pas de moyens de faire autrement, on trouve plutôt cela dans la partie des documents à destination du formateur.)
Deuxième exemple, les entretiens enseignants-parents, à quelles conditions sont-ils utiles ? et utiles pour quoi ? pour qui ? L’exemple de Catherine Hurtig-Delattre, directrice d’une école maternelle en REP+ qui parle de son expérience. Elle vient de publier un livre intitulé « la co-éducation à l’école, c’est possible ». Vous trouvez là des entretiens filmés et un entretien d’auto-confrontation de cette directrice pour expliquer ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait et quand elle le fait…
Dans son livre, elle pose des conditions nécessaires de postures professionnelles lors des entretiens
1er renversement : se responsabiliser dans la relation en tant que professionnel, au lieu d’être dans une attente implicite.
2ème renversement : construire une relation « asymétrique à parité d’estime » et non de faux semblant partenarial
3ème renversement : envisager la coéducation comme véritable enjeu d’apprentissage et non comme un enjeu de confort ou de convivialité.
Deuxième partie
Proposer d’entrer par une préoccupation « ordinaire » mais pour laquelle on n’a jamais fini de chercher des solutions, aussi chevronné soit-on : Comment gérer l’hétérogénéité dans l’établissement, dans les classes ? Dans le conseil pédagogique on entend souvent : Il faut différencier son enseignement pour tirer profit de l’hétérogénéité, qui est une richesse… Oui d’accord mais comment on fait ? Cette entrée par « hétérogénéité/différenciation » va me permettre de tirer certaines ficelles qui nous intéressent aujourd’hui, notamment celles d’enseignement explicite et de travail personnel.
De quoi parle-t-on ?
Tout d’abord il n’est pas inintéressant de se dire que hétérogénéité est peut-être un mot-valise et se demander si on met tous la même chose derrière ce mot : Finalement de quoi parle-t-on ?
Du côté des mots :
Quand on cherche le mot hétérogénéité sur le CNRTL (Centre National de ressources Textuelles et Lexicales) http://www.cnrtl.fr/definition/ , on trouve essentiellement un renvoi vers les mots homogénéité et différenciations.
Hétérogénéité et différenciation semblent donc liés étroitement
Pourquoi accroche-t-on hétérogénéité et différenciation ?
Il me semble qu’il y a là à la fois un implicite, voire un impensé, et un paradoxe important. Je m’explique.
Un impensé qui ressemblerait à : « Comme les gens sont différents, il faut avoir avec eux des actions de natures différentes ».
Or on a sans doute là un faux ami qui renvoie à différentes conceptions de l’égalité que je vais poser. Bien sûr on n’est jamais complètement dans un modèle ou dans un autre. En fonction des situations, de nos convictions, de notre expertise professionnelle… On se réfère tendanciellement plutôt à un modèle ou à un autre.
1. Première conception :
Une école égalitaire est une école qui donne la même chose à chacun, qui traite de la même façon ses publics. Une telle école risque de laisser sur le bord du chemin ceux qui n’ont pas eu la « panoplie » à la naissance, ceux qui n’ont pas la connivence avec les codes scolaires. Une école qui prend le risque de reproduire du déterminisme social. JYves Rochex et Jacques Crinon appellent cette indifférence aux différences des différenciations passives (Dans les situations d’apprentissages l’activité en elle même ne suffit pas pour provoquer un apprentissage. Il est attendu un certain nombre de prédispositions de la part de l’élève pour qu’il investisse ces situations et qu’il en comprenne les enjeux. Or, les élèves possèdent inégalement ces prérequis qui permettent ce saut cognitif entre l’exercice et le savoir, et sans doute parce qu’ils sont bien souvent « invisibles » ou non conscientisés ou difficilement « explicitables »).
Stéphane Bonnery explique lui comment dans cette même conception de l’égalité scolaire se déploient des malentendus socio-cognitifs :
2. Deuxième conception :
Une école égalitaire est une école qui prend en compte les différences, dans le sens où elle répond aux besoins individuels de ses publics, où elle prend à sa charge la diversité de ses publics. Une telle école comporte un risque d’essentialisation. C’est parce que leur culture est éloignée de l’école que… C’est parce qu’ils ne parlent pas français à la maison que… C’est parce que les parents ne sont pas lecteurs que… C’est parce que la famille est défaillante que, c’est parce qu’il est dyslexique qu’il a besoin d’un sur-étayage… On voit bien apparaître le risque de naturalisation de la difficulté quand on entre par la question des besoins particuliers.
3. Troisième conception :
Il existe une troisième conception d’une école égalitaire, qui nécessite un changement de paradigme. Une école qui serait centrée sur les apprentissages et sur la nature des difficultés d’apprentissages. Une école qui passerait de « public à problème, à problème public », c’est à dire qui interrogerait les normes et les codes scolaires pour rendre les savoirs accessibles à tous. Est-ce que c’est le rapport entre la normativité d’une institution et les publics qui construit cette hétérogénéité, ou bien est-ce que l’hétérogénéité est déjà inhérente aux publics ?
Les deux dernières conceptions s’affrontent aujourd’hui, souvent de manière implicite, (on parle aussi bien d’élèves à besoins particuliers (conception 2), que d’école inclusive (conception 3)). C’est à dire qu’entre prendre en compte les besoins individuels et agir dans le sens de rendre les savoirs accessibles pour tous il ne s’agit pas de rejeter une conception contre l’autre. Comprendre la nature des problèmes que rencontrent les élèves dans les apprentissages, tout comme comprendre la nature des problèmes d’enseignement que rencontrent les professionnels dans l’exercice de leurs fonctions, est un problème extrêmement exigeant.
Différenciations actives :
Or toutes les formes de différenciations ne se valent pas. JY Rochex et J Crinon appellent les différenciations actives, en reprenant un exemple développé par Claire Margolinas et Marceline Laparra. Dans une vidéo intitulée « profession chercheur 8 » https://videos.univ-lorraine.fr/index.php?act=view&id=368 , elles montrent comment un enseignant de maternel, à quelques minutes d’écart, à propos d’un travail sur le mot ESCARGOT, met un enfant qui ne sait pas réaliser seul la tâche en situation d’apprentissage et l’autre pas, alors que visiblement les deux élèves ont les mêmes difficultés. Les deux chercheures montrent que c’est à l’insu de l’enseignant, sans doute de manière inconsciente et par soucis bienveillant de ne pas mettre l’élève en échec dans l’effectuation de la tâche que l’enseignant ne confronte qu’un seul de ses deux élèves à un apprentissage. Claire M et Marceline L montrent aussi que ce genre de micro-interactions, dans lesquelles un élève est confronté aux savoirs et pas un autre, présupposé fragile ou en difficulté à tort ou à raison, se répètent toujours pour les mêmes élèves, à longueur d’année scolaire et au fil des années scolaires. Elles montrent aussi que les savoirs auxquels ces élèves ne sont pas soumis sont souvent des micro-savoirs, en lien avec la littéracie (ici par exemple l’élève épelle toutes les lettres, les unes après les autres, sans en oublier, en partant de la gauche vers la droite. Il y a là des micro-compétences littéraciques extrêmement importantes). Elles vont jusqu’à dire que c’est, entre autre, parce que certains élèves, du fait de différenciations actives, sont rarement confrontés aux savoirs implicites, voire parce qu’on décompose en micro-tâches pour les préserver (activation des stéréotypes et des préjugés par bienveillance) qu’ils développent une dépendance affective et cognitive qui les centrent sur la réussite de la tâche et non le savoir en jeu, sur la validation de l’enseignant et non des procédures d’auto-vérification, qu’ils ne font jamais le lien entre ce qui a déjà été fait, ce qu’il s’agit de reconnaître dans la situation et ce qu’on saura bientôt faire ; si bien qu’ils finissent par être réellement en difficulté dans le système scolaire, voire qu’ils se sentent leurrés comme on l’a vu pour Amidou.
On peut donc dire maintenant, qu’il faut être vigilant à nos actions concernant l’acception sémantique de différenciation. Toutes les différenciations ne se valent pas, certaines sont différenciatrices. Allons maintenant regarder dans la réalisation des tâches proposées par les programmes et par les enseignants comment les conceptions de l’égalité se jouent et comment les différenciations sont mises en oeuvre.
Enseigner de manière explicite : c’est quoi le problème ?
Une première précaution, je vais parler d’enseigner plus explicitement avec cette idée d’éviter les confusions avec ce que les canadien appellent aussi bien enseignement explicite qu’instruction directe, développé notamment par Steve Bissonnette (guidage pas à pas, micro-décomposition en procédures et entrainement pour chaque procédure, puis à l’enchainement des procédures…)
S’expliciter à soi. Au delà des savoirs disciplinaires, la question des savoirs didactiques. Comprendre ce qu’ils ne comprennent pas et clarté conceptuelle et didactique pour les enseignants
« Parce que réussir n’est pas comprendre », des chercheurs comme Sylvie Cèbe, Patrick Rayou, Roland Goigoux, JY Rochex, Jacques Bernardin, préconisent aux enseignants de consacrer un temps suffisant aux répétitions, aux verbalisations qui guident l’action, à enseigner la compréhension de l’implicite, à catégoriser les situations et catégoriser les catégories (pour construire de la conscience disciplinaire (exemple du menu de cantine si on catégorise par couleurs, art plast, par catégorie d’aliment, en SVT, si on fabrique tous les menus possible pour les compter, on est en maths, autre exemple : la maitresse dit on va dire des mots dans lesquels on entend le son « a ». Elève 1 : Maman, Elève 2 Papa, Elève 3 Tonton. On n’est pas sûr que l’élève 2 soit dans la bonne catégorisation)
Sylvie Cèbe pose la question :
Comment concilier "l'explicitation" avec la mise en activité intellectuelle de l'élève ? Il ne suffit pas d’expliciter une consigne pour que tous les élèves entrent dans le travail. Comment faire pour que tout le monde comprenne ce qu'il y a à faire ? Même lorsque l'élève sait reformuler la consigne, rien ne garantit qu'il ait compris le sens de la tâche. Il faut donc aller au-delà de la reformulation et engager les élèves dans une réflexion autour des critères de réussites avec des questions du type :
Je rajoute une dernière chose en citant Patrick Rayou qui explique que l’école engage l’élève sur le registre identitaire, qu’il y a là une véritable difficulté et source de malentendus pour les élèves :
On attend de l’enfant ou du jeune qu’il s’engage en tant qu’élève dans les apprentissages. Cette manière d’être « soi-élève » à l’école est très particulière. Comprendre que le « Je » employé par Descartes dans le Discours de la Méthode n’est pas le même que le « je » de René dans la vie ordinaire, ne va pas de soi et peut apparaître aux yeux des élèves comme une sorte de récusation de leur personne
Prenons cet exemple que j'emprunte à Bernard Lahire, qui a beaucoup travaillé sur les écrits d’élèves et en particulier les écrits des élèves des milieux populaires. Il dit que quand on demande à des élèves, pour se rapprocher de leur expérience, de décrire une journée de vacances, on va avoir des écrits très déstructurés qui signifient beaucoup pour les élèves, mais qui sont pleins de tout ce que l’écrit scolaire récuse. C’est à dire la connivence, l’implicite, la contextualisation vs la décontextualisation, pas de concordance des temps, un aplatissement des choses les unes sur les autres. Il n’y a pas d’introduction, il n’y a pas de morale tirée à la fin, etc. Les élèves sont convaincus d’avoir validé les consignes, d’avoir répondu « j’ai raconté une journée de mes vacances » et on va leur dire : « non, non mais ça, ça ne va pas du tout ». Parce que ce qu’il s’agissait de raconter, c’était sur le mode de la rédaction qui est un genre qui correspond de très loin au récit spontané que les élèves peuvent avoir entre pairs. Alors vous voyez que ceci est une question très compliquée : faut-il se rapprocher des élèves ou au contraire s’en éloigner ? Si on s’en éloigne, ils ne mordent pas dans l’école et si on leur donne ce qu’ils savent déjà, ce n’est plus l’école non plus. Il y a donc toute cette marge très compliquée qui pose la question de l’explicitation de manière aiguë... »