Article publié le jeudi 7 décembre 2023.
Le
rapport de la mission « Choc des Savoirs » propose pour le collège
« une organisation en groupes de niveau […] en mathĂ©matiques et en
français, sur un tiers des horaires de ces disciplines entre la 6e et la 3e, en
trois groupes de niveaux (identification Ă partir des Ă©valuations
nationales et tests de positionnement fournis aux Ă©quipes enseignantes
par la Depp). »
Des groupes de niveau VS des groupes de besoin
On
est clairement sur des groupes de niveau (bons, moyens, faibles) et non
des groupes de besoin puisque ceux-ci ne sont pas corrélés au niveau de
maîtrise d’une notion ou d’une compétence particulière à renforcer mais
d’un niveau moyen imprécis. Or, la recherche a montré depuis longtemps
que cette mesure irait à l’encontre de l’objectif recherché d’améliorer
l’efficacité de notre école en élevant le niveau général des élèves.
En effet, la synthèse du Cnesco sur la différenciation pédagogique (2017)*
étudie les mécanismes de différenciation structurelle, tels que le
redoublement, les classes de niveau, les filières, et explore les
résultats de recherches sur leurs effets. Elle souligne que le
redoublement, bien que parfois observé comme une amélioration à court
terme, se révèle inefficace et préjudiciable à long terme, accentuant
les inégalités socio-affectives. De même, le regroupement des élèves par
aptitude en classes de niveau ne montre pas d’effet spécifique sur la
qualité des apprentissages mais creuse les inégalités entre les classes.
Les
recherches suggèrent que les systèmes éducatifs les plus différenciés
présentent des performances moins bonnes, des écarts plus marqués entre
élèves forts et faibles et accroissent les inégalités sociales. La
synthèse conclut en mettant en avant l’importance de la diffusion des
connaissances scientifiques sur ces résultats, soulignant que le passage
d’une logique de différenciation à une logique d’intégration nécessite
des convictions et des valeurs politiques fortes.
Si
des moments ponctuels en groupes de besoin peuvent avoir leur utilité,
l’hétérogénéité des niveaux mais aussi des milieux socio-culturels, des
âges, des sexes… répond non seulement aux valeurs portées par l’École
républicaine mais aussi à l’exigence des savoirs. Une typologie des groupes de travail comme celle-ci** peut aider à repérer quand, comment et pourquoi mettre les élèves en groupe.
Des classes hétérogènes plutôt que des classes de niveau
Voici les principaux arguments en faveur des classes hétérogènes, appuyés sur la recherche :
Diversité des compétences
Des Ă©tudes
telles que celle menée par Cohen et Lotan (2014) ont démontré que la
diversité des compétences dans une classe favorise un apprentissage plus
riche et une compréhension approfondie des concepts, tout en préparant
les élèves à travailler efficacement dans des environnements divers.
Inclusion sociale
Les
recherches de Salend et Duhaney (1999) mettent en Ă©vidence que les
classes hĂ©tĂ©rogènes contribuent Ă rĂ©duire les barrières sociales et Ă
favoriser un environnement inclusif où chaque élève se sent accepté,
renforçant ainsi l’estime de soi et la confiance.
Adaptabilité aux différents styles d’apprentissage
Les
travaux de Tomlinson et Allan (2000) ont montré que la différenciation
pédagogique dans des classes hétérogènes permet une adaptation plus
efficace aux différents styles d’apprentissage, maximisant ainsi
l’engagement des élèves et leur réussite académique.
Préparation à la diversité du monde réel
Les
études de Banks et Banks (1995) soulignent que les classes hétérogènes
préparent les élèves à vivre dans une société diversifiée, en favorisant
la compréhension interculturelle et en développant des compétences
cruciales pour la collaboration dans un monde globalisé.
Développement de l’empathie
Les
recherches de Hoffman (2000) suggèrent que les enfants évoluant dans
des environnements hétérogènes développent une empathie plus prononcée
envers leurs pairs, favorisant ainsi un climat de classe plus harmonieux
et bienveillant.
Motivation intrinsèque
Les
travaux de Deci et Ryan (1985) ont montré que les environnements qui
valorisent la diversité des compétences individuelles renforcent la
motivation intrinsèque des élèves, les encourageant à s’investir
davantage dans leur apprentissage.
Le travail de
Marie Duru-Bellat et Alain Mingat montrait déjà en 1997 que regrouper
les collégiens par niveau est une pratique contre-productive, leur
article s’intitule d’ailleurs : La constitution de classes de niveau dans les collèges : les effets pervers d’une pratique à visée égalisatrice***.
L’avis du SE-Unsa
Les
coordinateurs de la mission Ă©crivent avoir conscience que cette mesure
ne manquera pas de déclencher les critiques de ceux qui y verront un
risque de stigmatisation des Ă©lèves et d’« Ă©cole du tri », ce qui est la
position du SE-Unsa.
Pour le SE-Unsa, il n’est pas acceptable
que cette mesure, que l’on sait inefficace, soit considérée comme étant
la seule envisageable.
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