Encore simple ministre, Gabriel Attal annonce dans le choc des savoirs ses plans pour les mathématiques. La méthode de Singapour sera utilisée dès la rentrée 2024. Mais de quoi parle-t-on ? L’une des caractéristiques de la méthode de Singapour est d’introduire les quatre opérations en même temps lors du CP. La saisine du conseil supérieur des programmes le 8 janvier confirme ce choix. De même, les nombres décimaux et les fractions seront introduits plus tôt que dans les programmes actuels.

Pourtant, de quelle méthode de Singapour parle le ministère ? Parle-t-il de la méthode de mathématiques utilisée à Singapour ou de la méthode dite de Singapour traduite en français chez un seul et unique éditeur ? Si l’on parle de la méthode de mathématiques utilisée à Singapour, il convient de rappeler qu’elle n’est pas complètement transposable. La numération française n’est pas construite pareil que la numération singapourienne. Des difficultés spécifiques à la langue française doivent être prises en compte : 97 (quatre-vingt-dix-sept) ou 78 (soixante-dix-sept) sont des nombres compliqués pour les enfants de France.

La méthode de Singapour s’appuie sur le triptyque suivant : concret – image – abstraction. Ceci est connu des enseignant·es français·es et spécialistes de la didactique des mathématiques. Cela se pratique dans les classes de France depuis de nombreuses années. La modélisation et la verbalisation mise en avant dans la méthode de Singapour traduite en français sont également des éléments de la formation à l’enseignement des mathématiques en France.

La méthode de Singapour a du succès. La ville-état asiatique truste les premières places des classement PISA et TIMSS depuis de nombreuses années. Les chercheur·seuses n’ont pourtant pas fait la preuve du succès par ce seul choix pédagogique et didactique. L’impact des catégories socio-professionnelles dont sont issus les élèves mais aussi les conditions d’enseignement ne peuvent pas être ignorées. En mathématiques, la mise en œuvre de la méthode de Singapour à Singapour se double d’une formation initiale et continue des enseignant·es conséquente avec 100 heures par an.

Historiquement, la méthode de Singapour a été développée à partir des savoirs didactiques en mathématiques puis est mise en œuvre et réadaptée grâce à la formation des enseignant·es. Localement les professeurs se forment entre pairs. Le métier de professeur est reconnu à Singapour et le salaire des personnels est important. Paradoxalement, les problèmes de PISA demandent de l’initiative. C’est en contradiction avec la méthode de Singapour fondée sur la répétition. La maîtrise des techniques calculatoires est exacerbée.

Du matériel est nécessaire à la mise en œuvre de la méthode. Ils s’agit de cubes de couleurs, de barrettes ou jetons. Ces objets sont vendus en supplément par l’éditeur de la méthode. Le matériel sera-t-il en nombre suffisant pour que tous les élèves d’une école puissent manipuler ? La question des coûts n’est pas à ignorer.

Il conviendrait en France d’étudier la cause de l’échec de l’enseignement des mathématiques à tou·tes. Les didacticien·nes de la discipline ont des idées claires sur le sujet. La recherche donne des pistes. Ces théories sont plus étayées que la simple assertion que la méthode de Singapour aurait fait ses preuves. Ce n’est pas parce que Singapour est classé premier depuis des années dans les classement TIMSS et Pisa qu’appliquer « la » méthode de Singapour en mathématiques résoudra les problèmes.