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SE-UNSA 31


 Par SE031
 Le  dimanche 13 décembre 2020

Projet de loi sur "les principes républicains" : un texte bancal

 

Le projet de loi "confortant le respect des principes de la République" annoncé par le chef de l’État à l’occasion de son discours des Mureaux le 2 octobre 2020 a été présenté en Conseil des ministres le 9 décembre.

Décryptage du SE-Unsa...


En résumé...

Initialement nommé projet de « loi contre les séparatismes », la nouvelle dénomination a subi une édulcoration manifeste. Il faut désormais l’appeler « loi confortant le respect des principes de la République ».

Les 51 articles qui le composent traitent de thèmes abordés par Emmanuel Macron, et en oublient d’autres de façon regrettable, notamment ceux qui concernent le rôle social de la République et la lutte contre les ségrégations persistantes dans de nombreux territoires qui minent le pacte républicain en formant un terreau fertile au repli religieux et aux entrepreneurs identitaires.

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Des apports justifiés

Après l’attentat islamiste qui a visé Samuel Paty, un nouveau délit a été introduit dans le projet de loi.
Il cible la «  mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser  ».

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Des mesures qui laissent perplexe

Toute demande de subvention émanant d’une association fera l’objet d’un «  engagement de l’association à respecter les principes et valeurs de la République ». La violation de ce contrat d’engagement républicain a pour conséquence « la restitution de la subvention  » ...

Il serait utile de clarifier à quels principes de la République il est fait référence, en énonçant de manière précise des exemples d’infraction. Ici, la loi suit une ligne de crête périlleuse, qui sépare le flanc de la liberté d’association de celui de l’action politique.

...


Instruction en famille et écoles hors contrat :
trop d’incohérences

- L’article 21 de projet de loi indique que « l’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés.
Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille sur autorisation
 » (au lieu d’un régime de déclaration).


Or, les motifs de dérogation sont tellement étendus qu’il est difficile de prédire si ça freinera l’essor de l’instruction en famille...


- L’article 22 évoque un énième durcissement du contrôle des établissements privés hors-contrat qui renforce les modalités de fermeture des sites posant problème ainsi que ceux ouverts illégalement.

Pour le SE-Unsa, le vrai problème est que la législation française n’exige aucune autorisation des pouvoirs publics pour ouvrir une école hors-contrat. Une déclaration d’ouverture est suffisante...
 
- Dès lors, comment comprendre que demain, une autorisation soit nécessaire à des parents voulant scolariser leur enfant en famille, alors que pour ouvrir une école hors-contrat une simple déclaration de ses créateurs est suffisante ?

Tout cela s’explique par le lobbyisme intensif des réseaux d’écoles hors-contrat, souvent proches des milieux catholiques intégristes.
Ce sont ces réseaux qui ont empêché, par un recours devant le Conseil constitutionnel, qu’une d’autorisation d’ouverture des établissements privés hors-contrat soit adoptée en 2016-2017.

C’est regrettable pour tous les enfants
instruits en dehors de la liberté de conscience.


Une loi sans volet social, économique et éducatif :
des impasses regrettables

Le président de la République a déclaré le 2 octobre aux Mureaux « notre République a laissé faire la ghettoïsation  ». Dès lors, comment comprendre qu’au-delà du fait que cette problématique n’ait plus jamais été évoquée depuis lors, le projet de loi soit mutique sur ce point crucial ?

Tout se passe comme si le projet de loi voulait s’attaquer aux fruits du radicalisme religieux, notamment le fondamentalisme islamiste, sans s’attaquer à tout ce qui compose son terreau fertile, notamment sur le volet social et scolaire.

Pour le SE-Unsa, c’est une faute de laisser perdurer, les bras ballants, l’archipellisation de la jeunesse, dans des établissements ségrégués ou dans des établissements à accès préférentiel aux privilégiés, comme la plupart des établissements d’enseignement privé sous contrat, ou encore les EPLE internationaux créés par la loi « pour une École de la confiance » sans oublier toutes ces entorses exercées au plan local, comme les dérogations scolaires de complaisance.

Comment expliquer les regrets quant à la mixité sociale
et scolaire perdue, tout en laissant hors de contrôle
son principal acteur
 ?

Il est grand temps que soient évalués le coût global et service rendu à la Nation de la politique de financement public des établissements d’enseignement privés.

 

L’avis du SE-Unsa
 
Ce projet contient des ajustements juridiques bienvenus...

Mais dans l’ensemble, ce projet de loi est bancal car il relève d’un esprit républicain sélectif qui ne répondra pas (ou de manière très limitée) aux défis qui se présentent à société française.

 
Alors que la mixité sociale est considérée comme un puissant levier de réussite scolaire, rien n’est envisagé pour rassembler des enfants et des adolescents trop souvent éloignés par des ségrégations résidentielles, économiques, culturelles et religieuses…
les pouvoirs publics et plus particulièrement le ministère de l’Éducation nationale demeurent inactifs sur ce point.
...

Dès lors, on a le sentiment que ce projet de loi s’adresse à la partie la plus favorisée et éduquée de la société de manière à contenir, sans bourse délier, les agissements d’une autre partie de la population avec laquelle elle n’a plus rien en commun, mais dont elle redoute les dérives.

*


Ce projet de loi va poursuivre son cheminement législatif dès le mois de janvier.

Le SE-Unsa, avec le Comité national d’action laïque (Cnal) interviendra auprès des parlementaires pour faire valoir ses propositions afin d’améliorer ce texte en profondeur.

Pour lire l’intégralité de notre article :

Loi confortant le respect des principes de la République : un projet de loi bancal