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SE-UNSA VERSAILLES


 Par SE-UNSA VERSAILLES
 Le  lundi 4 septembre 2017

Une nouvelle revue à lire : Le Magazine de l’Éducation

 

   Début septembre est paru le 1er numéro d’une nouvelle revue, Le Magazine de l’Éducation. Édité par TechEdulab@UCP, une plateforme spécialisée sur les technologies numériques en milieu éducatif dépendant de l’Université de Cergy-Pontoise, ce magazine est disponible gratuitement en ligne et s’adresse aux professionnels, aux décideurs mais aussi plus simplement à toute personne intéressée par les questions éducatives.

                             

    Après un numéro zéro, paru il y a quelques mois, qui portait sur les programmes présidentiels pour l’éducation, ce nouveau numéro de septembre aborde de front la question de la réforme de l’école, mais aussi d’autres sujets d’actualité. À partir d’analyses pluridisciplinaires issues des sciences de l’éducation, mais aussi de la psychologie, de la sociologie ou faisant appel à des enseignants, ce numéro est particulièrement riche et intéressera tous les éducateurs. Ainsi, le sociologue François Dubet se pose la question de savoir si les réformes de l’éducation sont de gauche ou de droite, alors que l’historien François Durpaire analyse l’importance d’ «apprendre à être heureux» dans notre système éducatif. Philippe Watrelot, quant à lui, revient sur le sort des EPI, les enseignements pratiques interdisciplinaires mis en place dans le cadre de la réforme du collège de l’année dernière. D’autres sujets d’actualité, comme  l’architecture scolaire, le stress au travail, la question des rythmes scolaires ou encore l’école à la maison, sont abordés dans une série d’articles toujours très clairs, offrant matière à réflexion et à débat. Nous conseillons vivement la lecture de cette nouvelle revue.

      Pour nous en parler dans ce 1er article de la nouvelle saison de notre rubrique « Remue-Méninges », nous avons posé quelques questions au rédacteur en chef du Magazine de l’Éducation : Alain Jaillet est professeur des Universités, responsable de la Chaire Unesco « Francophonie et révolution des savoirs », et il enseigne à l’Université de Cergy.

Entretien avec Alain Jaillet, rédacteur en chef du Magazine de l'Education

« Peut-on réformer l’école ? » C’est la question qui ouvre le principal dossier du 1er numéro du Magazine de l’éducation dont vous êtes le rédacteur en chef. Comment analysez-vous la situation de l’école à cette rentrée 2017 ?

    D’une année à l’autre, la situation de l’école ne varie finalement que peu. Il y aura toujours dans l’une ou l’autre école des spécificités liées aux contextes, mais c’est souvent l’arbre médiatique qui cache la forêt. L’école est une routine bien huilée. Ce qui m’étonne toujours, c’est justement la façon dont le système avale les difficultés. 20 000 élèves de moins dans le primaire, et davantage dans le secondaire. 20 000, ca fait une jolie petite ville… Mais le tout éparpillé sur le territoire, la machine est faite pour avaler les disparités avec des niveaux de tensions plus ou moins forts selon les lieux. C’est toute l’efficacité du système. Et chacun peut comprendre que l’on peut chercher à tout prix à sauvegarder ces modes de fonctionnements, même si le prix à payer est la stabilité. 

Pourquoi avoir décidé de lancer une nouvelle revue sur l’école et l’éducation ?

    La question que vous posez renvoie à notre utilité. À quoi servent les enseignants-chercheurs, en tout cas dans le domaine de l’éducation ? Produire de la compétence, de l’expertise, de la liberté de point de vue, de la responsabilité peut-être ? Quel impact a-t-on? Des figures importantes ont tenté d’influer sur la société par le chemin de l’école, mais ils sont à la fois de grande qualité et peu nombreux. Pour parler plus directement, ces mises en avant se sont souvent accompagnées par beaucoup de défiance de la part de leurs collègues. Le fait de se mettre à la publication d’un magazine sur le sujet depuis l’université, c’est une façon de se réapproprier un espace que les enseignants-chercheurs ont abandonné ou n’ont jamais voulu occuper, peut-être en partie par une sorte de complexe, peut-être aussi pour préserver une relative tranquillité que le monde universitaire procure. Produire ce magazine, peut paraître  très prétentieux, en considérant que les universitaires ont quelque chose à dire, et ce qui est sans doute prétentieux, c’est de penser que cela peut servir à quelque chose. Pour assumer le tout, il s’agit de s’adresser aux décideurs éparpillés, puisque c’est le contexte français qui est le notre. C’est le début de l’aventure. 

Vous évoquez la question du bien-être et du bonheur à l’école, enseignants et élèves doivent-ils être heureux à l’école ?

    Oui. Et les autres personnels aussi, et les parents. L’école, mais pas que l’école, devrait être un lieu qui transpire l’envie d’être heureux. Parce que l’on ouvre des horizons, parce que cela doit donner des possibilités de faire évoluer les contextes et situations dans lesquelles on vit. Seymour Papert [informaticien et pédagogue décédé en 2016, auteur en particulier de  L'enfant et la machine à connaître. Repenser l'école à l'ère de l'ordinateur], qui fut l’un des derniers pédagogues à audience mondiale avait une expression qui illustre bien cette notion. Il la tirait de l’une de ses expériences avec un groupe d’enfants. À la sortie d’un atelier, l’un d’entre eux, expliquait aux autres, que cela était difficile (Hard) et amusant (Fun), Hard-fun. Cela cristallise ce que devrait être l’école.

Parmi les acteurs du monde de l’éducation, il y a les syndicats. Quel regard portez-vous sur leur rôle et leur action dans le domaine éducatif ?

    Pour être honnête je dois déjà dire que je suis syndiqué et que j’ai été élu pour un syndicat (UNSA) à l’une ou l’autre élection. Je n’ai donc pas une vision exempte de parti pris. Sans revenir sur l’histoire des syndicats, notamment enseignants, il faut se souvenir de leur rôle très réformiste et engagé au service d’une école moteur de progrès social et humain. Il faut noter également leur poids parfois exagérément corporatiste qui sous couvert d’une idéologie dite de progrès cache des immobilismes coupables. Il doit y avoir des syndicats d’enseignants, mais l’un de leurs problèmes relève précisément de leur objet. Qu’un syndicat défende les intérêts directs de ceux qu’il représente, cela se comprend, mais jusqu’où? En résonnant à l’envers, imaginons un syndicat de l’industrie de l’armement qui prône une idéologie non violente avec disparition totale des armes, ou bien un syndicat de l’industrie du nucléaire qui militerait pour la fin totale et immédiate du nucléaire. Chacun identifierait bien le problème. Dès lors, on ne leur fait pas trop grief de défendre une industrie qui sur le plan des valeurs se discute. En même temps, ils n’ont pas l’ambition d’expliquer le monde à tous leurs concitoyens. Du point de vue des syndicats enseignants, il y a défense du personnel, ce qui est légitime, et également souvent des postures, des revendications dont le but dépasse cette vision. À leur décharge, ils réagissent à un système de basculement. On passe de quelque chose à quelque chose d’autre. Il y a donc une sorte de pousse au crime. Pour chercher à ralentir la machine à bascule, les syndicats prennent des positions dont les arguments souvent se discutent.

Dernière question : pouvez vous nous donner les prochains thèmes qui seront abordés dans le Magazine de l’éducation ?

   Dans le numéro 0, nous avions fait un comparatif entre les différents candidats à l’élection présidentielle. Pour le numéro 1, nous devions continuer justement avec les postures des syndicats. Malheureusement, la tâche s’est révélée peu intéressante. Pour l’essentiel, tout le monde est pour une société de progrès avec une école « moteur »  de projets nouveaux s’envolant vers une humanité meilleure. Les positions sont suffisamment larges dans les programmes pour qu’il soit bien difficile de faire des distinctions. L’une des voies possibles aurait été de comparer les déclaratifs et les actions ou expressions sur l’un ou l’autre sujet, pour mettre en évidence fatalement les discordances. Mais, cela s’est révélé finalement pas très intéressant de disséquer les intentions et leurs contradictions. Le sujet est donc en attente. Parmi les dossiers en travail, il y a celui des langues régionales. Ou plutôt ce que manifeste l’École de la République à l’égard des langues régionales. Le statut de la Corse est pratiquement inconnu du plus grand nombre, et pourtant en matière d’éducation, cela pourrait être le vecteur d’un bouleversement total de l’École de la République. Un autre dossier se prépare sur la formation des enseignants, dont chacun sait qu’elle n’a aucune importance puisque n’importe quel enseignant vaut n’importe quel autre et donc que n’importe quel élève peut se retrouver n’importe où, cela ne ferait pas de différence. Un  autre dossier sur les possibles de l’école. Par exemple en architecture scolaire, comment le school staging [« mise en scène scolaire »] peut permettre de faire évoluer à coût constant des pratiques pédagogiques sans révolutions insupportables. Et beaucoup d’autres...

 

Le Se-Unsa de l’académie de Versailles remercie vivement Alain Jaillet d’avoir accepté de répondre à nos questions. Nous espérons vous avoir donné envie de lire cette nouvelle revue d’une grande qualité. Bonne Lecture du Magazine de l’Éducation !