La France a élu son nouveau Président de la République pour les cinq ans qui viennent en la personne d’Emmanuel Macron.
De nombreuses analyses permettront de mieux appréhender le nouveau contexte politique français.
Les élections législatives de juin apporteront des données et des résultats nouveaux et complémentaires.
Mais déjà, plusieurs éléments peuvent être pris en compte pour s’interroger sur ce que cette élection implique dès maintenant.
Bien que soulagé par la défaite de Madame Le Pen, les presque 11 millions d’électeurs qui ont voté FN ne peuvent laisser indifférent. Certes, cette montée de l’extrême droite n’est pas nouvelle. Et l’opération de dédiabolisation -même si elle a été un peu écornée lors du débat de mercredi dernier- a fait largement son œuvre.
Au-delà de l’irréductible fonds de commerce de haine et de racisme du FN qu’il ne faut cesser de combattre et de dénoncer -et l’actualité de la commémoration de l’abolition de l’esclavage aujourd’hui en est une occasion supplémentaire- ce sont tous ces électeurs désorientés, en mal d’insertion, de reconnaissance, d’avenir dont il faut s’occuper.
La responsabilité politique est immense. Et il s’agira pour le nouveau Président de prouver qu’après l’alternance droite-gauche ou gauche-droite, un quinquennat « ni droite ni gauche » ou « et droite et gauche » évitera une victoire du FN en 2022.
Mais la responsabilité collective est également importante.
Balayons devant notre porte.
Le syndicalisme et particulièrement le syndicalisme dans le monde éducatif doit s’interroger. Combien parmi de responsables sont-ils de catégorie C ou contractuels ? Combien représentent les plus fragiles ? Quelle prise en compte de leurs difficultés quotidiennes ? Quelles actions de proximité à leur rencontre, à leur côté ? Quels apports positifs, optimistes pour sortir du cycle mortifère des plaintes et des lamentations qui ne peut conduire qu’à des expressions de recul, de rejet, de repli.
Le réformisme, la culture de la négociation, l’ancrage dans la recherche d’accords sont les seules voix qui permettent d’échapper à la surenchère, au conflit systématique et au bout du compte à la déception, la désillusion, le rejet qui peuvent conduire au populisme et à l’extrémisme.
Encore faut-il pour se mettre d’accord être deux. La démocratie sociale doit se construire. Espérons que le nouveau Président sera sur ce point plus volontariste que ne l’a laissé entendre le candidat « en marche ».
Dans ce souci de valorisation de la recherche de consensus, les gouvernements d’Emmanuel Macron devront faire le choix de leurs actions … et de leurs partenaires.
Dans le domaine de l’Education, ce sont moins les grandes réformes qui sont attendues que les moyens, le temps, les conditions d’amélioration de celles qui sont en cours. Tout retour en arrière serait doublement improductif : parce que rien de la refondation n’est suffisamment installé pour déjà porter des fruits, parce que tout signe de renoncement ou de recul serait la preuve qu’aucune réforme n’est durable et donc crédible.
La lutte contre la montée du FN passe aussi par une Education qui permet à chacune et chacun de réussir. Qui met en place des démarches inclusives qui n’abandonnent ni ne rejettent ceux qui sont les plus éloignés de la culture scolaire, les plus fragiles et donc les plus enclins à l’échec.
Plutôt que de les abandonner pour faire plaisir à certains maires économes, il faut améliorer la complémentarité des temps éducatifs, mieux formés les animateurs, apprendre à faire travailler enseignants et intervenants ensemble, s’inscrire dans des projets éducatifs de territoires ambitieux, partagés, cohérents.
Au lieu de répondre aux hurlements de ceux qui ne veulent pas sortir de leur seul enseignement disciplinaire en allégeant les EPI, il faut accompagner tous ceux qui ont compris qu’une approche multi, pluri, interdisciplinaire permettait à tous les élèves ne mieux appréhender les sujets et de mieux s’approprier les contenus.
Davantage que de recréer des voies de distinction au cœur du collège, mieux vaut mettre à disposition de tous les élèves les apports (langues anciennes, arts, sports…) qui permettront leur développement et favoriseront leurs acquisitions.
Les véritables priorités sont ailleurs que dans la remise en cause des réformes précédentes. Elles sont dans le renforcement d’une formation professionnelle initiale et continue de qualité, dans la construction d’un parcours bac –3 bac + 3 permettant une orientation choisie, des passerelles entre filières, un examen du baccalauréat refondé et une véritable réussite pour chacune et chacun qui le souhaite dans l’enseignement supérieur.
Enfin, un véritable travail d’éducation politique et citoyenne est indispensable. Il faut aller au-delà de la connaissance des institutions et des éléments constituant une morale civique. L’ensemble des démarches d’Education scolaire et populaire, culturelle, socioculturelle et sportive doivent participer à l’émancipation de chaque jeune. Lui permettre d’agir selon son libre arbitre, de construire sa réflexion et ses choix à partir des analyses menées en mobilisant son esprit critique, d’alimenter sa compréhension des enjeux grâce au débat, de participer à la prise de décision en toute connaissance des modes de délibération.
C’est aussi parce qu’ils seront tous reconnus comme citoyens actifs à part entière, qu’ils posséderont des lieux d’expression, qu’ils contribueront à la construction d’un avenir commun, que les membres de la communauté nationale ne chercheront plus dans le vote pour un parti xénophobe et haineux à dire leur mal-être, leur exclusion, leur peur.
Permettre cette cohésion nationale, est -bien entendu- notre rôle d’éducateur. Mais surtout, c’est la priorité que nous attendons du nouveau Président de la République.
Denis Adam, le 10 mai 2017
Voir aussi : Nos 25 exigences pour l'Éducation