Lutte contre le harcèlement : un plan ambitieux nécessitant prévention, cohésion et moyens
Article publié le mercredi 4 octobre 2023.
Le
plan de lutte contre le harcèlement présenté par la première ministre
et le ministre de l’Éducation nationale s’appuie sur 3 axes :
prévention, détection et sanction. Ce plan de grande ampleur est
ambitieux et repose sur l’action conjointe de plusieurs ministères. Sa
réussite, que nous appelons de nos vœux, nécessitera des moyens, de la
cohĂ©sion et une implication de tous les acteurs sur le temps long, Ă
l’École et à l’extérieur de celle-ci. Plus que du harcèlement scolaire,
il s’agit de harcèlement entre élèves dans les différentes sphères de
leur jeune vie, pas seulement à l’École.
Prévenir, c’est la clé
La
prévention contre le harcèlement débutera dès l’école maternelle par
des apprentissages autour de l’empathie. Plus que des cours avec des
horaires définis et de nouveaux programmes, les personnels ont besoin
d’outils complémentaires à ce qu’ils font déjà . L’utilisation de la
méthode danoise pour développer l’empathie, parce qu’elle a fait ses
preuves, est une entrée intéressante.
La
poursuite et le renforcement du dispositif pHARe, va dans le bon sens.
Cependant, il conviendra de dresser un premier bilan cette année. En
fonction des retours d’expérience, le dispositif devra pouvoir être
enrichi et modifié pour s’adapter aux besoins réels des écoles et des
établissements. L’employeur devra aussi être en mesure de rassurer les
collègues pour lesquels les responsabilités que ce dispositif confère
sont parfois un frein Ă leur engagement plein et entier.
Enfin
le questionnaire (du CE2 à la terminale) destiné à identifier les
signaux faibles est un outil supplémentaire. Pour le SE-Unsa, afin que
la parole soit libre, il faudra le rendre anonyme. Par ailleurs, son
organisation devra être pensée pour ne pas reposer sur quelques
personnels mais bien partagée par tous. De même, l’ambition de ce
questionnaire ne doit pas ĂŞtre de produire des statistiques lourdes en
gestion, chronophages et dénuées de sens mais bien d’identifier les
élèves en souffrance.
Avoir du personnel en nombre et formé, c’est primordial
Pour
lutter efficacement contre le harcèlement à l’École, il faut surtout
des Ă©quipes pluridisciplinaires en nombre suffisant : enseignants,
psychologues, CPE, AED, AESH, infirmières etc… Ces personnels doivent
être formés, confortés dans leur mission et soutenus face à des
situations complexes qui tendent les rapports avec les familles. Le
SE-Unsa demande également que des assistants d’éducation en charge de
missions d’appui pédagogiques et éducatives soient affectés dans les
Ă©coles.
Le ministère doit engager un plan de formation de l’ensemble de la
communauté éducative, avec comme premier objet la définition pénale du
harcèlement, seule à même de se comprendre. La formation des familles
est aussi primordiale.
Pour le SE-Unsa, la
nécessaire formation pour accompagner le plan de lutte contre le
harcèlement doit se faire sur le temps de service des personnels.
Le temps médiatique n’est pas le temps de l’École
Le
ministre, habile communicant, cible les familles et l’opinion publique
avant de défendre le travail déjà fait par les personnels de son
ministère. Il se réjouit que la parole soit libérée, qu’il y ait un tsunami de témoignages ou que la peur change de camp. Ce vocabulaire, parfois guerrier, est certes volontariste mais aussi très simpliste.
Pour
le SE-Unsa, ce n’est pas d’un électrochoc porteur de lésions dont les
milieux scolaires ont besoin. Tous les enseignants, CPE, PsyEN, AED,
AESH en responsabilité au quotidien doivent pouvoir bénéficier d’un
temps réfléchi et grave d’appropriation d’outils de réparation. Les
situations de harcèlement sont toujours complexes et les élèves,
harcelés ou harceleurs, doivent tous être pris en charge pour que cela
cesse.
S’il n’est pas question de remettre en
cause la parole de l’élève, un travail sérieux d’identification de faits
pénalement caractérisés est nécessaire et cette responsabilité ne peut
pas incomber aux seules Ă©quipes des Ă©coles et des Ă©tablissements.
Pour
le SE-Unsa, la mobilisation autour de la lutte contre le harcèlement
était attendue après la multiplication des drames et des souffrances
subies par les victimes du harcèlement et leurs familles. Sa mise en
œuvre devra se faire avec les personnels, sans précipitation et avec
rigueur. Le temps médiatique, quelle que soit l’urgence, n’est pas le
temps de l’École. Si ce plan devait être prioritaire pour le ministre,
alors il faudra dĂ©prioriser d’autres plans et actions jusque-lĂ
présentés comme tel. Pour le SE-Unsa, l’École ne peut pas et ne doit pas
« faire » toute seule.