L’’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 précise que l’accès aux emplois publics doit être réalisé en tenant compte de la capacité des candidats, « sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
La mission confiée à Yannick L’Horty, dont l’objet était de prendre une mesure objective du risque discriminatoire dans l’accès à l’emploi public tout en contribuant à l’évaluation de nouvelles actions pour l’égalité, a fait l’objet d’un rapport remis au Premier ministre le 12 juillet 2016.
L’existence d’inégalités dans l’accès aux emplois publics a été mise en évidence en particulier en organisant des campagnes de tests de discrimination, à la fois dans l’accès à l’information et l’accès à l’emploi public. On constate des discriminations parfois plus marquées dans le privé que dans le public. Elles sont plus fortes pour les emplois qui relèvent de la catégorie C et pour les emplois contractuels, notamment dans le cadre de recrutements très peu formalisés, quasiment de « gré à gré ». Pour l’UNSA, l’un des mérites de ce rapport est de mettre en évidence ces situations.
En parallèle, la mission confiée par le Premier ministre à Olivier Rousselle visait à accompagner les écoles de service public (ESP) qui recrutent et forment des fonctionnaires, dans une démarche d’état des lieux et d’élaboration de programmes d’action en vue de favoriser la diversité dans la fonction publique. Le rapport remis au Premier ministre, Bernard Cazeneuve, le 16 février 2017, à Strasbourg, en présence de la ministre de la fonction publique, Annick Girardin, tire un bilan contrasté mais surtout propose des recommandations pour une plus grande diversité dans la fonction publique.
La fonction publique doit être exemplaire et permettre un égal accès à tous aux emplois publics ; en sachant mieux tirer parti de la diversité et des richesses individuelles, la fonction publique pourra être à l’image des français et ainsi mieux les servir.
Le rapport précise que si « l’administration n’est pas entièrement responsable du manque de diversité de son recrutement », elle « ne peut en être dédouanée », du fait par exemple de l’étroitesse de certains viviers de recrutements. Il existe cependant des « marges de manœuvre non négligeables, tant au niveau des écoles que des administrations ». De plus, le rapport rappelle l’interdiction constitutionnelle de se fonder sur tout critère autre que la capacité, les vertus et les talents des candidats et proscrit donc toute forme de discrimination positive dans l’accès à l’emploi public.
A la suite de la remise du rapport, le Premier Ministre, Bernard Cazeneuve a annoncé une série de mesures pour favoriser et renforcer la diversité dans la fonction publique tout en rendant hommage aux agents publics. Il a insisté sur l’honneur de servir et sur l’attente des citoyens vis à vis des services publics.
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adopter une charte du recrutement dans la fonction publique comportant notamment un rappel des règles en matière d’égale admissibilité aux emplois publics, des procédures à respecter (assurer une publicité minimale au poste, recevoir au moins deux candidats pour un même poste, constituer un panel d’au moins deux recruteurs), et réaliser une communication officielle soulignant que toutes les candidatures sont les bienvenues, sans distinction d’origine, de parcours, de sexe, etc. ;
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créer des conditions permettant une meilleure orientation et une bonne information sur l’accès à la fonction publique, particulièrement en améliorant la communication sur les missions et les métiers du service public, ainsi que sur les recrutements afin de les rendre plus lisibles et plus attractifs. A cet effet, la création d’un outil en ligne, innovant, est envisagée ;
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expérimenter des épreuves de concours d’accès à la fonction publique moins académiques, évaluant les capacités des candidats, avec des épreuves courtes permettant d’évaluer plusieurs fois la même compétence ;
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poursuivre les travaux commencés par M. L’Horty, afin de renforcer la connaissance des pratiques discriminatoires, en effectuant notamment de nouvelles campagnes de "testing" et en analysant les discriminations qui peuvent affecter les fonctionnaires dans le déroulement de leur carrière ;
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veiller à la mise en œuvre rapide de plans d’action volontaires au sein des administrations recruteuses et des écoles de service public, pour favoriser la diversité au sein de la fonction publique.
Liste des recommandations du rapport Rousselle :
Il est à noter que certaines des treize recommandations du rapport ont déjà été intégrées à la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.
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Recommandation n°1 : écoles, administrations recruteuses
Gagner en « accessibilité » des concours en explicitant plus clairement quelles sont les compétences recherchées.
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Recommandation n°2 : écoles
En vue d’accroître l’impact des classes préparatoires intégrées :
– favoriser l’égal accès aux CPI sur tout le territoire ;
– élaborer des parcours de CPI sur deux ans ;
– œuvrer à la structuration de parcours, dans l’enseignement supérieur et secondaire, conduisant aux concours de la fonction publique.
L’UNSA-Fonction publique estime que l’augmentation des places en Classes Préparatoires Intégrées est nécessaire (doublement prévu pour atteindre 1000 places) mais estime qu’une réflexion doit s’ouvrir pour créer d’autres dispositifs afin de permettre à plus de jeunes de bénéficier d’une information et d’une formation.
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Recommandation n°3 : écoles
S’agissant du contenu de la formation :
– poursuivre les efforts entrepris en vue de personnaliser la formation ;
– adapter le rythme et le contenu de la formation afin de diminuer les risques d’inégalités de traitement entre élèves en fonction de critères objectifs (âge, situation familiale, handicap, etc.) ;
– développer de façon commune des modules relatifs aux valeurs du service public.
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Recommandation n°4 : administrations de tutelle
Clarifier les objectifs du recrutement et de la formation dans les écoles en réaffirmant l’importance d’une formation à la carrière dans la fonction publique.
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Recommandation n°5 : DGAFP, RESP ou écoles
S’agissant des jurys et de l’organisation des concours :
– poursuivre le travail de diversification de la composition des jurys ;
– élaborer un module commun en ligne de sensibilisation aux biais implicites dans le recrutement, ou, à défaut, définir des standards minimaux en matière de formation des membres de jury ;
– créer le cadre pour un vivier de membres de jurys dans les administrations et suivre sa mise en œuvre ;
– veiller à une organisation des concours limitant le risque de discriminations.
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Recommandation n°6 : Écoles, administrations de tutelle
S’agissant du suivi de la diversité :
– recueillir et traiter des données relatives aux profils et au contexte des candidats admis ;
– assortir les programmes d’action d’indicateurs de suivi, présentés annuellement en conseil d’administration ou dans les instances de gouvernance des écoles.
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Recommandation n°7 : Écoles ou administrations de tutelle
Ouvrir les instances de direction des écoles à des personnalités extérieures.
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Recommandation n°8 : RESP, écoles
Afin d’élargir les viviers de la fonction publique :
– instaurer des partenariats avec des associations nationales pour l’égalité des chances pour inscrire les actions de promotion des métiers de la fonction publique et d’engagement citoyen des élèves dans la durée ;
– développer le tutorat comme une modalité prioritaire d’information sur la fonction publique, de structuration de parcours vers la fonction publique et de lutte contre l’autocensure des étudiants.
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Recommandation n°9 : Gouvernement
Adopter, sur le modèle britannique, une charte du recrutement dans la fonction publique comportant :
– un rappel des règles existantes en matière d’égale admissibilité aux emplois publics ;
– des procédures minimales à respecter (assurer une publicité minimale au poste, recevoir au moins deux candidats pour un poste, constituer un panel d’au moins deux recruteurs) ;
– une communication officielle soulignant que toutes les candidatures sont les bienvenues, sans distinction d’origine, de parcours, de sexe etc., et qu’elles seront toutes traitées dans le respect des principes rappelés.
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Recommandation n° 10 : DGAFP, RESP ou écoles (s’agissant de la communication spécifique aux écoles)
Rénover en profondeur la communication sur les missions du service public et les métiers qui s’y rattachent, ainsi que sur les recrutements afin de les rendre plus lisibles et plus attractifs.
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Recommandation n° 11 : DGAFP, administrations
Concevoir un cadre permettant d’utiliser le recrutement de stagiaires et d’apprentis comme un outil d’élargissement des viviers de la fonction publique, et suivre leur corrélation avec la présentation des anciens stagiaires et apprentis aux concours.
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Recommandation n° 12 : DGAFP, administrations
S’agissant des voies d’accès :
– assouplir les conditions, notamment de durée, en vue de postuler au 3ème concours ;
– étendre le recours au 3ème concours aux corps qui n’en proposent pas, et augmenter le nombre de postes proposés dans ce concours et au concours interne.
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Recommandation n° 13 : DGAFP et administrations
Expérimenter dans quelques concours (et avec une évaluation scientifique) des épreuves évaluant plutôt les capacités des candidats, et des épreuves plus courtes mais permettant d’évaluer plusieurs fois la même compétence.