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SE-UNSA 30


 Par SE-UNSA 30
 Le  jeudi 6 octobre 2016

Propositions du Front National pour l’Ecole : Grand retour aux années 50 !

 

Le Front national vient de présenter ses propositions pour l’Éducation Nationale, dans la perspective des élections présidentielles. Ces propositions  dévoilent une conception de l’éducation nationale élitiste, réactionnaire et populiste qui montre une méconnaissance totale du premier degré et de manière générale, de la réalité du terrain. Petit florilège de ce qui a retenu notre attention ...

UNE CONCEPTION ÉLITISTE DU MÉTIER

Si certaines  personnes à l'origine des "propositions du FN pour l'éducation nationale" sont des enseignants,  elles ne travaillent clairement pas dans les mêmes établissements que nous, et s'intéressent davantage à leurs semblables qu'aux professeurs lambdas. Du coup, il en résulte une conception très élitiste (et corporatiste du métier).

Ainsi,  ils veulent créer «un statut propre aux professeurs de CPGE (classe préparatoire aux grandes écoles), avec  « des obligations de service et une grille de rémunération spécifiques ».

On retrouve cette obsession pour les grandes écoles dans le recrutement des enseignants. Il s’agit de faire « des classes préparatoires, littéraires comme scientifiques, le vivier privilégié des futurs professeurs », dans des « écoles normales régionales » qui seront entre autre « accessibles sur rang de classement aux concours aux élèves issus de CPGE ».

Leur attention ne va d’ailleurs pas au commun des élèves mais à certaines filières comme la « S »  qu’ils veulent plus sélective : « les élèves de série S doivent être moins nombreux, mais plus spécifiquement scientifiques. » Le texte parle de « re-spécification ».

DES PROPOSITIONS RÉACTIONNAIRES SANS REEL CONTENU PEDAGOGIQUE

L’une des premières choses qui frappe quand on lit le programme  du FN, c’est l’impression d’un profond retour en arrière dans la France des années 50.

Ainsi, le FN veut « instaurer le port d’un vêtement uniforme pour tous les élèves du primaire et, au moins, d’une partie de l’enseignement secondaire ». Cette proposition en somme, assez emblématique de leur conception de l’éducation nationale devient complétement délirante, quand ils proposent « une concertation nationale, suite au lancement d’un appel national à projets visant à déterminer l’aspect et la forme de ce vêtement » pour décider jusqu’à quel niveau les élèves porteront des uniformes.

Si cela peut prêter à sourire, c’est plus inquiétant quand on aborde les propositions du FN sur  le contenu des enseignements. Il n’y a aucune solution miracle mais des propositions extrêmement minimalistes qui ne répondent malheureusement pas aux difficultés rencontrées par les élèves et les enseignants.

Il s’agit essentiellement de supprimer toutes les réformes qui ont été mises en place ces dernières années (y compris les conseils pédagogiques et les commissions éducatives) pour revenir aux fondamentaux c.a.d le français et les mathématiques à haute dose. 

Malheur au professeur qui voudrait motiver son enseignement en rendant plus intéressants ses cours. 

Il faut « valoriser dès le primaire, les textes extraits des grandes œuvres littéraires, tout particulièrement celles appartenant au patrimoine culturel national, qu’on privilégiera par rapport à la « littérature pour la jeunesse ».

« Les pseudo-enseignements ludiques qui, s’ils peuvent avoir quelque vertu éducative, n’en ont quasiment aucune en termes d’instruction, au profit de la transmission des savoirs fondamentaux, sur laquelle l’Ecole primaire doit être exclusivement centrée, les exercices d’entraînement... ».

Retour aux cours traditionnels, il vous est demandeé "d’instaurer le cours magistral à tous les niveaux, dans toutes les disciplines où cela est légitime (..), car il représente la forme correspondant à l’autorité du maître fondée sur le savoir qu’il détient et qu’il a pour mission de transmettre."

Si on parle peu des contenus des programmes, la place du latin  est quant à elle largement évoquée.  Il s’agit de proposer   :

  • à tous les élèves une initiation en 5ème au nom de l’égalité des chances, « articulée principalement à l’enseignement de la grammaire ». Si nous ne doutons pas que les lettres classiques ont toute leur importance dans le système éducatif, nous pouvons légitemment nous poser la question de savoir en quoi cette initiation du latin va réduire les inégalités ? 
  • "un enseignement obligatoire de latin pour les 4e et 3e se déterminant vers la poursuite d’études longues, à raison de 3 heures hebdomadaires".
  • "d’attribuer, à chaque niveau du lycée, 3 heures hebdomadaires au latin et/ou au grec, en laissant la possibilité d’étudier simultanément le latin et le grec, (...) la possibilité pour tous les élèves de suivre ces enseignements, quel que soit l’établissement, sera garantie." Ces promesses laissent rêveuses, quand on connaît aujourd’hui la pénurie de professeurs classiques et qu’on sait les difficultés rencontrées aujourd’hui pour leur recrutement (70 % des postes non pourvus à la session 2016  des concours. )

Visiblement on n’a pas, dans nos cours, les mêmes élèves que les auteurs de ces propositions.

Pour rester sur l’élève qui est au centre de notre métier, ceux qui ne répondraient pas aux exigences évoquées ci-dessus sont ,quant à eux,  pré-orientés dès la fin de la cinquième et poussés vers la sortie en leur proposant l’apprentissage comme seule véritable solution à leurs difficultés scolaires.

POUR LE PREMIER DEGRÉ

Quand on lit les propositions du FN sur le premier degré,  on s'aperçoit rapidement qu’elles ont été écrites par des personnes n’ayant aucune connaissance de l’école et de son fonctionnement. 

Le programme axe ses propositions sur 2 points :

  • L’école en tant que structure administrative. Le FN veut  "créer un statut commun aux établissements primaires et secondaires,"
  • "Pour accompagner ces nouvelles structures, le statut de directeur d’école change. Il devient un chef de service. Il s’agira de  doter le directeur d’école du statut juridique de chef d’établissement, au titre duquel il préside le conseil d’administration et les instances de l’établissement."
  • Il aura alors "la pleine responsabilité de conduire la politique pédagogique et éducative de l’établissement, (...) et veillera au développement de partenariats avec le monde économique, social et culturel."
  • Le directeur d’école « représentant de l’État » devient le porte-parole du pouvoir en place, "ce qui le rend porteur de finalités et objectifs définis par le ministère de l’Éducation nationale ..."

UN PROGRAMME QUI SENT LE  POPULISME

Enfin, ces propositions ne seraient certainement pas estampillées « front national » sans une certaine dose de populisme (pour ne pas dire autre chose...)

 Au chapitre des mesures populistes :

  • Aucun menu de substitution dans les cantines
  • « L’accueil des étudiants étrangers doit être contrôlé afin d’éviter qu’il alimente l’immigration clandestine ».
  • On passera sur l’absence de signes religieux dans la sphère publique. Si on ne peut qu’être d’accord, elle ne doit pas être instrumentalisée par l’extrême droite pour stigmatiser une partie de la population comme c'est le cas ici. 

NOTRE ANALYSE

Laurent Escure, le secrétaire national de l’UNSA Education explique dans un article du nouvel observateur, que :

"Dès qu'il s'agit de rentrer dans le concret, comme ici au sujet de l'Ecole, on retrouve les vieilles recettes de l'extrême-droite : élitistes, réactionnaires et rétrogrades (... ) Le programme de Marine Le Pen est une alternance de vieilles lunes et de messages creux. Il est à rebours des valeurs émancipatrices de la République."