SECTION SE-Unsa des BOUCHES DU RHONE - 14 RUE LOUIS ASTOUIN - 13002 MARSEILLE
Tél. 04 91 61 46 90 - 13@se-unsa.org

 
Grève le 3 février, dans le paysage
Article publié le jeudi 29 janvier 2015.
  • Lnk_facebook
  • Lnk_google
  • Lnk_twitter

Grève le 3 février, dans le paysage. Une grève dont l’UNSA ne sera pas. Non pas que la situation soit idyllique avec un présent radieux et un avenir rieur, tant s’en faut. Dans cette période, des actions locales sur des objectifs précis ont pu ou pourraient s'avérer nécessaires, dans un cadre intersyndical ou sur l'initiative des syndicats et sections UNSA Éducation. Mais il n’y a aucune raison de faire baisser son pouvoir d’achat plus vite que prévu en faisant une grève nationale inutile le 3 février prochain. Explications...

La première explication vient sans doute du respect de quelques principes. La grève a été lancée par la seule FSU, sur des mots d’ordre de la FSU, sans que la date, les modalités ni la plateforme puissent être discutées par qui que ce soit puisque la FSU a déjà tout prévu.

Une explication, mais pas la seule. Derrière la mĂ©thode de la FSU, dĂ©testable sur la forme (Je suis tellement unitaire que je dĂ©cide unitairement de tout, toute seule), cet appel Ă  la grève illustre une diffĂ©rence de conception fondamentale qui rejoint la diffĂ©rence de conception sur ce qu’est le syndicalisme... et la grève utile.

Une grève : mais pourquoi… et pour quoi ?

La FSU a annoncĂ© la grève le 6 janvier et publiĂ© parallèlement une (longue) lettre de sa secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale Ă  la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Ce courrier annonce tout d’abord la grève et en dĂ©taille les raisons (dĂ©tailler est le mot qui convient) sous un chapeau très gĂ©nĂ©ral Â«conditions de travail, emplois, salaires et formation».

On relèvera d’abord cette formulation qui-nous-interpelle-quelque-part-au-niveau-du-vĂ©cu : Â«La politique Ă©ducative du gouvernement, qui reste affichĂ©e comme une prioritĂ© doit rĂ©pondre aux besoins et attentes des personnels.»

S’il est logique qu’une organisation syndicale quelle qu’elle soit (nous ne faisons pas exception) se prĂ©occupe effectivement des Â«besoins et attentes des personnels», on peut tout de mĂŞme considĂ©rer que la politique Ă©ducative devrait d’abord viser Ă  une meilleure rĂ©ussite et une meilleure insertion des Ă©lèves et des Ă©tudiants. Cela a, certes, des incidences en termes de conditions de travail ou mĂŞme d’attractivitĂ© du mĂ©tier, mais ces conditions et cette attractivitĂ©, pour importantes qu’elles soient, ne sont pas l’objectif premier.

On notera ensuite cette revendication, en soi lĂ©gitime : Â«L’ensemble des personnels est confrontĂ© au gel du point d’indice et Ă  l’absence de perspectives concernant la revalorisation de leurs missions et de leurs salaires».

Tout observateur ayant un peu de recul pourrait être enclin à la perplexité. Le gel du point d’indice, la revalorisation des rémunérations concernent plus directement un autre département ministériel: le ministère de la Fonction publique qu’a en charge Mme Lebranchu et non Mme Vallaud-Belkacem. C’est d’autant plus vrai que la question de la refonte de l’architecture statutaire fait l’objet de discussions en cours à la Fonction publique. Mais, comme dit l’autre, ça ne mange pas de pain.

Quant Ă  la Â«revalorisation des missions», elle ne peut manquer de susciter chez le lecteur des interrogations existentielles profondes. Leur reconnaissance (reconnaissance «morale et matĂ©rielle ») est une chose. La prise en compte de missions assumĂ©es, mais pas encore ou insuffisamment reconnues, en est une autre. La revalorisation des mĂ©tiers relève d’un autre champ.

La Â«revalorisation des missions» est un objet Ă  la fois Ă©trange et mystĂ©rieux — sauf l’aspect, dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©, de la reconnaissance, salariale (auquel cas Â«revalorisation des missions» doit ĂŞtre rangĂ©, dans la xylologie syndicale (de xylos, bois, et logos, langage) comme un synonyme de revalorisation salariale.

Reste la fin du message : Â«MalgrĂ© des crĂ©ations de postes, les conditions d’exercice restent difficiles. La formation initiale et continue doit ĂŞtre amĂ©liorĂ©e de manière urgente. Il faut donner aux enseignants et Ă  tous les personnels les moyens d’apporter des amĂ©liorations aux conditions de scolarisation des Ă©lèves et leur permettre de travailler dans de bonnes conditions.»

On voit bien la déploration (et, dans la période, la « carte scolaire » donnera lieu à des actions justifiées… mais ciblées), mais on cherche la définition d’objectifs, l’affirmation de priorités, la précision dans la revendication.

Un appel « large » en apparence, étroit en réalité

C’est pour mettre en avant Â«ces revendications et ses propositions que la FSU appelle les personnels Ă  se mettre en grève le mardi 3 fĂ©vrier 2015». Pour une fĂ©dĂ©ration qui se targue de groupe des syndicats de la Fonction publique «hors Éducation nationale», on relèvera que l’appel reste quand mĂŞme très Ă‰duc. nat., et mĂŞme Â«enseignants des enseignements scolaires»: aucun Ă©lĂ©ment concernant rĂ©ellement les personnels administratifs, techniques, sociaux et de santĂ© n’apparaĂ®t; aucune mention ne fait rĂ©fĂ©rence aux problèmes importants (tensions budgĂ©taires, politique de regroupements d’établissements) que connaĂ®t le secteur de l’Enseignement supĂ©rieur et de la Recherche. Silence radio. Rien.

Pourtant, pour le coup, Mme Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, est bien la ministre de tous ses personnels à tous les degrés (Supérieur compris) de l’enseignement !

Bien entendu, il y a (quand même) une demande de négociations avec la ministre sur les conditions de travail. En vue de quels objectifs? C’est une tout autre affaire. Et si, dans la lettre adressée par la FSU à la ministre de l’Éducation nationale (mais apparemment pour elle si peu de l’Enseignement supérieur et de la Recherche), on aura du mal à les trouver.

Sans tout citer (on n’est pas quand mĂŞme pas lĂ  pour ça...), Ă©voquons ce passage du courrier de la FSU qui, pour le coup, concerne bien les deux champs ministĂ©riels (Éducation nationale; Enseignement supĂ©rieur et Recherche):

«Enfin, pour la FSU, il est indispensable d’améliorer la formation initiale et continue de tous les personnels. Pour cela, il est urgent de faire enfin le bilan de la mise en place des ESPÉ afin de conduire les réorientations nécessaires dès la prochaine rentrée scolaire.»

L’amĂ©lioration de la formation est une revendication partagĂ©e. Le bilan des ESPÉ peut ĂŞtre utile. Mais qu’entend la FSU par Â«conduire les rĂ©orientations nĂ©cessaires dès la prochaine rentrĂ©e scolaire» (et universitaire, soit dit en passant)? Les positionnements des syndicats de la FSU sur ce sujet sont-ils si clairs, si univoques, si compatibles que cela ? Quelle est la conception affirmĂ©e du mĂ©tier d’enseignant, de son rĂ´le aujourd’hui et demain, de l’évolution de ses missions comme de ses modalitĂ©s d’exercice, de sa fonction (pour nous borner Ă  cet aspect prĂ©cis) dans ou, plus prĂ©cisĂ©ment, pour l’acquisition des savoirs par les Ă©lèves?

C’est le grand jeu de la pochette surprise ou, plutôt, de l’auberge (revendicative) espagnole dans laquelle chacun amène ses propres revendications : peu importe la cohérence du moment que le nombre soit là.

C’est d’ailleurs prĂ©cisĂ©ment sur ce thème lĂ  que nous avions refusĂ© il y a quelques annĂ©es, après plusieurs mois d’échanges intersyndicaux Ă  la suite de la mastĂ©risation «Darcos», d’en rester au slogan Â«Pour une autre rĂ©forme de la formation des enseignants» sans prĂ©ciser ce que les uns et les autres entendaient effectivement mettre dans cette Â«autre rĂ©forme». Sinon, on peut l’attendre aussi longtemps que d’autres ont attendu Godot...  qui est toujours censĂ© venir « demain » depuis 1952).

Un syndicalisme utile… dans l’action aussi

D’abord un principe: la FSU est une organisation syndicale à qui nul ne dénie le droit de fixer librement ses orientations et décider de ses actions.
Simplement, dans un État dĂ©mocratique — y compris sur le terrain de la dĂ©mocratie sociale, les autres organisations sont en droit de rappeler qu’une organisation syndicale qui prend une initiative d’action en faisant en sorte de rester seule (en quoi, historiquement parlant, le U de FĂ©dĂ©ration syndicale unitaire peut rappeler le U de la ConfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©ral du travail unitaire de l’entre-deux-guerres) s’expose Ă  une analyse du pourquoi de la part d’autres organisations. En l’espèce, c’est l’occasion d’une rĂ©flexion qui ne nous semble pas inutile (on y reviendra un peu plus loin).

Ensuite, un rappel : nous avons conduit, dans le cadre des champs ministĂ©riels relevant spĂ©cifiquement de l’UNSA Éducation comme dans celui de la Fonction publique, des actions communes ou, quelquefois, coordonnĂ©es avec la FSU dans un cadre unitaire. Ne soyez pas surpris : il y en aura d’autres.

Il y aura des actions unitaires en « contre ». C’était le cas le 15 mai 2014, contre le gel salarial. On peut avoir Ă  manifester son opposition, sa colère, ses exigences mĂŞme si le contexte laisse peu d’espoir, ne serait-ce que pour prendre l'opinion Ă  tĂ©moin parce que (dans le contexte donnĂ©, toujours), ce peut ĂŞtre nĂ©cessaire, voire indispensable. Mais on rappellera toutefois que cette action avait un objet ciblĂ© (les rĂ©munĂ©rations dans la Fonction publique) et un objectif affichĂ© (le dĂ©gel du point) dans un moment de tension marquĂ© par des menaces sur le gel des avancements d’échelon et de grade (ou de classe).

Il peut y avoir des actions unitaires en « pour » (par exemple sur le budget), et parfois des actions à la fois en contre (une politique restrictive) et en pour (rétablir des moyens supprimés). Ou pour des principes.

Enfin, localement, dans un certains nombre d'établissements et de services, la nécessité de recourir à l'action, y compris par la grève, s'impose en raison de difficultés locales. Dans la période où nous sommes, les mesures de «carte scolaire» dans les académies et départements, par exemple, ont d'ailleurs amené les syndicats ou les sections UNSA Éducation à en prendre l'initiative, seuls ou dans un cadre intersyndical.

Encore faut-il, quelles que soient les circonstances, afficher clairement un objectif. L'objectif peut se dĂ©cliner dans une plateforme mais avec une cohĂ©rence nĂ©cessaire.

Bien sĂ»r, le dĂ©bat sur les plateformes revendicatives est vieux comme le mouvement syndical. Encore faut-il aussi considĂ©rer, dans ce contexte, la situation des collègues, notamment en matière salariale, et ne pas les inciter Ă  perdre une journĂ©e de rĂ©munĂ©ration pour rien dans une action «patchwork».

La grève est « l’arme ultime ». Elle suppose que le mouvement ne soit pas un mouvement « en soi » (la grève pour la grève), mais qu'il s'appuie sur des objectifs clairement identifiĂ©s : modifier un rapport de forces en suscitant l’intĂ©rĂŞt de l’opinion (et des mĂ©dias) par la force de la mobilisation; dĂ©bloquer une situation (ça s’est vu, de manière contradictoire, en 1989 pour la revalorisation de la fonction enseignante).

Or, dans l’appel Ă  la grève lancĂ© par la FSU, il y a des thèmes, des descriptifs, des sujets de discussion mais pas d’objectifs identifiĂ©s, de revendications prĂ©cisĂ©es mĂŞme si elles ne sont pas dĂ©taillĂ©es. La somme des mĂ©contentements Ă©pars et fragmentaires ne fait pas une action cohĂ©rente. Pour les collègues qui se seront mobilisĂ©s pour des enjeux très ponctuels, l’absence de rĂ©elles perspectives au mouvement ne peut qu’accroĂ®tre et l’amertume, et la dĂ©sespĂ©rance dans l’action syndicale.

Nous ne croyons pas (c’est un vieux dĂ©bat avec nos camarades de la FSU ou de la CGT) aux vertus du syndicalisme «caisse de rĂ©sonance», accumulant tous les mĂ©contentements et toutes les revendications (fussent-elles contradictoires), pour porter haut et fort la voix des travailleurs en colère. Que la colère soit justifiĂ©e: oui. Que nous exprimions la nĂ´tre quand c’est nĂ©cessaire: oui encore. Mais nous pensons Ă  l'UNSA qu’il vaut mieux privilĂ©gier le syndicalisme utile et, tant que des discussions ne sont pas achevĂ©es (notamment Ă  la Fonction publique oĂą elles viennent enfin de commencer), qu’il vaut mieux tirer des conclusions en fin de nĂ©gociation.

C’est pourquoi nous pensons que l’appel Ă  la grève de nos camarades de la FSU est une erreur (leur dĂ©cision est leur affaire, mais c’est la nĂ´tre que d’éviter que des personnels perdent une journĂ©e de salaire pour rien). Or la grève inutile, sans lendemain, dissuade par la suite les personnels — alors qu’on en aurait besoin — de faire la grève utile.

— Ou alors, amis adeptes de la théorie du complot, il faut considérer que c’est un pacte secret, ourdi par des puissances obscures, par lequel le Gouvernement et la FSU ont trouvé un moyen, pour les personnels de la Fonction publique, de faire un effort civique (involontaire) grâce auquel la masse salariale de la Fonction publique se réduira de fait grâce aux retenues pour grève.

La théorie du complot n’étant pas plus sérieuse que la mise en œuvre des «non-objectifs» de la FSU au soir du 3 février, l’UNSA, ses militants et sympathisants n’en seront pas. Même si c’est pour les beaux yeux de la FSU, il n’y a aucune raison de faire baisser son pouvoir d’achat plus vite que prévu en faisant une grève inutile le 3 février prochain.

Luc BENTZ

 
 
PĂ©tition
 
Nos campagnes
 
Santé
 
Aides spécifiques
 
Mouvement
 
Conditions de travail
 
Concours
 
ALC