Jeudi 30 septembre 2021


Katell Ody: enseignante en collège en Loire Atlantique, professeur d’EPS depuis 25 ans, et depuis l’année dernière représentante de la branche EPS du syndicat des Enseignants de l’Unsa pour l’académie de Nantes, intervient pour présenter la vison et les propositions du Syndicat des enseignants de l’Unsa concernant les défis à relever en EPS à l’horizon 2050.

"Vous nous avez posé cette question : Qu’est-ce que les élèves devraient apprendre en EPS à l’horizon 2050, Et comment  ?
Je ne peux pas répondre à cette question sans commencer par évoquer la période et les enjeux auxquels nous sommes confrontés.

L’EPS de 2050 est une éducation vivante. En EPS on apprend ensemble, on apprend en vrai.
La crise de la Covid-19 nous a montré que ce que nous pensions acquis ne l’était pas. L’École telle que nous l’avons toujours connue a été bouleversée, et je dirais même menacée. Les solutions sanitaires qui ont été mises en place, avec la fermeture des établissement et l’enseignement à distance, ont fatalement renforcé les inégalités qui minent déjà l’institution scolaire française.
En confiant le suivi des apprentissages aux familles, le fossé s’est encore creusé dans la société entre ceux qui possèdent le savoir, les outils et l’argent pour s’armer et réussir dans le monde contemporain, et ceux qui ne les ont pas.

L’EPS a particulièrement pâti de la fermeture des établissement et de la mise en place de l’enseignement à distance. Entre les enfants des villes et des campagnes, ceux des quartiers pauvres et des quartiers riches, entre les enfants de Lorraine et ceux de Bretagne, entre les enfants d’enseignants et les enfants des classes sociales les plus éloignées de la culture scolaire, l’éloignement, la séparation, se sont renforcés.

La première chose que je voudrais donc affirmer, c’est que l’EPS de 2050 est une éducation vivante, une éducation de l’expérience vécue, de l’expérience ressentie, de l’expérience partagée. En aucun cas,
l’éducation des corps et des esprits des jeunes ne peut se réduire au prisme d’un écran. L’EPS est
incarnée. Elle se vit dans les corps, au contact des autres, au contact de l’environnement et du monde. En EPS on apprend ensemble, on apprend en vrai.
Des contenus en EPS qui s’inscrivent dans un cadre de valeurs démocratiques

Partant de là , quels doivent être les contenus et les formes que notre EPS doit adopter pour former des adultes, citoyens éclairés, responsables et solidaires, capables d’agir ensemble pour assurer la survie de notre planète et de notre société ?
Tout d’abord il me semble important de préciser que le projet éducatif du Se-unsa s’incrit dans une vision de l’éducation pour la réussite de tous. Son projet d’école est un projet de société, résolument
démocratique, laïque et égalitaire sur tout le territoire.
L’école ne doit laisser aucun enfant sur le côté, elle doit se donner les moyens d’être réellement inclusive. La laïcité, l’accès à tous et la gratuité de l’école publique sont les socles de notre république et de la
démocratie. L’EPS que nous portons se situe dans ce cadre de valeurs.
 

La contribution de l’EPS est essentielle.
En premier lieu, aux antipodes des discours sur les fondamentaux, le SE-Unsa affirme que la contribution
de l’éducation physique et sportive et du sport scolaire,  ainsi que des enseignements artistiques,  est
essentielle à la formation d’adultes autonomes, physiquement, esthétiquement et socialement éduqués,
attentifs à leur bien-être et soucieux de leur santé et de leur sécurité, attachés à la coopération et au respect
de tous.

l’EPS est et doit rester incluse dans le temps scolaire pour qu’ elle soit effectivement accessible à tous les élèves. Les dispositifs ou les aménagements externalisant l’EPS (ex : dispositif éducatif et ludique 2S2C-
Sport-Santé-Culture-Civisme ) sont à l’opposé du projet porté par le Se-unsa.
Par ailleurs, l’EPS s’appuie sur les pratiques physiques, artistiques, sportives, composantes de notre culture et de notre civilisation. Ces pratiques, ces activités, sont porteuses de dimensions multiples : motrices, physiologiques, cognitives, émotionnelles, relationnelles, environnementales, symboliques, esthétiques, historiques...etc  que les élèves étudient pendant la leçon d’EPS.
Le rôle de l’enseignant est donc d’aménager et de transformer ces pratiques pour créer la focale sur telle
ou telle dimension de l’activité et en accentuer la force de transformation en relation avec les besoins des
élèves. Ces Formes Scolaires de Pratique sont le produit du nécessaire traitement didactique des APSA
qui nécessite un haut niveau de formation. L’enseignant formalise et rend explicite pour les élèves et pour
les familles les apprentissages attendus. Au Se-Unsa, nous pensons que l’approche par compétence est
indispensable car elle s’intéresse aux apprentissages réels plutôt qu’aux enseignements prescrits.

Des notions historiques revisitées
Enfin, à l’aune des défis du monde d’aujourd’hui, l’EPS de 2050 aura sans doute revisité les notions
d’effort et de dépense énergétique portés traditionnellement par le sport. Ces notions doivent être
repensées. La recherche d’économie d’énergie au service d’un objectif soutenable, atteignable, compris et
consenti par l’élève est source d’efficacité et de sincérité de son action. La notion de progrès dans les
activités physiques et sportives doit donc évoluer. Les transformations de l’élève construites sur son
engagement consenti et le plaisir sont profondes et durables. L’EPS doit donc rechercher et favoriser cet
engagement global en prenant en compte les préoccupations et les motivations pour agir des jeunes
générations. Cela nécessite certainement une profonde évolution dans la posture de l’enseignant.
Moins vite, moins haut, moins fort seront sans doute aussi des chemins à explorer en EPS d’ici 2050. Je vous remercie pour votre écoute. "