Comment t’est venue l’idée du livre ?
- Le projet est né d’un véritable besoin personnel. Lors des vacances d’octobre dernier, j’étais en famille, en vacances dans le Mercantour. L’envie m’est soudainement venue de mettre par écrit mes idées pour y voir plus clair. Voilà près de cinq années, depuis mon affectation dans un établissement Rep, que je mets en place divers dispositifs dans mes classes pour répondre aux différents besoins éducatifs de mes élèves. Je doute sans cesse, recherche, teste, critique, analyse… Au fil du temps, je n’y voyais plus très clair. Si le doute me fait avancer, j’avais aussi besoin de visualiser la cohérence de mes démarches.
Comment en es-tu venue à être éditée ?
- Mon mari m’a lue et m’a encouragée à l’envoyer à des maisons d’édition. N’y connaissant absolument rien, j’ai observé l’étagère de mon bureau sur laquelle j’entrepose les livres traitant de pédagogie que je dévore, fait quelques photocopies et ai expédié tout ça, persuadée que je ne serais jamais éditée. Quelques semaines seulement après, j’ai été contactée par l’Harmattan. Là, ce fut un peu la panique… La peur de me mettre ainsi à nue, soumise aux critiques… Mais j’étais allée trop loin. Il me fallait bien assumer ce geste fou d’avoir un jour déposé mes enveloppes dans la boîte aux lettres.
As-tu demandé des conseils et des avis avant d’être éditée ?
- Oui bien sûr. J’ai d’abord fait relire mon texte à ma principale adjointe afin d’être sûre que mes propos ne nuiraient pas à notre institution. Elle m’a encouragée. Je me suis alors tournée vers la référente de l’innovation pédagogique de mon académie avec laquelle j’avais travaillé auparavant dans la cellule EIP. Elle a alors accepté de me préfacer. Il ne me restait plus qu’à trouver une illustration. Je voulais quelque chose de simple, d’authentique et surtout pas « prise de tête ». J’ai demandé à mes enfants. Ma fille a sauté sur l’occasion. Voilà donc le livre édité et ma petite fille trop fière d’avoir son nom sur la couverture !
Qu’attends-tu de ce livre ?
- J’espère vraiment que toutes les discussions qui pourront naître autour de ce livre, qu’elles partent de critiques positives ou négatives, permettent de faire tomber les murs de nos classes, entre lesquels nous sommes trop nombreux à nous murer. Si le génie et l’inventivité de chaque professeur rencontraient celles de ses collègues, l’Education nationale ferait vite oublier l’image du mammouth pour prendre celle du phénix. Elle abrite en son sein tant de professeurs géniaux qui n’attendent qu’à être entendus.
En quoi ce livre peut-il être représentatif des problèmes que rencontre aujourd’hui le corps enseignant ?
- Beaucoup de mes collègues entreprennent au moins autant de choses que moi, beaucoup ont peur, doutent, craignent les critiques… c’est pourquoi on ne les entend pas. J’ai eu la chance que mon manque d’assurance soit compensé par la rencontre de gens qui ont cru en mon travail. J’ai pu puiser ce que je n’avais pas en moi à l’extérieur. Nous ne bénéficions pas tous d’un tel accompagnement. C’est pourquoi je me devais, me semble-t-il, en témoigner pour faire entendre la vocation et la créativité de nous autres professeurs.
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Extraits p 15 :
Je m’appelle Audrey Chapelain et suis professeur de Lettres Classiques. J’ai envie d’ajouter « et fière de l’être » malgré tout ce qui accable ma profession. Aujourd’hui, j’ose l’ajouter. Hier, je l’aurais passé sous silence. Il n’est pas toujours facile d’annoncer sa profession quand on exerce la mienne. Juin 2005, signature d’un acte notarial. Je revois encore cette secrétaire, plongée dans ses documents administratifs qui l’absorbaient depuis de longues minutes, relever la tête à l’annonce de ma profession, me regarder droit dans les yeux et me dire naturellement : « Je hais les profs », et de se replonger aussitôt dans ses documents. Elle n’a sans doute pas imaginé l’impact de ces quelques mots. Quatre mots. Quatre syllabes qui retentirent en moi comme autant de balles dans le thorax. Quatre violentes détonations qui ne choquèrent personne d’autre dans la pièce. Un consensus unanime apparemment puisque personne ne releva.
Extrait – Page164-165
A force d’échanges et de mutualisations, je suis convaincue, qu’ensemble, il sera possible de faire évoluer le système éducatif pour lequel nous avons tous choisi d’œuvrer.
Si le métier de professeur est l’un des plus vieux métiers du monde c’est aussi, me semble-t-il, celui qui a le moins évolué. Dans un monde où le savoir est à disposition des élèves de façon bien plus étendue que dans la tête des professeurs les mieux formés, il convient davantage d’accompagner les enfants dans l’acquisition de ces connaissances et leur exploitation que dans leur dispensation. Le rapport frontal professeur-élève sera ainsi dépassé au profit d’un rapport collaboratif où l’expérience de l’un est une richesse pour l’autre. Loin d’accélérer la mort de cette profession, les outils numériques lui ouvrent de nouvelles portes. Le professeur deviendra un guide sur le chemin de la connaissance plutôt qu’un orateur désuet et monotone. Il gagnera crédibilité et légitimité tout en redécouvrant le plaisir de voir évoluer et progresser des élèves mieux préparés au monde qui s’ouvre à eux.