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SE-UNSA 81


 Par SE-UNSA 81
 Le  mercredi 1er juin 2016

Publics mixés : un réel progrès ?

 

Au lycée professionnel, depuis quelques temps déjà, les enseignants doivent gérer une nouvelle forme de mixité scolaire : les publics dits « mixés ».

De quoi s’agit-il au juste ? Il s’agit du regroupement au sein d’une même formation d’élèves sous statut scolaire, d’apprentis et de stagiaires en formation continue. Pour prendre un exemple plus concret, dans une  classe de CAP, l’enseignant a face à lui des élèves sous statut scolaire devant suivre 1852 heures d’enseignements pendant 53 semaines (+ 16 semaines en entreprise) et des élèves sous statut d’apprentissage devant suivre au moins 800 heures d’enseignements pendant 23 semaines (+ 71 semaines en entreprise).

Les objectifs affichés ?

4 objectifs sont annoncés qui peuvent sembler louables.

-          Développer la formation professionnelle, sous toutes ses formes, dans une perspective de formation tout au long de la vie.

-          Encourager l’apprentissage en EPLE, en s’appuyant sur la mixité de publics

-          Pérenniser des formations à fort taux d’insertion et à faible flux.

-          Réaffirmer le rôle du « Lycée des métiers » dans le cadre des réseaux.

Quels intérêts ?

Dans Repères pour la mixité des publics, plusieurs intérêts sont avancés par l’institution.

–  Pour les élèves : la mixité est stimulante, les apprentis et les stagiaires deviennent personnes ressources, le passage d’un statut à l’autre est facilité, les parcours sont sécurisés. Commentaire : la mixité pose aussi le problème d’un enseignement à 2 vitesses, puisque le temps d’enseignement n’est pas le même pour les élèves et les apprentis, que les contenus ne sont pas les mêmes non plus puisque certaines notions sont vues dans les entreprises par les apprentis.

–  Pour les apprentis et les stagiaires : la situation est valorisante car elle leur permet de s’appuyer sur leur culture de l’entreprise, de faciliter le passage d’un statut à l’autre et de sécuriser leurs parcours. Commentaire : la spécificité de la formation par apprentissage se retrouve gommée et lissée, comment s’intègre le temps nécessaire de récupération de vécu au sein d’une classe mixte ?

–  Pour les enseignants : la mixité apporte un nouveau regard sur les méthodes pédagogiques, elle favorise l’exploitation pédagogique des périodes en entreprise et des situations professionnelles vécues. Commentaire : le nouveau regard s’accompagne bien sûr d’un travail supplémentaire pour faire face aux différents besoins des élèves, une coordination supplémentaire est nécessaire pour faire face aux nouvelles exigences, et donc le surcroît de charge de travail peut vite devenir considérable.

–  Pour l’EPLE : la mixité permet la diversification de l’offre de formations, le maintien de formations à faible flux et contribue à améliorer les relations avec le monde professionnel. Commentaire : c’est toute la carte des formations qui se retrouve impactée, il ne s’agit pas d’augmenter la carte des formations bien sûr mais de rationaliser l’offre.

–  Pour le rectorat et les autres financeurs : les coûts de formation sont réduits grâce à une mutualisation des équipements, la rationalisation de la carte des formations et le maintien de formations « insérantes » à faible effectif. Commentaire : l’argument financier semble bien l’argument principal de la mesure.

Quelle organisation pédagogique ?

De tels changements dans les pratiques ne sont pas anodins et ont bien sûr des répercussions sur l’organisation de la pédagogie dans les différentes formations.

–  un management et une gestion de projets adaptés qui demande aux enseignants une réflexion différentes pour les différents publics présents devant eux puisque les apprentis ne seront pas gérés comme les élèves sous statut scolaire.

–  la participation et l’adhésion des équipes aux changements, dans la pratique, les enseignants peuvent être mis devant le fait accompli, devoir faire face à la situation et gérer la surcharge comme ils peuvent, le tout souvent sans formation préalable.

–  une définition des conditions de mise en œuvre de la mixité ce qui demande beaucoup de concertation et de travail supplémentaire

–  une anticipation de l’organisation des éventuels changements de statuts pendant le cursus ce qui demande beaucoup de concertation et de travail supplémentaire

–  une utilisation plus importante des situations professionnelles vécues dans le cadre d’échanges de pratiques au sein du groupe mixé, en s’appuyant sur les qualités formatrices des entreprises, ce qui sous-entend que la formation au sein de toutes les entreprises est toujours d’une grande et égale qualité

–  la création de parcours adaptés ce qui demande beaucoup de concertation et de travail supplémentaire

–  un suivi et un accompagnement personnalisés ce qui demande beaucoup de concertation et de travail supplémentaire

–  une construction en amont des partenariats avec les entreprises sur le rôle du tuteur ou du maitre d’apprentissage, les situations professionnelles en lien avec les compétences évaluées... ce qui demande beaucoup de concertation et de travail supplémentaire

Par ailleurs, la mixité des publics est étendue jusqu’en BTS avec des classes à deux vitesses et d’origine scolaires tellement diverses qu’il devient très compliqué pour les collègues de gérer cette nouvelle et artificielle hétérogénéité.

Ces pratiques, dont on a bien compris qu’elles permettaient des économies de moyens tant humains que matériels, créent donc de nouvelles difficultés non seulement pour les collègues, qui se retrouvent devant des classes à deux vitesses, des nombres d’élèves fluctuants selon les périodes de l’année et des référentiels différents à traiter pour un même groupe mais également pour les élèves et les apprentis qui, une fois réunis, ne bénéficient plus de la même manière d’un suivi aussi adapté à leurs spécificités de formation.