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SE-UNSA AIX-MARSEILLE


 Par SE-UNSA AIX-MARSEILLE
 Le  lundi 26 novembre 2018

Billet d’humeur : dans un contexte d’élections professionnelles, mais pas que !

 

Assommée par les annonces ministérielles de fermeture des CIO, la profession peine à relever la tête. Maltraités par leur propre employeur, les psychologues de l’éducation nationale EDO sont censés bien traiter et aider les publics, scolaires et non scolaires reçus au CIO, notamment les plus fragiles.

Les psychologues de l’éducation nationale EDA, de fait isolés car sans lieu ni organisation pour se retrouver, sont censés être partout, dans chaque école, chaque classe, à observer, tester, restituer…

Avec le corps unique ils sont passés de la fonction au statut de psychologue. Sont-ils mieux traités ?

Les collègues de l’AFPA passés au pôle emploi et nos collègues des Greta (pour ne citer qu’eux) ont été maltraités et le sont encore. Certains ont quitté leur employeur sourd à la souffrance provoquée.

 

Depuis le printemps 2018 les mois passent avec des annonces clairement floues, laissant les psychologues de l’éducation nationale EDO dans une scandaleuse et interminable attente. Et pourtant : d’abord l’annonce printanière de fermeture faite aux syndicats puis le maintien estival d’un CIO par département puis le rappel automnal de la carte cible des CIO dans chaque académie.

Il y a de quoi être pour le moins désorienté ! Que seront l’hiver, le printemps, l’été, la rentrée 2019 ?

Alors qu’il est nécessaire d’augmenter les effectifs des PsyEN EDO comme des PsyEN EDA en divisant par deux la charge en nombre d’élèves, alors qu’il devient indispensable d’accompagner par la formation initiale et continue leur montée en compétences vu la complexité croissante des situations rencontrées, vu la cristallisation des inégalités scolaires et le renforcement de l’injustice sociale, le ministère organise la descente en compétences en programmant la fermeture progressive des CIO.

Ce service public, lieu ressource tant pour tous les publics que pour les PsyEN EDO, n’est au fond pas connu au ministère. Il permet d’accueillir tous les publics quel que soit leur statut, leur âge, le moment de leur vie. Il permet aussi aux psychologues de les accompagner en respectant le Code de déontologie et de développer leurs compétences dans un lieu protégé, à l’abri des pressions. Mais qui à la DEGESCO a la moindre idée de ce qu’est un conseil en orientation ou un accompagnement ?

Le ministère n’est pas à un paradoxe près : supprimer les CIO et maintenir un service de proximité pour les publics non scolaires. L’importance de l’accueil, pour diverses raisons matérielles et immatérielles, de certains élèves et de certaines familles hors établissement scolaire est ignorée.

Nos représentants nationaux, quel que soit le syndicat, jouent un rôle essentiel de rappel de nos statuts et missions auprès du ministère mais aussi d’alphabétisation quant à notre professionnalité.

Le CIO est un des rares services au monde à permettre une continuité du conseil en orientation tout au long de la vie, à tout moment, pour tous, gratuitement et sur tout le territoire. Qui s’en soucie ?

La manière (descendante, brutale, médiatique) dont le ministre s’y prend avec les psychologues de l’éducation nationale EDO reflète l’ignorance de notre professionnalité et un manque de psychologie.

Ne nous y trompons pas. La volonté de supprimer les CIO marque autant une ignorance qu’une absence de respect du ministère pour ses services et ses personnels. Cette perte d’un lieu ressource se traduira par une descente en compétences des PsyEN EDO que les employés du ministère ignorent. Qu’est-ce qui les empêchent d’en savoir plus sur leurs propres services ? Nous peut-être ?

Combien de collègues plongeront dans l’isolement et la souffrance que cet isolement va impliquer ?

Combien de collègues auront le temps et le lieu pour chercher, sous l’effet d’une charge de travail croissante, d’autres sources d’informations que celles transmises par les chefs d’établissement ?

Combien de collègues pourront penser par eux-mêmes et collectivement afin de construire et/ou maintenir une posture déontologique et éthique face à certains chefs d’établissement ?

Combien de collègues pourront réaliser leurs missions et se développer professionnellement dans leurs établissements scolaires sans possibilités de formation continue et d’échanges entre pairs ?

Combien de collègues pourront garder le recul, une éthique, une nécessaire distance qui fait partie de notre professionnalité, sans possibilités de ressourcement dans ce service externe qu’est le CIO ?

Le ministre de l’Education nationale annonçait en 2017 dans une longue entrevue à la télévision que l’Ecole devait permettre à chaque élève de penser par lui-même. Cette vision éducative n’implique-t-elle pas une structure plus horizontale pour que les enseignants et l’ensemble des personnels puissent communiquer de façon fonctionnelle et puissent aussi apprendre à penser par eux-mêmes ?

Le service public d’éducation et d’orientation n’est-il pas là pour favoriser l’autonomie des usagers ? En droit le jeune est « acteur de son devenir » (Loi d’orientation de 1989). Qu’est-il dans la réalité ?

Pour permettre le développement progressif de cette autonomie chez les usagers qu’ils soient élèves ou non scolaires encore faut-il qu’il y ait l’état d’esprit, la posture mais aussi la structure et les moyens qui portent cet esprit, cette posture et au bout du compte cette éducation à l’autonomie.

Quel est l’intérêt de définir des missions sans structure ni moyens adéquats de pouvoir les remplir ?

 

Face à l’inadmissible absence d’offre de formation continue destinée aux psychologues de l’éducation depuis plusieurs années dans certaines académies, Aix-Marseille pour ne pas la citer, reste le droit aux 12 jours de congés pour formation syndicale, pour retisser du collectif, se former.

Face à la maltraitance institutionnelle il convient de se bien traiter et d’organiser la bientraitance.

Face aux menaces qui pèsent sur les CHSCT et sur les commissions paritaires il convient de voter.

S’il est souvent fait appel aux syndicats pour faire respecter les textes et défendre des situations particulières, il est aussi question plus globalement de promouvoir soit le maintien soit le renouveau des CIO pour éviter une descente en compétences des psychologues de l’éducation nationale voire au mieux pour permettre une montée en compétences. Et puisqu’il y a un corps unique pourquoi ne pas aller vers un alignement des indemnités et du temps de service sur la situation la plus favorable ?

Et si cette succession d’évènements et de non évènements représentait une occasion de changer quelque chose dans notre vie professionnelle, que changerions-nous ? Et si ce moment représentait l’opportunité de faire un choix modifiant notre trajectoire professionnelle, quel serait notre choix ?

Laurent Boualleg,

Psychologue de l’éducation nationale,
Education, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle,
CIO Marseille Est