Des spécialités pour quoi faire ?
Pour le SE-Unsa, le temps du lycée n’est pas le temps de la spécialisation mais le temps d’une différenciation progressive qui permet aux lycéens d’acquérir des compétences communes à tous en s’appuyant sur des champs disciplinaires choisis.
Les choix des lycéens ne doivent pas être enfermants mais au contraire permettre la découverte de domaines nouveaux ou l’approfondissement de domaines déjà connus et appréciés. Dans tous les cas, les attendus des formations de l’enseignement supérieur ne doivent pas être formulés en enseignements de spécialité exigés.
Les enseignements de spécialité doivent tous concourir à la formation citoyenne des lycéens, à leur compréhension du monde, et à l’acquisition des démarches et des outils du travail intellectuel indispensables pour réussir leur poursuite d’études.
Ce sont bien des compétences qu’il faut que nos élèves développent et celles-ci sont définies dans les attendus des formations du supérieur. Ce sont en particulier les compétences requises par l’expression orale, la recherche documentaire, le travail en autonomie mais aussi en collaboration, la curiosité intellectuelle. Toutes ces compétences sont citées dans la note du CSP aux groupes d'experts (GEPP) mais elles sont bien peu présentes dans les projets.
Un risque : que rien ne change…
Une enquête menée par L’Etudiant montre que les lycéens de seconde interrogés cherchent à reconstituer l’existant (les séries) dans leurs intentions de choix. Cette reconstitution de l’existant est encouragée par l’absence de visibilité sur les exigences du supérieur et le fonctionnement de Parcoursup et par le ministère lui-même qui conseille aux recteurs et chefs d’établissement de s’appuyer sur cet existant.
Il n’y aura donc probablement pas de révolution et les contenus des programmes ne joueront sans doute qu’un rôle modeste dans les choix des élèves et de leurs familles.
Un manque de cohérence et de coordination entre les groupes d’experts (GEPP)
Les enseignements de spécialité sont hétérogènes dans leur conception. Certains correspondent à des disciplines scolaires déjà connues des élèves, voire présentes dans le tronc commun jusqu’en terminale (histoire-géographie-EMC ; langues vivantes). Il s’agit alors de proposer des contenus complémentaires des enseignements de tronc commun. Ils sont approfondis et/ou pensés pour une poursuite d’étude particulière. On peut légitimement se questionner par exemple sur l’attractivité d’un enseignement de spécialité « Langues, littérature et culture en langue étrangère » qui privilégie très nettement les entrées littéraires aux dépens d’une entrée plus large ou d’une approche croisée avec d’autres disciplines.
D’autres enseignements correspondent à des disciplines scolaires connues mais qui ne sont plus présentes dans le tronc commun. C’est le cas de l’enseignement de spécialité mathématiques qui devrait être pensé pour tous les élèves qui auront besoin des mathématiques quelle que soit leur future orientation mais dont on voit qu’il répond dès la classe de première plutôt aux attentes de ceux qui choisiront une poursuite d’études scientifique. D’autres enseignements de spécialité sont des nouveautés pluridisciplinaires.
On constate que certains GEPP ont fait des propositions de répartitions horaires entre les disciplines quand d’autres s’en sont bien gardés : ainsi l’enseignement de spécialité « humanités, philosophie et lettres » est présenté comme devant être partagé à parts égales entre le professeur de français et le professeur de philosophie alors que celui d’ « histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques » ne donne aucune indication, ce qui ne manquera pas de poser problème dans les établissements.
Comment expliquer ces différences entre les GEPP, sinon par un manque de coordination et de cohérence probablement lié au calendrier insoutenable ? Ce manque de cohérence est aussi visible dans les choix de présentation très divers qui ne facilitent pas la lecture et le travail en équipe.
Enfin, certains programmes sont conçus comme une propédeutique de la terminale (en SES par exemple) sans tenir compte du fait que les élèves pourront choisir de ne pas poursuivre la spécialité en terminale et qu’une proportion non négligeable des élèves n’a pas l’intention de se spécialiser dans la ou les disciplines concernées.
En conclusion, le SE-Unsa regrette que le débat sur les enseignements de spécialité (leur nature, leurs objectifs, leur horaire) ait été largement escamoté lors de l’élaboration de la réforme. De réelles difficultés apparaissent, que le Conseil Supérieur des Programmes tente de résoudre en ordre dispersé et dans l’urgence.
Décidément, la marche forcée n’est guère compatible avec la qualité. Le SE-Unsa proposera des modifications au cours des consultations à venir en décembre avec le Conseil supérieur de l’Éducation.