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SE-UNSA 31


 Par SE031
 Le  mercredi 12 janvier 2022

Grève du 13 janvier : témoignages

 

Nous avons reçu plusieurs témoignages d’enseignant.es, directeur.trices sur la gestion de la crise sanitaire à l’école. Nous souhaitions vous les partager afin de vous faire vivre leur quotidien et vous montrer les raisons d’une grève justifiée. 

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Témoignage d’une directrice d’école

- 8h : Faire le lien avec le CLAE sur les élèves présents, les élèves cas contacts, les élèves positifs au covid. Evoquer les procédures et documents exigés pour chaque élève avant son arrivée. Déjà quelques manqués.

- 8h20 : devant le portail, j’enfile ma tenue de vigile et contrôle tous les documents : tests J0, J2, J4, attestation sur l’honneur J2, J4… Je fais déjà face à 3 élèves qui doivent repartir chez eux. Je dois rappeler 2 parents d’élèves qui ont su se faufiler en classe et passer inaperçus lors de l’accueil. Je suis agacée, les enseignants sont agacés, les parents sont agacés. La journée n’a pas commencé, le climat est déjà orageux. Je ne parle pas des situations spécifiques...


- 8h30 : état des effectifs. Demi-groupe pour plusieurs classes de l’école. Impossible pour plusieurs enseignants de mener des séances sur de nouveaux apprentissages compte tenu du nombre d’absents. 

Le téléphone qui sonne depuis 8h continue de sonner non-stop. Pendant ce temps, je reçois des instructions contradictoires de la cellule santé, de mon IEN et du directeur référent, informations pas toujours en accord avec les annonces télévisées. 

- 10h : toujours de la gestion covid. Je dois encore m’occuper de plusieurs élèves retardataires ou avec des situations spécifiques. Un élève attend le résultat de son test après un passage en pharmacie pour rejoindre sa classe à la piscine. Un autre élève dont la classe était fermée a été déposé sur le parvis de l’école sans test avec des parents injoignables. J’ai passé la matinée à contacter et à être contacté par les familles pour expliquer quoi faire, quand, comment…. Pendant ce temps, le reste de mon travail de direction attend.

- Les élèves du dispositif ULIS explosent. Deux crises avec contention nécessaire et hurlements résonnant dans toute l’école. J’ai soutenu et aidé. L’empathie m’empêche de prendre du recul, j’ai mal, mes larmes perleront à l’abri des regards... 

- 12h30 : Concertation avec les enseignants. Je suis arrivée sans l’avoir préparé comme je l’aurais souhaité et sans avoir mangé. Je redonne les consignes officielles sur la gestion sanitaire, consignes dont je ne suis plus très sûre. 

- 14h : je mène deux équipes éducatives jusqu’à 16h30. Je gère l’équipe, réponds aussi à des messages de mes personnels en service civique qui me sollicitent pour des instructions, toujours les mêmes instructions depuis 8h ce matin (questions familles, gestion de situations...) 

- Ma collègue de CP fébrile depuis ce matin attend 16h15 pour aller se faire tester. Positive au covid, réaction en chaîne, appel des familles jusqu’à presque 18 heures (aide de la collègue et d’un médiateur), communications relatives à la situation, mise en œuvre de la continuité pédagogique par l’enseignante. Je quitte l’école à 18h30. 

 - 20h30 : La journée s’achève par l’annonce, sur France 2, d’un nouveau changement de protocole et d’un mail du référent directeur qui annule la natation jusqu’à nouvel ordre. Nous annonçons donc aux familles à 22 heures (j’ai pris le temps de diner avec mes enfants, je n’avais pas eu le temps de manger à midi..) que la natation est annulée.

- 23h : Je n’ai pas édité les justificatifs de fermeture de la classe de CP fermée ce soir, malgré des demandes des familles, cela attendra le lendemain. Je n’en peux plus, je vais me coucher avant de recommencer la même journée. Déjà des nouvelles informations, contredisant les précédentes. Il faut faire des choix de "bon sens".

J’ai la chance d’avoir une équipe qui m’aide et me soutient, un médiateur et deux personnels en service civique qui sont compétents et à qui je peux déléguer. Je fais partie d’une équipe de circonscription qui répond aux questions, écoute les difficultés avec une IEN très réactive et disponible. Tous mes collègues directeurs n’ont malheureusement pas cette chance…

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Témoignage d’une enseignante

J’ai toujours pris des précautions particulières pour ma famille et moi face à l’épidémie de covid 19.

Le lundi 3 janvier : je repars travailler en étant anxieuse car je pense que cette rentrée est risquée. Du lundi au mercredi, j’applique et fais appliquer les gestes barrières dans la classe, j’aère…

Jeudi 6 janvier : on m’annonce qu’il y a un cas positif dans ma classe.Tous les élèves partent se faire tester. Je me teste également même si je ne suis pas considérée comme cas contact, le test est négatif.

Samedi 8 janvier : il y a déjà 9 cas positifs avérés, on nous dit que la classe sera ouverte lundi, je refais un test : négatif.

Dimanche 9 janvier : on en est à 10 cas et l’ARS décide de fermer la classe du 10 au 13 janvier, peut-être que le fait que je sois potentiellement personne vulnérable a changé quelque chose...

Lundi 10 janvier : je vais à l’école pour organiser la continuité pédagogique et la directrice m’annonce qu’il y a officiellement 16 cas positifs dans ma classe et qu’il manque encore des retours… Je commence à avoir quelques symptômes et décide de faire un test, il est positif !

Aujourd’hui, j’ai quelques symptômes contraignants mais pas graves et j’espère sincèrement que ça ne va pas s’aggraver. Je suis surtout très inquiète d’avoir rapporté le virus au sein de mon foyer et depuis lundi j’essaie de m’isoler un maximum et de protéger ma famille même si je pense que c’est trop tard. Ils réalisent des tests tous les jours… S’il s’avère que je leur ai transmis le virus ma plus grande crainte c’est qu’ils aient des conséquences plus ou moins graves. Je suis donc dans l’attente et dans la peur pour les jours à venir.


J’ai donc rapporté au sein de mon foyer un virus qui vient clairement de mon travail car les risques pour les enseignants sont largement majorés par la multiplication des contacts et accentués par le manque de moyens pour travailler en sécurité. Depuis quelques semaines, je ne me sens pas du tout en sécurité et maintenant j’ai vraiment le sentiment que l’éducation nationale a joué avec ma santé et celle de mes proches. La sécurité du personnel enseignant et accompagnant ainsi que celle des élèves n’est aujourd’hui pas assurée.

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Témoignage d’une directrice d’école

"Comment faire ??

Les cas de covid explosent dans les classes !! 
Les pharmacies refusent de donner des auto-tests !! Les familles reviennent toutes vers nous pour savoir si nous avons des auto-tests ? 
Les laboratoires refusent de tester sans rendez-vous !!
Aucune nouvelle officielle sur le serveur de l’école à propos d’un éventuel changement de protocole annoncé sur une chaine de télévision !!

Peut-on avoir des réponses cohérentes à transmettre aux familles ?



Cela commence à devenir intenable !"


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Merci à ces témoignages qui montrent les conditions réelles et intenables de travail des personnels générées par une gestion chaotique de la crise à l’école : illisibilité des règles, modification incessante des tâches à accomplir, mise en porte-à-faux auprès des familles… sont les réelles conséquences de chaque annonce médiatique et revirement du protocole sanitaire.


Les personnels de l’Éducation nationale n’ont de cesse depuis des mois de dire à leur ministre qu’ils n’en peuvent plus. Face au déni total de ce dernier sur la réalité du quotidien, le SE-Unsa appelle les personnels à utiliser la grève le 13 janvier pour se faire entendre.