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SE-UNSA 53


 Par SE-UNSA 53
 Le  jeudi 1er avril 2021

Pourquoi l’Université ne peut être confessionnelle

 

Les mots ont un sens et il est parfois bon de revenir à la racine de ceux-ci pour éclairer le présent depuis leur histoire. Avec le projet de déménagement de la catho (institut catholique pontifical se faisant appeler université catholique) à Laval certains tentent de réduire les défenseurs de l’Université que sont les fondateurs du Collectif d’Organisations pour le Développement de l’Université à Laval (CODUL) à de méchants anticléricaux souhaitant rallumer une désuète guerre scolaire. Pour en être l’un des fondateurs, je tiens à préciser que l’objectif n’est pas là. La catho a sa place à Laval et ses étudiants doivent pouvoir être accueillis dans les meilleures conditions. L’important est de permettre l’accès aux études supérieures à Laval pour tous les étudiants quelles que soient leurs ressources et de réserver les fonds publics à l’Université.

La langue et l’origine des mots nous expliquent pourquoi l’Université ne peut s’adjoindre aucun qualificatif. Si au Moyen-âge, l’université est « une institution ecclésiastique jouissant de privilèges royaux et pontificaux et chargée de l'enseignement » (Larousse), la Révolution puis l’Empire ont universalisé et démocratisé le concept pour le rendre accessible à toutes les classes sociales et lui rendre son caractère universel. La loi du 10 mai 1806, précise le caractère public de l’enseignement : « Il sera formé, sous le nom d'Université impériale, un corps chargé exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publiques dans tout l'Empire. »

Le mot « Université » vient du latin médiéval universitas qui signifie « communauté » (« Ensemble des citoyens d'un État, des habitants d'une ville ou d'un village » selon Larousse) quand l’adjectif « privé » a pour origine latine privatus qui signifie « individuel ». L’Université ne saurait donc être privée. Il est ainsi antinomique de vouloir adosser un caractère « privé » ou « confessionnel » au nom Université. Le substantif se suffit à lui-même. Le législateur ne s’y est pas trompé. C’est pour cette raison que le code de l’Education précise dans son article L731-14 que « « les établissements d'enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d'universités ». En effet, comment peut-on rendre « privé », c’est-à-dire « intime », « loin du regard » ce qui a vocation à être universel ? Comment peut-on rendre « catholique », « hébraïque » ou « musulmane » une Université qui par nature s’adresse à tous plutôt qu’à certains?

Quand l’Université réunit, la religion divise. Depuis la Pax Romana, la majorité des guerres ont une origine religieuse, chaque religion tentant d’imposer sa vision spirituelle aux autres.  A l’inverse l’Université cherche à unir les individus en permettant à chacun, quelles que soient ses ressources et son origine d’accéder à une culture commune, universelle.

Les philosophes des lumières, puis les politiques de la deuxième moitié du 19ème siècle et du début du 20ème nous ont permis de mettre un mot sur ce qui permet d’atteindre l’universel tout en acceptant le spirituel, il s’agit du concept essentiel de laïcité. Celui-ci permet de respecter ce qui relève de l’individu (le religieux), tout en visant le commun (voir dans ce même article l’étymologie du mot « université »). De distinguer l’intime, le confessionnel (« qui relève du secret de la confession ») du public (« qui est commun, à l'usage de tous, accessible à tous » selon Larousse). Si la laïcité permet à chacun de croire ou de ne pas croire, elle permet surtout à tous de savoir.

L’Université ne peut pas être religieuse parce qu’elle transmet la connaissance quand la religion transmet la croyance. Dès lors, donner un caractère religieux à l’université c’est la contraindre, la réduire alors qu’elle vise à s’étendre, à offrir au plus grand nombre notre bien commun : la connaissance.

Cela signifie-t-il que l’enseignement supérieur ne doit être confié qu’à l’Université ? Certainement pas. Mais seule l’Université permet à chacun d’accéder gratuitement au savoir universitaire. Ceux qui croient que la connaissance gagne en qualité parce qu’on a payé pour y avoir accès, que la croyance est l’égale de la connaissance, doivent pouvoir choisir un enseignement supérieur privé qu’il soit catholique ou non, mais celui-ci ne peut et ne doit dépendre que de fonds privés, et surtout il ne peut représenter la seule offre de formation à Laval. L’Université, parce qu’elle est un bien commun et qu’elle doit permettre à chacun quels que soient ses moyens d’accéder au savoir, reste et doit rester accessible à tous et donc bénéficier seule des fonds publics.

Loïc Broussey

Secrétaire Départemental du SE-Unsa et de l’Unsa Education