Ayant lu dernièrement un témoignage très positif d’une inclusion de 6ème SEGPA (site « Ã©cole de demain Â»), je me permets, à mon tour, de présenter le projet de la SEGPA dans laquelle je travaille et surtout d’alerter sur une tentation possible de programmer la disparition des SEGPA en se servant notamment du levier de l’inclusion.

Un premier bilan rapide de l’expérience d’inclusion de tous les 6 èmes pré-orientés en SEGPA au collège Paul Ramadier de Decazeville à la rentrée 2017 .

La situation de départ :

Depuis quelques années déjà, des élèves de toutes les classes de SEGPA ont des inclusions individuelles en fonction de leurs compétences et donc des disciplines. Des évaluations diagnostiques sont pratiquées à cet effet en début d’année.

Pourquoi une inclusion de tous les 6èmes dès cette rentrée ?

Seulement 4 élèves pour la 6ème SEGPA : créer une classe à 4 élèves n’est pas concevable.

Il faut donc inventer un projet et tenir compte de la circulaire SEGPA qui demande plus d’inclusion.

Le projet succinctement :

Les élèves pré-orientés SEGPA sont inclus dans une classe ordinaire de 6ème du collège, classe dont l’effectif a été allégé afin de recevoir les 4 élèves.

La 6ème SEGPA est « supprimée Â».

Les élèves sont inclus dans toutes les matières sauf en math et en français (un seul élève suit les cours de math dans la classe ordinaire). Ce choix a été dicté par les résultats des évaluations diagnostiques effectuées en tout début d’année et l’étude des dossiers.

Un co-enseignement PE(spécialisé) /PLC (prof du collège) est mis en place en sciences et histoire et géographie. Les PE organisent des temps de consolidation dans ces matières.

Les PE assurent l’enseignement des maths et du français.

Les PLC des autres disciplines sont seuls avec cette classe.

2 professeurs principaux pour cette classe : un PLC et un PE.

Un premier bilan (rédigé conjointement par le professeur principal PLC et le PE spécialisé référent de cette classe inclusive)

Après presque 5 mois, les intervenants dans ce projet ont un bilan plutôt positif :

- bonne ambiance dans la classe et entraide entre élèves.

- échanges constructifs PE/PLC. (savoirs et savoir-faire)

Des évaluations adaptées sont réfléchies conjointement. L’aide aux élèves en difficulté est naturelle. Les 4 élèves ont des réussites.

- Estime, confiance en soi et bonne intégration dans la classe et dans l’établissement des quatre 6èmes.

- un élève d’une classe annexée d’ITEP a pu être inclus dans cette classe en math et sciences très naturellement.

- d’autres élèves en difficulté dans la classe profitent de l’aide du PE.

- certains PLC participent avec intérêt à l’adaptation dans les apprentissages.

Les difficultés et les contraintes :

- Les 4 élèves ont très rapidement connu des difficultés en anglais.

- le co-enseignement demande d’une part beaucoup de temps en concertation et d’autre part, implique une parfaite entente entre le PE et le PLC. Et ce, afin que chacun trouve son compte.

- Certains PLC, seuls devant cette classe, aimeraient une aide.

- Les PE n’assurent pas l’accompagnement dans les études encadrées et c’est à revoir.

- Un léger retard dans la programmation par rapport aux autres classes de 6ème.

Et maintenant, quelle suite pour l’inclusion au collège?

Le projet peut-il être reconduit en 5ème ?

De l’avis de tous les acteurs, il serait intéressant de suivre ce projet pour cette cohorte d’élèves en 5ème mais cela dépend de leur nombre, de la dotation horaire du collège et des effectifs des classes.

Le projet pour les 6èmes dépend des mêmes paramètres.

Des inclusions individuelles seront continuées pour les 4èmes et 3èmes notamment

pour préparer le DNB pro. (8 élèves reçus l’an dernier)

De nombreux acteurs se sont investis dans ce projet d’inclusion de tous les sixièmes pré-orientés SEGPA, une dynamique autour de la difficulté scolaire s’est installée.

Les PE spécialisés ont une part prépondérante dans la réussite de ce projet.

Problématique des faibles effectifs

La sixième est donc aujourd’hui la troisième année du cycle 3.

De ce fait, les élèves en grandes difficultés ne sont plus orientés en 6ème SEGPA mais pré-orientés.

L’orientation en SEGPA  ne se faisant qu’en fin de sixième, les dossiers d’orientation SEGPA venant des écoles primaires se font rares.

Dans la plupart des SEGPA, le nombre d’élèves pré-orientés est souvent très faible : 4 ou 5 élèves !

Dans un grand collège ou en ville, d’autres élèves repérés en 6ème pourront rejoindre la classe de SEGPA en 5ème et ainsi regonfler cet effectif.

Mais dans un collège de 400 élèves, ce sera plus difficile.

Ainsi les effectifs de chaque classe de SEGPA vont diminuer : aujourd’hui de nombreuses SEGPA ont moins de 40 élèves .

Quelques remarques :

L’inclusion sera positive à condition que les élèves soient bien accompagnés.

Elle ne peut pas être systématique, le niveau des élèves est un paramètre important. L’inclusion ne doit pas aggraver les difficultés et l’élève doit garder confiance en lui : elle doit être source de plaisir, de motivation et de progrès.

Inclure demande du temps : temps pour convaincre, temps pour se concerter, temps pour évaluer…et surtout un temps d’adaptation de la part de tous les acteurs.

Les PE spécialisés de la SEGPA participent activement à cette dynamique autour de la difficulté de l’élève dans le collège, l’expérience de l’inclusion tentée est en passe de réussir, il faut persévérer.

Thierry Douzou

Secrétaire ASH Se-Unsa Aveyron