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SE-UNSA AIX-MARSEILLE


 Par SE-UNSA AIX-MARSEILLE
 Le  samedi 18 avril 2015

"Il faut réformer le collège parce qu’il est injuste et inefficace"

 

Par Claire Krepper - article paru dans l’Express le 16 avril 2015

La réforme du collège a été adoptée il y a une semaine par le Conseil supérieur de l'Education, mais elle continue de diviser les enseignants et leurs syndicats. L'Express publie la tribune de Claire Krepper, secrétaire nationale du SE-UNSA, un syndicat enseignant favorable à cette réforme.

Le SE-UNSA est un syndicat enseignant qui a remporté 10% des voix des professeurs certifiés du collège, lors des dernières élections professionnelles. Un syndicat réformateur, qui a bien accueilli les différentes mesures présentées par Najat Vallaud-Belkacem dans le cadre de sa réforme du collège. Claire Krepper, professeur d'anglais au collège pendant une vingtaine d'années et secrétaire nationale du SE-UNSA explique pourquoi son syndicat soutient cette réforme par ailleurs très critiquée.

Nous soutenons cette réforme parce que le collège d'aujourd'hui est injuste socialement et inefficace pédagogiquement. Le collège creuse les écarts entre les élèves. Pas étonnant: un élève qui est scolarisé en classe bilangue en 6e, par exemple, qui étudie le latin et suit en plus l'option européenne reçoit 18 heures de plus d'enseignement hebdomadaire dans sa scolarité qu'un élève qui ne suit aucun de ces enseignements facultatifs. Cela représente plus d'une demi-année de collège en plus! Certes, cette possibilité est offerte à tous sans discrimination mais les statistiques montrent sans ambigüité que ce sont massivement les enfants des classes les plus favorisées socialement et les meilleurs scolairement qui en profitent. 

Quant aux moyens consacrés à aider les plus fragiles, ils se résument aujourd'hui à deux heures d'aide au travail personnel en 6e et deux heures d'itinéraires de découverte en 5ème et 4ème souvent recyclées en dispositifs d'aide. Ne marche-t-on pas sur la tête en consacrant autant de moyens pour les meilleurs et si peu pour les plus faibles? Peut-on vraiment défendre le statu quo en continuant de déplorer les 150 000 élèves qui sortent chaque année sans diplôme? 

Une redistribution des moyens nécessaires pour tous les élèves

La réforme redistribue les moyens consacrés à quelques-uns au bénéfice de tous les élèves et crée 4000 ETP (postes équivalent temps plein) supplémentaires sur deux ans. 

L’option latin (8 heures) devient un enseignement de complément (5 heures) pour les volontaires, financé sur l'autonomie des collèges. Il complète l'enseignement pratique interdisciplinaire (EPI) "Langues et culture de l'antiquité " qui pourra être suivi par de très nombreux élèves, et même tous les élèves d'un collège s'ils le souhaitent. 

L'option européenne (4 heures) se transforme en EPI "culture et langues étrangères" pour tous. Quant aux sixièmes "bilangue", elles seront maintenues partout où les élèves auront appris une autre langue vivante que l'anglais à l'école primaire. Les autres attendront un an, et l'entrée en 5e, pour débuter la LV2 qui passe de 6 heures à 7 heures et demi. 

En contrepoint, les moyens pour travailler en petits groupes passent de 8 heures à 48 heures pour un collège moyen. L'accompagnement personnalisé passe de 2 heures à 6 heures au minimum sur les 4 ans. 

Enfin, les EPI permettent de travailler les programmes à travers des projets débouchant sur des productions concrètes, un bon moyen de motiver et d'aider les élèves qui adhèrent moins aux démarches classiques. On peut donc dire que, du point de vue de tous les élèves, cette réforme est un progrès

Une bonne réforme pour les enseignants aussi

Les professeurs de lettres classiques et les professeurs d’allemands sont inquiets. Ils craignent la disparition de leurs disciplines qui sont victimes de leur réputation d'exigence. De nombreuses familles pensent qu'elles sont réservées aux bons élèves. 

Pourtant, ces mêmes professeurs ont souvent développé des pédagogies actives, porteuses de réussite, ces pédagogies que la réforme veut promouvoir pour tous les élèves dans les EPI. Or les dispositifs optionnels dans lesquels ils enseignent leur assurent environ 10% des élèves. Seulement 10%... Une ouverture large des EPI à ces disciplines compensera la baisse horaire et les fera connaître concrètement de tous les élèves, le plus sûr moyen de lutter contre les représentations erronées. Le latin et l'allemand pourront enfin sortir de leur périmètre limité pour attirer davantage d'élèves. La réforme est une chance, y compris pour ces deux disciplines. 

Ainsi tous les horaires des disciplines du tronc commun sont maintenus à l'identique sur toute la durée de la scolarité, voire renforcés (en LV2). Les dotations de base aux collèges seront supérieures aux actuelles dotations (un demi-poste en plus pour un collège moyen). 

De plus, avec cette réforme, les enseignants ne seront plus considérés comme des exécutants mais comme des concepteurs responsables de l'organisation des enseignements. Le métier en sera d'autant plus passionnant. 

Informer et surtout former

Tout changement crée des inquiétudes qui font oublier les très nombreuses critiques sur le collège actuel. Plusieurs organisations attisent les peurs et flirtent avec la désinformation. La ministre doit en tenir compte. Elle doit parler directement aux enseignants. Elle doit mobiliser toutes ses équipes pour accompagner le changement par une information claire dans un premier temps, mais surtout par une formation solide et suivie. 

La réforme du collège est l'occasion de refonder une formation continue des enseignants exsangue: celle-ci doit s'adresser aux équipes dans chaque collège, non pas dans une démarche descendante mais dans un soutien à la réflexion et à l'élaboration des nouveaux parcours de formation par les équipes elles-mêmes. 

Cette réforme, le SE-Unsa la soutient car elle dessine un collège enfin pensé pour tous les élèves et construit au quotidien par tous les personnels, des personnels reconnus, respectés et responsabilisés.