Article publié le mardi 15 octobre 2019.
Les
polémiques autour de l’encadrement des sorties pédagogiques prennent
une ampleur inédite. Le point de clivage concerne la participation des
accompagnatrices portant le voile islamique qui est au centre
d’instrumentalisations sans fin. Pour le SE-Unsa, un dialogue serein et
républicain doit être mis en place.
Un débat polarisé au-delà du raisonnable
Chacune et chacun a le droit d’être hostile au voilement des femmes
pour ce qu’il représente en termes de sujétion de la femme. Mais en
République, on ne peut pas interdire tout ce qu’on conteste. Dans
l’espace public, le libre exercice d’un culte est la règle, qui est
simplement encadré par des considérations d’ordre public.
La laïcité de l’École a une place particulière. Pour protéger les
consciences en construction des enfants et adolescents, la neutralité
est imposée aux enseignants depuis 1886, et depuis 2004 pour les élèves
des écoles, collèges et lycées publics. En 2013, Le Conseil d’État a dit
l’état actuel du droit, en indiquant que rien n’oblige les
accompagnateurs de sorties pédagogiques à la neutralité des agents de
l’État, et que seules des considérations de trouble à l’ordre public et
de prosélytisme peuvent justifier le refus de participation. Force est
de reconnaître que ces troubles étaient très limités. Mais les
instrumentalisations de la laïcité sur ce sujet troublent notre société.
Ainsi, vendredi 11 octobre, en séance plénière du Conseil régional
de Bourgogne-Franche-Comté, un élu du Rassemblement national a
interpellé la présidente pour exiger le dévoilement d’une
accompagnatrice de sortie scolaire présente dans l’hémicycle. Pour le
SE-Unsa, au-delà de la grossière erreur de droit, l’extrême-droite
continue de dévoyer la laïcité pour déployer son aversion des musulmans.
C’est inacceptable et dangereux !
La laïcité, ça se pratique ensemble
L’École est un outil de la RĂ©publique pour « faire Nation », en
réunissant tous les enfants foulant le sol de notre pays, au sein d’une
Ă©cole commune. Pour le SE-Unsa, ce principe est plus que jamais
pertinent, au regard des fractures qui s’opèrent dans notre société.
Or, les mécanismes de séparation de la jeunesse déjà enracinés dans
notre système éducatif, sont confortés par la politique actuelle. Du
financement public des classes maternelles privées essentiellement
catholiques, à la possibilité de retour des filières sélectives au
collège, en passant par la mise en place des EPLE internationaux, la
politique ministérielle esquive la mixité scolaire et renforce
l’entre-soi des plus favorisés.
Pour le SE-Unsa, l’entre-soi des uns engendre la ségrégation des
autres. Comment faire vivre la laïcité dans un pays qui a laissé se
ghettoïser des parties entières de son territoire ?
Et maintenant ?
Le SĂ©nat va bientĂ´t Ă©tudier une proposition de loi visant la
neutralité des accompagnateurs de sorties pédagogiques. Pour le SE-Unsa,
dans le contexte actuel, il est urgent de faire descendre les tensions.
Le SE-Unsa
demande aux législateurs de prendre le temps et de construire les
conditions d’un dialogue apaisé et constructif en mettant en place une
commission parlementaire qui devra auditionner toutes les parties
concernées. Un espace serein de confrontation des idées doit désormais
être créé en gardant en ligne de mire le droit des élèves à bénéficier
d’une éducation laïque.