Alors
que l’exĂ©cutif vient de faire de l’activitĂ© physique une « grande cause
nationale » Ă la veille des Jeux olympiques et paralympiques 2024, et
que faire bouger les jeunes est devenue la priorité des ministères de
l’Éducation et des Sports, il convient de s’arrêter un peu sur ce
qu’implique cet enjeu pour l’École.
L’objectif du ministère : du sain et des Jeux
Depuis
plus de trois ans, le discours présidentiel est ponctué d’annonces
illustrant l’impérieuse nécessité de remettre la population, et plus
particulièrement les jeunes, à la pratique physique, entendons par là le
sport. L’antienne de l’exĂ©cutif du « bouger plus pour gagner plus
(d’espĂ©rance de vie) » a une double origine : la pandĂ©mie de Covid qui
n’a fait qu’aggraver une sédentarité déjà bien installée chez les
jeunes, et l’accueil l’année prochaine des Jeux olympiques et
paralympiques (JOP) sur le sol français. Les chiffres inquiétants
communiqués par l’OMS ont en effet de quoi faire réagir : selon elle,
17 % des jeunes sont en surpoids et 9 % des décès en France sont liés au
manque d’activité physique. Quant aux JOP, ils génèrent depuis des mois
une communication très appuyée du gouvernement, désireux de faire de la
France une nation sportive et de laisser un Héritage 2024 autant politique qu’olympique.
30 minutes d’APQ, 2 h de sport en plus… Et l’EPS dans tout ça ?
À l’École, l’ambition de faire nation sportive s’est
illustrée par la mise en place de deux dispositifs : les 30 minutes
d’activité physique quotidienne (APQ) dans le premier degré et les deux
heures de sport en plus au collège. L’idée première est d’afficher la
volonté de l’État d’agir sur l’École, et ce dès le plus jeune âge, pour
donner à voir cette nation sportive toujours en mouvement. Quitte à brouiller le message en mettant au second plan la grande oubliée de l’opération : l’EPS.
Entendons
bien que les deux ministères parlent systématiquement d’activité
physique, voire de sport, mais jamais d’éducation physique et sportive.
Or c’est bien cet enseignement obligatoire, porteur d’une dimension
citoyenne, et celles et ceux qui le dispensent, les professeur·es des
écoles et les professeur·es d’EPS, qui sont les garants de la
transmission aux élèves du savoir être et du savoir vivre, et donc, par
extension, du savoir bouger en sécurité.
Le
chiffre avancé par le ministère des Sports de 85 à 90 % des écoles
ayant mis en place le dispositif des 30 minutes d’APQ ne reflète
absolument pas la réalité : infrastructures inaccessibles et/ou
insalubres, cours de récréation peu ou pas adaptées à la pratique
physique, manque de temps et de moyens alors que les professeur·es des
écoles peinent déjà à assurer les 3 h d’EPS hebdomadaires, auxquelles
les 30 minutes risquent Ă terme de se substituer.
Quant
aux 2 h de sport au collège, dispositif qui consiste à libérer deux
heures dans l’emploi du temps des élèves pour les inciter à aller
pratiquer un sport en club, il ne concerne que 10 % des collèges de
métropole et d’outre-mer, certainement situés à proximité de clubs
sportifs, et ne s’adresse qu’à des élèves volontaires ayant déjà , pour
la plupart, une appétence pour le sport qu’ils pratiquent régulièrement.
Sport scolaire : une force pour l’École à ne pas négliger
Si
le ministère estime que les heures d’EPS sont insuffisantes dans le
premier comme le second degré, qu’il mise donc sur le sport scolaire,
autre grand oublié de l’affaire, animé par les enseignants et assurant
une continuité de pratique et un lien fort avec l’éducatif. Donnons une
chance à l’Usep, qui propose une offre qualitative et qui est très
investie dans les 30 minutes d’APQ et la sensibilisation des enfants aux
JOP, de se développer dans le premier degré, et offrons plus de
visibilité à l’UNSS, seconde fédération sportive en France avec plus
d’un million de licenciés et animée par des professeur·es d’EPS qui
connaissent les besoins de leurs élèves et savent valoriser leurs
efforts.
L’avis du SE-Unsa
Le
SE-Unsa ne conteste pas la nécessité d’inciter les élèves à avoir une
pratique physique régulière dès le plus jeune âge. Cependant, les
dispositifs qui consistent Ă promouvoir le mouvement pour le mouvement,
sans aucune dimension éducative, n’ont pas leur place à l’École.
Pour
le SE-Unsa, il est urgent de valoriser l’existant : l’éducation
physique et sportive et le sport scolaire, en redonnant sa place à l’EPS
dans la formation initiale des professeurs des Ă©coles, en investissant
dans la rénovation et la construction d’infrastructures, en finançant
les transports qui permettront à tous les élèves d’y accéder, dans tous
les territoires. En respectant, enfin, des personnels enseignants qui
subissent l’externalisation de leurs compétences et la remise en cause
de leur statut. Si bouger est important, savoir s’arrêter sur les
difficultés de notre système éducatif et tenter de les résoudre l’est
tout autant.