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SE-UNSA AIX-MARSEILLE


 Par SE-UNSA AIX-MARSEILLE
 Le  mercredi 20 décembre 2017

Visite de M. Mathiot à Marseille - Etat des lieux de l’avancement de la réforme du bac

 

Suite au groupe de travail, réuni le lundi 18 décembre dans notre académie, en présence de Pierre Mathiot, chargé par le ministre de l’Éducation nationale d’organiser la consultation qui aboutira à la présentation d’un rapport fin janvier 2018 sur l’évolution du baccalauréat et ses conséquences sur l’organisation du lycée et de l’enseignement supérieur, vous trouverez, ci-dessous, le compte-rendu de cette réunion réalisé par Jean Renoux, responsable académique agrégé du SE-Unsa Aix-Marseille, qui représentait à cette occasion notre organisation Syndicale.

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Visite de M. Mathiot à Marseille

Etat des lieux de l’avancement de la réforme du bac

 

Compte-rendu par Jean Renoux

Responsable académique agrégé

SE-Unsa Aix-Marseille

M. Pierre Mathiot, directeur honoraire de Sciences Po Lille, a été chargé par le gouvernement de mener une commission préparatoire à la réforme du bac. Cette commission a été officiellement mise en place fin octobre. A ce jour, elle a réalisé près de 80 auditions en cinq semaines (syndicats enseignants, parents, associations disciplinaires…). A l’heure actuelle, M. Mathiot consulte quelques académies : trois en l’occurrence (Aix-Marseille, Lille et Besançon). Par la suite, un voyage à l’étranger est prévu (Italie, avec le ministre) ainsi que de nouvelles auditions. A terme, fin janvier, la commission doit remettre son rapport au ministre.

D’autres missions sont également en cours, portant sur l’enseignement professionnel et sur la refonte de l’Université, notamment au niveau licence.

La visite de M. Mathiot a eu lieu lundi 18 décembre au lycée Jean Perrin (Marseille), avec les représentants académiques des organisations syndicales (SE-Unsa, SNES-FSU, FO, CGT), des représentants des parents d’élèves, des personnels de direction et de l’Université et en collaboration avec le Rectorat d’Aix-Marseille. Cette rencontre a fait suite aux auditions du CVLA et des IA-IPR durant la matinée.

La mise en œuvre de la réforme du baccalauréat à venir suppose une refonte plus large de l’organisation du lycée. L’horizon donné est celui de 2021 pour une première session du « nouveau bac », poussant donc à une réforme du niveau seconde à la rentrée 2018, de la première en 2019 et de la terminale en 2020. Contrairement à l’Université, la réforme du bac et du lycée ne suppose pas légalement de passer par la loi, la voie réglementaire suffit, permettant une mise en œuvre rapide de la réforme.

Le cadre imposé par le gouvernement est très général, hormis sur le format du baccalauréat qui doit être réduit à 4 épreuves. Pour le reste, les seules informations connues à ce jour sont seulement issues de comptes-rendus issus des différentes auditions : les variations observées sont alors directement liées aux évolutions encore en cours dans l’esprit de M. Mathiot et de sa commission. Toutefois, nous pouvons noter dès maintenant que la réforme du lycée actuelle est fortement contrainte par la réforme anticipée de l’orientation post-bac, d’autant plus que la réforme de l’enseignement professionnel et celle de la licence universitaire sont menées en parallèle et non au sein de la même commission.

L’esprit de la réforme selon P. Mathiot

Pour M. Mathiot, l’idée centrale est de changer le sens donné actuellement, pédagogiquement, au baccalauréat. Pour lui, il ne faut plus faire du lycée une « fin de l’histoire » mais quelque chose qui prépare mieux la suite, prenant en compte les difficultés des élèves en licence (assiduité, autonomie, prise de notes…). En ce sens, le lycée doit être la courroie de transmission essentielle dans un continuum second degré – université.

Aussi, le lycée actuel, organisé en filières, entretient voire renforce de fortes inégalités, favorisant directement les CSP+. Par exemple, certaines options sont plus « rémunératrices » au bac, à l’image du latin (coef. 3) où les notes sont élevées quand l’option EPS (coef. 1) est sanctionnée par des notes plus faibles. Or, la répartition entre ces deux options est très socialement marquée.

D’autres enjeux existent, et pour M. Mathiot le coût du bac n’est pas essentiel, d’autant que son coût réel n’est pas bien connu : pour la commission, c’est plutôt la « charge mentale » imposée par le bac qui pose des difficultés : le bac oriente fortement l’interprétation des programmes et des contenus pédagogiques, et impose une contrainte forte en fin d’année pour les centres d’examen (1900 sujets préparés chaque année par an, avec certaines curiosités comme dans les langues (au nombre de 58) dont le Berbère, langue orale, évaluée à l’écrit. L’ensemble des mesures qui seront préconisées visent à rendre une valeur réellement significative au bac. Il ne s’agit pas d’abandonner ici l’objectif des 80% : simplement la densité des mentions et leur forte progression interpelle, devant revenir dans des proportions plus raisonnables afin de redonner du sens à la valeur de cet examen.

Un nouveau bac suppose en amont une nouvelle organisation du lycée

Toute l’organisation du lycée est repensée dans l’état actuel des travaux de la commission Mathiot. Tout d’abord, l’ensemble du lycée devra désormais être pensé sous la forme de la semestrialisation afin de permettre plus facilement des passerelles au sein de parcours scolaires plus souples et plus variés. Cette organisation répond à la volonté de briser la logique des filières dont les effets pervers sont connus (hiérarchisation des filières, stigmatisation de certaines, saturation d’autres). Pour autant, le modèle du « tout modulaire » n’est pas pensé comme pertinent pour autant : comme l’a exprimé M. Mathiot dans un langage fleuri, le nouveau lycée, plus souple, n’a pas vocation pour autant à être « open bar ». Des contraintes sont nécessaires afin de permettre une organisation cadrée, afin de faciliter sa mise en place dans les établissements et une plus grande clarté pour les élèves.

Dans cette conception, le rôle de la seconde semble essentiel : restant très générale, notamment durant son premier semestre, elle devient à terme une voie d’aiguillage vers les spécialisations choisies des élèves. Dans cette optique, des enseignements exploratoires seront proposés au second semestre de l’année de seconde, permettant un premier essai avant un choix plus affirmé durant les années suivantes. Cette orientation est décidée alors en fin de seconde, reposant sur un modèle majeure/mineure durant les deux autres années d’étude.

Chaque élève devra alors se positionner sur un choix de matières majeures, choix conditionné par l’autorisation des enseignants et leurs conseils tout au long de l’année. En revanche, trois matières mineures seront laissées au choix de l’élève, sachant que ces choix pourront varier en cours d’année, d’un semestre à l’autre. Le choix des majeures sera encadré par des contraintes, certains binômes étant favorisés (histoire-géographie et SES pour les sciences humaines par exemple, maths et physique en sciences ou maths et français pour ceux qui se destinent à être professeur des écoles). Ces majeures bénéficieront d’un enseignement alourdi en volume horaire. Enfin, partant du « droit de se tromper » de l’élève, la modification d’une majeure entre la première et la terminale serait possible.

Une telle organisation pose un certain nombre de questions, anticipées bien souvent par M. Mathiot. En effet, le cas des options actuelles se pose : deviendront-elles une mineure ? un système d’option sera-t-il maintenu en l’état ? Ces points sont pour l’instant sans réponses mais les options ne disparaîtront pas. Dans le même ordre d’idée : quelles disciplines seront classées en majeures ? quel est le devenir de la LV2 notamment ? Sera-t-elle cantonnée au rôle de mineure ? Même interrogation concernant la pratique de l’EPS… Pour l’instant tous ces sujets restent en suspens. Idem pour les filières européennes : pour M. Mathiot, il ne s’agit pas de détruire ce qui existe et fonctionne mais il faudra trouver des solutions pour permettre une plus grande mixité sociale.

Enfin une question essentielle demeure : la séparation général-technologique peut créer aujourd’hui des discriminations scolaires évitables alors que les formations technologiques sont de grande qualité et pertinentes dans la perspective du marché de l’emploi et de ses besoins. Toutefois, le déséquilibre des filières existantes se pose, avec notamment une masse très importante d’élèves en STMG comportant de nombreux « faux-profils » (aujourd’hui, près de 70 000 candidats, soit plus que dans le bac L). Un rééquilibrage et nécessaire, et peut passer par la transformation des formations technologiques en majeures potentielles (parfois en binômes comme en santé-social), ou bien pouvant être couplées à une majeure issue de l’ancien enseignement général pour les valoriser (SES et éco-gestion par exemple).

Programmes et contenu pédagogique

A l’heure actuelle , pour M. Mathiot, les programmes comme les contenus pédagogiques au sein de l’enseignement lycéen posent un certain nombre de difficultés. Tout d’abord, l’horizon absolu qu’est le baccalauréat oriente de fait la pratique pédagogique des différents programmes par les disciplines. De plus, lors de ses différentes auditions, la commission a pu être confrontée à des avis fortement divergents sur les programmes actuels et les contenus pédagogiques qu’ils supposent.

Tout d’abord, l’objectif est à la fois de poursuivre l’acquisition de compétences débuté bien en amont du lycée et de préparer du mieux possible à l’entrée dans l’enseignement supérieur. A ce titre, l’organisation entre les majeures et les mineures, entre le tronc commun et les spécialisations permet d’une gradation des enseignements et peut supposer une liberté pédagogique accrue pour les enseignants. Si le tronc commun doit répondre à un socle bien défini, la spécialisation peut se servir notamment des appétences des enseignants.

Sachant que le format des épreuves rejaillit forcément, à terme, sur le contenu des enseignements dans les années qui précèdent le baccalauréat, il convient de bien penser les exercices prévus lors de l’examen. Il convient notamment de clarifier et alléger les types d’exercices, à l’image de l’épreuve de français, bien trop lourdes avec 4 types d’exercices différents (3 à l’écrit, 1 à l’oral), ce qui nécessite une préparation imposante en amont, ce qui phagocyte largement l’enseignement de cette discipline, notamment en 1ère.

Enfin, pour M. Mathiot, la préparation à l’oral est essentielle et doit faire l’objet d’un volume horaire adapté et conséquent.

Evaluation et épreuves finales

Les épreuves finales du baccalauréat, en terminale, doivent être au nombre de quatre, suivant la feuille de route fournie par le gouvernement. Elles sont composées des deux matières majeures, ainsi que d’un grand oral, inspiré du bac italien, et d’une épreuve de philosophie (dissertation).

Afin d’intégrer les notes des deux matières majeures à l’orientation post-bac, ces épreuves seront légèrement anticipées dans l’année. Ceci pourrait ensuite poser des difficultés nouvelles, notamment d’assiduité avant le passage des deux épreuves finales. M. Mathiot propose de sanctionner tout manquement à l’assiduité lourdement, par exemple en donnant la possibilité au conseil de classe de fin d’année de terminale, d’envoyer un élève absentéiste directement au deuxième groupe, soit sans possibilité de mention, avant même de connaître ses résultats aux épreuves des matières majeures.

A la fin de l’année, le grand oral doit permettre de valoriser l’oral, en reprenant le modèle des TPE de première mais en le recadrant. Cette épreuve reste largement à définir encore, mais quelques idées émergent avec notamment des sujets potentiels à préparer renouvelés chaque année, un jury intégrant une personne extérieure (deux enseignants plus un intervenant extérieur) notamment.

Concernant les autres disciplines, pour M. Mathiot, il n’est pas envisageable de généraliser un contrôle continu type CCF comme il existe actuellement dans l’enseignement professionnel. Chronophage, lourd en préparation comme en évaluation, il n’est pas forcément une solution pertinente. En revanche, un contrôle que l’on pourrait qualifier de régulier serait possible, avec par exemple l’utilisation du modèle des bacs blancs déjà existants dans la plupart des établissements, ce qui permettrait de ne pas surconsommer les volumes horaires au cours de l’année.

Afin de rendre cette évaluation nationale, ces temps d’évaluation pourraient puiser dans une banque nationale de sujets, avec des propositions de correction. D’une certaine manière, on peut comprendre ce contrôle continu plutôt comme des partiels encadrés nationalement.

Certaines pistes à l’étude, certains problèmes qui persistent

Pour M. Mathiot, bien des sujets ne sont pas encore réellement tranchés. Se pose notamment la question de nouvelles disciplines, profitant de l’occasion de la réorganisation du lycée. Parmi ces disciplines, si la pratique numérique est bien au cœur des ambitions, cela ne doit pas pour autant ignorer la possibilité de la création d’un enseignement en informatique dans le cadre de ce nouveau lycée.

En dépit des contraintes prévues dans le choix des spécialisations des élèves, la crainte est d’avoir des profils très marqués et exclusifs (totalement scientifique, totalement littéraire). Afin de compenser ces situations, l’existence d’un enseignement de culture générale, d’un côté scientifique, de l’autre littéraire/sciences humaines se pose, afin de ne pas exclure totalement certains élèves d’un bagage de savoirs essentiels dans la construction de l’individu.

La mise en œuvre du dialogue lycée – université, s’il existe déjà parfois, doit être plus intense et des pistes doivent encore être étudiées, formalisées, afin de le rendre plus concret.

Dans ce nouveau lycée, l’orientation sera un sujet crucial et les professeurs volontaires pourront prendre en main cette question, avec une formation et une rémunération spécifique.

Enfin, afin de tester l’organisation prévue, des modélisations seront réalisées à partir de situations existantes.

La réaction du SE-Unsa Aix-Marseille suite à la rencontre

Notons tout d’abord l’esprit collaboratif de M. Mathiot, à l’écoute lors de cette rencontre et ouvert d’esprit, mais n’hésitant pas à exprimer avec franchise son point de vue, sans rien ôter à la cordialité des échanges qui se sont réalisés dans un climat apaisé et une bonne humeur de tous les participants, parfois loin des incantations véhémentes annoncées au préalable.

Ceci étant dit, nous pouvons considérer, comme d’autres présents, que la présentation de M. Mathiot et ses objectifs, à première vue, sont plutôt séduisants. Briser les inégalités produites par le système actuel, réduire le poids du baccalauréat comme charge mentale afin de libérer un réel espace pédagogique et créer un continuum véritable entre le second degré et l’université, avec dans l’idée de contribuer à la démocratisation de l’accès aux études supérieures correspondent en grande partie à certaines de nos attentes. Pour nous, le maintien d’un système de filières n’est pas un absolu indépassable, pas plus que la garantie d’une réelle égalité d’enseignement et nous partageons en partie le constat donné par la commission. Nous pensons que d’autres modèles d’organisation pourraient être pertinents et leur étude ne peut être balayée d’un revers de la main, d’autant que bien des exemples étrangers peuvent nous inspirer, sans renier les spécificités françaises. Surtout, nous ne pensons pas que le débat doit se réduire à une question d’organisation : les contenus pédagogiques, le sens donné à l’examen terminal et les ambitions pour les élèves doivent être au cœur des négociations, l’organisation choisie devant servir ces objectifs et non l’inverse.

Ainsi, en dépit de déclarations d’intentions intéressantes, bien des zones d’ombres demeurent et certains points peuvent poser question. Tout d’abord, la synergie entre le lycée et l’université, dans une logique bac -3 bac +3, si elle est bienvenue, et bien que M. Mathiot s’en défende, semble davantage être pensée comme un ruissellement macronien, l’université descendant vers le lycée, afin de nous demander d’être conforme à leurs attentes spécifiques, plutôt qu’à un réel dialogue. Cette manière de voir les choses n’a pas été affirmée, mais le discours de M. Mathiot évoquait systématiquement la relation entre les deux échelles d’enseignement sous la forme du supérieur se tournant vers le lycée. Notre expérience du cycle partagé primaire / second degré nous invite à penser qu’il faut dès le départ penser la synergie afin qu’elle soit pleine et complète, fonctionnant dans les deux sens, afin de garantir un réel progrès pédagogique pour les enseignants. C’est dans ce cadre que nous pensons que la passerelle lycée / université doit aussi se réaliser en perspective de carrière pour les enseignants, en particulier pour le corps des agrégés qui pourrait réaliser cette liaison quotidienne, en devenant davantage à cheval sur les deux échelles d’enseignements et réalisant de fait ce dialogue attendu.

Ensuite, même si nous pouvons considérer que le temps nous a manqué lors de ces trois heures de débat, bien des contenus d’enseignement n’ont pas été évoqués par M. Mathiot. A tout le moins, cela montre bien que ces enseignements sont relégués potentiellement à une place subalterne. L’EPS, abordé au détour d’une question, n’a pas pour l’instant de place clairement définie dans ce nouveau bac. Surtout, aucun mot n’a été prononcé sur les enseignements artistiques en lycée, où l’offre est actuellement famélique, reposant bien souvent sur les initiatives locales des CVL ou d’enseignants impliqués. Enfin, l’enseignement civique et plus généralement le terme de « citoyen » n’a pour ainsi dire jamais été employé par M. Mathiot, laissant entendre dès lors un certain désintérêt pour ce rôle dévolu à l’école, alors que dans le même temps, il peut très bien insister sur la symbolique républicaine que doit représenter le baccalauréat. Il ne faudrait pas confondre les ors de la République et ses symboles, relevant de l’apparat, avec la construction d’une fraternité citoyenne, véritable projet politique, ce qui est bien différent. Parfois, on se laisse alors à penser que l’ambition est plus de bâtir des « individus » que des « citoyens ». Sans opposer pleinement ces deux dimensions, il conviendra dans les prochaines propositions d’être prudent afin de ne pas réduire le rôle républicain du lycée à un simple rite initiatique.

De plus, en dépit des garanties annoncées et de la volonté affichée de ne pas complexifier outre mesure le fonctionnement des établissements, le dispositif prévu pourrait produire des difficultés organisationnelles dans les établissements, ce qui suscite l’inquiétude des personnels de direction. Avec des variations d’effectifs entre chaque semestre, en fonction des vœux des élèves, notamment concernant les matières mineures, comme organiser les emplois du temps des élèves et des enseignants ? D’autre part, la volatilité accrue des choix des élèves, si elle permet de déconstruire un système de filières devenu au fil des années très discriminant socialement, et d’offrir au lycée une certaine respiration, risque de rendre difficile les garanties de maintien des volumes horaires des différentes disciplines dans les établissements. Aussi, si nous pouvons penser que l’intégration des filières technologiques dans le même cadre que les héritiers des anciennes filières générales est une piste intéressante, encore faut-il assurer le maintien de ces enseignements pleins et entiers dans les établissements, d’autant qu’ils ont démontré jusqu’ici une très grande pertinence à la fois éducative et professionnelle. Beaucoup de questions demeurent donc, et nous pourrions encore en étendre la liste ici, notamment dans les détails de cette mutation annoncée du lycée : il est manifeste qu’à terme la question des moyens et celle des équilibres entre disciplines et de leurs vocations, de leur rôle à jouer dans ce nouveau lycée, risquent d’être des sujets de crispation légitime pour les équipes enseignantes.

Si le nouveau lycée veut lutter pleinement contre les pesanteurs sociales, il devra aussi fournir un haut niveau d’information des parcours et des orientations potentielles à destination des familles, dès le collège. La souplesse que laissent apparaître les scenarii envisagés par M. Mathiot rend la connaissance de ce système déterminante pour le devenir des élèves en tant qu’étudiants. Les mieux informés, et en particulier les enfants d’enseignants, seront de fait avantagés, peut-être encore davantage que dans le système actuel. A titre d’exemple, la nouvelle mouture de l’organisation du lycée à partir de la première pourra permettre la naissance de parcours originaux à première vue mais correspondant à de nombreux élèves, notamment polyvalents : l’association du français et des mathématiques est par exemple essentielle pour les futurs professeurs des écoles. Encore faut-il que les enfants et leurs familles soient correctement informés des exigences et des particularités des différentes formations supérieures auxquelles ce nouveau bac ambitionne de mieux préparer. Il y a là un enjeu majeur d’égalité républicaine, qui ne pourra qu’être renforcé de surcroît par une anonymisation accrue des candidatures dans les nouveaux dispositifs d’orientation post-bac afin de mettre un terme aux inégalités de traitement des futurs étudiants en fonction de leur origine scolaire.

Aussi, le maintien de dispositifs pédagogiques expérimentaux – au même titre que certaines filières d’excellence – ne doit pas non plus être remis en cause : nombreux sont ceux qui ont faire leurs preuves, et il ne faudrait pas que la réforme du bac et du lycée soit l’occasion d’un chamboule-tout détruisant ce qui a démontré sa pertinence sur le terrain. L’existence de moyens spécifiques en éducation prioritaire doit aussi faire l’objet d’une très grande attention dans les futures propositions, afin de permettre la poursuite d’une politique réellement égalitaire et républicaine.

Enfin, et nous rejoignons ici le sentiment de M. Mathiot lui-même, nous ne pouvons que regretter le découplage de cette réforme, avec une commission spécifique, des autres chantiers, notamment l’enseignement professionnel, l’apprentissage ou la réforme de l’université. Si le lycée est pensé comme un réel continuum, avec des passerelles accrues, il est alors curieux de constater que les sujets sont scindés et pensés séparément, du moins dans la constitution des commissions portant ces réflexions, et potentiellement dans la future chronologie des décisions politiques. A ce titre, nous ne pouvons que regretter l’anticipation sans doute précipitée de la refonte de l’orientation post-bac, déterminant et pesant de fait sur le contenu et les objectifs de la future réforme du bac et du lycée, avant même que ce nouveau lycée soit pleinement redéfini.