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samedi 30 mars 2019
Une tribune signée par Luc Farré, Secrétaire Général de l’UNSA Fonction Publique, publiée par Libération sur le projet de loi de transformation de la fonction publique du gouvernement.
Le gouÂverÂneÂment a dĂ©cidĂ©, contre l’avis unaÂnime des orgaÂniÂsaÂtions synÂdiÂcaÂles reprĂ©ÂsenÂtaÂtiÂves, de mainÂteÂnir un projet de loi pour « transÂforÂmer la Fonction publiÂque ». Il aura rĂ©ussi Ă tenir une cinÂquanÂtaine de rĂ©uÂnions dites de concerÂtaÂtion avec les reprĂ©ÂsenÂtants des perÂsonÂnels … sans les Ă©couter. En effet le contenu de son texte, dĂ©voilĂ© le 13 fĂ©vrier 2019, n’a pas bougĂ© par rapÂport Ă son projet iniÂtial.
Mais peut-ĂŞtre pourÂrait-on passer sur la forme s’il s’agisÂsait de rĂ©ponÂdre Ă nos conciÂtoyens qui, se senÂtant abanÂdonÂnĂ©s par la puisÂsance publiÂque, ont fait remonÂter, dans le « Grand DĂ©bat », leur ras-le-bol d’être dĂ©muÂnis des serÂviÂces publics pour lesÂquels ils paient l’impĂ´t ? Vous n’y ĂŞtes pas. Ce projet de loi, censĂ© « refonÂder le contrat social avec les agents publics », emporte une resÂtricÂtion des droits des agents et vise une contracÂtion de la Fonction publiÂque. Les 120 000 supÂpresÂsions annonÂcĂ©es de postes en sont l’expresÂsion.
En fait de « refonÂdaÂtion », ce projet acte plutĂ´t, pour l’UNSA, une rupÂture du contrat social car les condiÂtions de recruÂteÂment, d’emploi et de carÂrière seront bouÂleÂverÂsĂ©es sous prĂ©Âtexte de « moderÂniÂsaÂtion ». Modernisation ? Pourtant, la Fonction publiÂque, depuis qu’elle existe, n’a cessĂ© de s’adapÂter aux Ă©volutions sociĂ©ÂtaÂles. Trente-cinq rĂ©forÂmes prĂ©ÂcèÂdent ce projet !
En vĂ©ritĂ©, le gouÂverÂneÂment fait des choix idĂ©oÂloÂgiÂques. Il stiÂpule qu’en transÂpoÂsant des disÂpoÂsiÂtifs issus du secÂteur privĂ© dans la Fonction publiÂque, celle-ci va s’amĂ©ÂlioÂrer. Rien n’est moins sĂ»r car l’inflĂ©ÂchisÂseÂment des droits des agents et l’exterÂnaÂliÂsaÂtion des misÂsions de serÂvice public peuÂvent conduire Ă la dĂ©graÂdaÂtion du serÂvice rendu aux usaÂgers.
On peut ainsi s’interÂroÂger sur la perÂtiÂnence d’imporÂter la rupÂture convenÂtionÂnelle dans la foncÂtion publiÂque comme le fait le projet de loi. L’orgaÂniÂser pour des contracÂtuels et des foncÂtionÂnaiÂres sans mettre en place de garanÂties est un danger. Sans l’homoÂloÂgaÂtion de cette convenÂtion, sans le recours Ă l’insÂpecÂtion du traÂvail, sans la jusÂtice prud’homale et en interÂdiÂsant un retour dans la foncÂtion publiÂque sous peine de perdre l’indemÂnitĂ© liĂ©e Ă la rupÂture convenÂtionÂnelle, cela peut avaÂliÂser une forme de licenÂcieÂment dĂ©guisĂ©.
Je pourÂrais aussi Ă©voquer le risque que cette mesure puisse aggraÂver le harÂcèÂleÂment dans la Fonction publiÂque. Car qui proÂtèÂgera l’agent en cas de refus de quitÂter la foncÂtion publiÂque sur presÂsion de son employeur ? La jusÂtice admiÂnisÂtraÂtive ? Elle a des dĂ©lais très longs, peu comÂpaÂtiÂbles avec la rĂ©aÂlitĂ© des situaÂtions. L’UNSA proÂpose au moins la mise en place d’un conseiller synÂdiÂcal pour accomÂpaÂgner l’agent tout au long de ce pĂ©rilleux proÂcesÂsus.
Oui, la quesÂtion de la mobiÂlitĂ© dans et hors de la Fonction publiÂque mĂ©riÂteÂrait d’être traiÂtĂ©e. L’amĂ©ÂlioÂraÂtion de la forÂmaÂtion contiÂnue et la mise en place de souÂtiens seraient des pistes bien plus frucÂtueuÂses : voilĂ qui serait une vĂ©riÂtaÂble moderÂniÂsaÂtion de la foncÂtion publiÂque.
Autre forme, prĂ©vue par le projet de loi, de rupÂture du contrat social qui lie l’agent Ă son employeur public : obliÂger un agent public Ă suivre son poste en cas de priÂvaÂtiÂsaÂtion, sans lui laisÂser le choix de rester dans la Fonction publiÂque. Je ne connais pas d’entreÂpriÂses priÂvĂ©es phiÂlanÂthroÂpiÂques. La renÂtaÂbiÂlitĂ© Ă©conomique et la dĂ©fense des intĂ©ÂrĂŞts parÂtiÂcuÂliers les rĂ©gisÂsent. Pourquoi ne pas laisÂser le droit d’option Ă des agents publics qui, iniÂtiaÂleÂment, avaient choisi proÂfesÂsionÂnelÂleÂment le serÂvice de l’intĂ©ÂrĂŞt gĂ©nĂ©Âral et de tous les usaÂgers ?
Je m’interÂroge touÂjours : en quoi remetÂtre en cause les insÂtanÂces reprĂ©ÂsenÂtaÂtiÂves des perÂsonÂnels et affaiÂblir la proÂtecÂtion des agents est-il « moderne » ?
Pourtant, le gouÂverÂneÂment veut supÂpriÂmer les ComitĂ©s d’Hygiène, de SĂ©curitĂ© et des Conditions de Travail en les fusionÂnant avec les ComitĂ©s Techniques pour crĂ©er une insÂtance unique de diaÂloÂgue social. Cela vouÂdrait dire que, demain, l’impact des restrucÂtuÂraÂtions sur la santĂ© des agents ne serait plus Ă©valuĂ© dans une insÂtance spĂ©ÂciaÂliÂsĂ©e.
C’est un « copier coller » de ce qu’il a fait dans le secÂteur privĂ© avec les ordonÂnanÂces Travail... alors mĂŞme que les preÂmièÂres Ă©valuations des effets de ces derÂnièÂres en souÂliÂgnent les effets perÂvers.
Or, le projet de loi ne s’arrĂŞte pas lĂ . Vous ĂŞtes-vous interÂrogĂ©-e sur ce qui permet cette prouesse qui s’appelle la contiÂnuitĂ© du serÂvice sur l’ensemÂble du terÂriÂtoire ? Elle abouÂtit, par exemÂple, Ă ce qu’à chaque renÂtrĂ©e scoÂlaire, il y ait bien parÂtout un enseiÂgnant face Ă une classe ou encore que, dans tout comÂmisÂsaÂriat de quarÂtier, vous trouÂviez des poliÂciers en poste ? Elle est liĂ©e Ă un disÂpoÂsiÂtif rodĂ© qui rĂ©pond aux aspiÂraÂtions des agents et Ă l’intĂ©ÂrĂŞt du serÂvice public : les Commissions Administratives Paritaires.
Actuellement, ces comÂmisÂsions sont consulÂtĂ©es sur de nomÂbreux actes de la vie proÂfesÂsionÂnelle des agents. Elles garanÂtisÂsent l’équitĂ© des rĂ©ponÂses apporÂtĂ©es Ă chacun ou encore leur indĂ©ÂpenÂdance en les proÂtĂ©Âgeant des presÂsions. Le gouÂverÂneÂment souÂhaite leur retiÂrer leurs comÂpĂ©ÂtenÂces, priÂvant ainsi les agents publics de transÂpaÂrence, d’équitĂ© et de proÂtecÂtion face Ă l’arbiÂtraire. Le projet de loi va opaÂciÂfier la gesÂtion des perÂsonÂnels, tout en preÂnant le risque de rompre la contiÂnuitĂ© du serÂvice sur le terÂriÂtoire et de dĂ©sorÂgaÂniÂser les serÂviÂces publics.
L’UNSA s’oppose donc au contenu de ce projet de loi et veut agir pour que le gouÂverÂneÂment le revoie, s’invesÂtisse dans un vĂ©riÂtaÂble diaÂloÂgue social en nĂ©goÂciant avec la volontĂ© d’abouÂtir, comme il a su le faire sur l’égalitĂ© proÂfesÂsionÂnelle dans la foncÂtion publiÂque.
Luc Farré
SecrĂ©taire GĂ©nĂ©ral de l’UNSA Fonction publiÂque