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Visite de M. Mathiot Ă  Marseille - Etat des lieux de l’avancement de la rĂ©forme du bac
Article publié le mercredi 20 décembre 2017.
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Suite au groupe de travail, réuni le lundi 18 décembre dans notre académie, en présence de Pierre Mathiot, chargé par le ministre de l’Éducation nationale d’organiser la consultation qui aboutira à la présentation d’un rapport fin janvier 2018 sur l’évolution du baccalauréat et ses conséquences sur l’organisation du lycée et de l’enseignement supérieur, vous trouverez, ci-dessous, le compte-rendu de cette réunion réalisé par Jean Renoux, responsable académique agrégé du SE-Unsa Aix-Marseille, qui représentait à cette occasion notre organisation Syndicale.

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Visite de M. Mathiot Ă  Marseille

Etat des lieux de l’avancement de la réforme du bac

 

Compte-rendu par Jean Renoux

Responsable académique agrégé

SE-Unsa Aix-Marseille

M. Pierre Mathiot, directeur honoraire de Sciences Po Lille, a Ă©tĂ© chargĂ© par le gouvernement de mener une commission prĂ©paratoire Ă  la rĂ©forme du bac. Cette commission a Ă©tĂ© officiellement mise en place fin octobre. A ce jour, elle a rĂ©alisĂ© près de 80 auditions en cinq semaines (syndicats enseignants, parents, associations disciplinaires…). A l’heure actuelle, M. Mathiot consulte quelques acadĂ©mies : trois en l’occurrence (Aix-Marseille, Lille et Besançon). Par la suite, un voyage Ă  l’étranger est prĂ©vu (Italie, avec le ministre) ainsi que de nouvelles auditions. A terme, fin janvier, la commission doit remettre son rapport au ministre.

D’autres missions sont également en cours, portant sur l’enseignement professionnel et sur la refonte de l’Université, notamment au niveau licence.

La visite de M. Mathiot a eu lieu lundi 18 décembre au lycée Jean Perrin (Marseille), avec les représentants académiques des organisations syndicales (SE-Unsa, SNES-FSU, FO, CGT), des représentants des parents d’élèves, des personnels de direction et de l’Université et en collaboration avec le Rectorat d’Aix-Marseille. Cette rencontre a fait suite aux auditions du CVLA et des IA-IPR durant la matinée.

La mise en Ĺ“uvre de la rĂ©forme du baccalaurĂ©at Ă  venir suppose une refonte plus large de l’organisation du lycĂ©e. L’horizon donnĂ© est celui de 2021 pour une première session du « nouveau bac Â», poussant donc Ă  une rĂ©forme du niveau seconde Ă  la rentrĂ©e 2018, de la première en 2019 et de la terminale en 2020. Contrairement Ă  l’UniversitĂ©, la rĂ©forme du bac et du lycĂ©e ne suppose pas lĂ©galement de passer par la loi, la voie rĂ©glementaire suffit, permettant une mise en Ĺ“uvre rapide de la rĂ©forme.

Le cadre imposĂ© par le gouvernement est très gĂ©nĂ©ral, hormis sur le format du baccalaurĂ©at qui doit ĂŞtre rĂ©duit Ă  4 Ă©preuves. Pour le reste, les seules informations connues Ă  ce jour sont seulement issues de comptes-rendus issus des diffĂ©rentes auditions : les variations observĂ©es sont alors directement liĂ©es aux Ă©volutions encore en cours dans l’esprit de M. Mathiot et de sa commission. Toutefois, nous pouvons noter dès maintenant que la rĂ©forme du lycĂ©e actuelle est fortement contrainte par la rĂ©forme anticipĂ©e de l’orientation post-bac, d’autant plus que la rĂ©forme de l’enseignement professionnel et celle de la licence universitaire sont menĂ©es en parallèle et non au sein de la mĂŞme commission.

L’esprit de la réforme selon P. Mathiot

Pour M. Mathiot, l’idĂ©e centrale est de changer le sens donnĂ© actuellement, pĂ©dagogiquement, au baccalaurĂ©at. Pour lui, il ne faut plus faire du lycĂ©e une « fin de l’histoire Â» mais quelque chose qui prĂ©pare mieux la suite, prenant en compte les difficultĂ©s des Ă©lèves en licence (assiduitĂ©, autonomie, prise de notes…). En ce sens, le lycĂ©e doit ĂŞtre la courroie de transmission essentielle dans un continuum second degrĂ© – universitĂ©.

Aussi, le lycĂ©e actuel, organisĂ© en filières, entretient voire renforce de fortes inĂ©galitĂ©s, favorisant directement les CSP+. Par exemple, certaines options sont plus « rĂ©munĂ©ratrices Â» au bac, Ă  l’image du latin (coef. 3) oĂą les notes sont Ă©levĂ©es quand l’option EPS (coef. 1) est sanctionnĂ©e par des notes plus faibles. Or, la rĂ©partition entre ces deux options est très socialement marquĂ©e.

D’autres enjeux existent, et pour M. Mathiot le coĂ»t du bac n’est pas essentiel, d’autant que son coĂ»t rĂ©el n’est pas bien connu : pour la commission, c’est plutĂ´t la « charge mentale Â» imposĂ©e par le bac qui pose des difficultĂ©s : le bac oriente fortement l’interprĂ©tation des programmes et des contenus pĂ©dagogiques, et impose une contrainte forte en fin d’annĂ©e pour les centres d’examen (1900 sujets prĂ©parĂ©s chaque annĂ©e par an, avec certaines curiositĂ©s comme dans les langues (au nombre de 58) dont le Berbère, langue orale, Ă©valuĂ©e Ă  l’écrit. L’ensemble des mesures qui seront prĂ©conisĂ©es visent Ă  rendre une valeur rĂ©ellement significative au bac. Il ne s’agit pas d’abandonner ici l’objectif des 80% : simplement la densitĂ© des mentions et leur forte progression interpelle, devant revenir dans des proportions plus raisonnables afin de redonner du sens Ă  la valeur de cet examen.

Un nouveau bac suppose en amont une nouvelle organisation du lycée

Toute l’organisation du lycĂ©e est repensĂ©e dans l’état actuel des travaux de la commission Mathiot. Tout d’abord, l’ensemble du lycĂ©e devra dĂ©sormais ĂŞtre pensĂ© sous la forme de la semestrialisation afin de permettre plus facilement des passerelles au sein de parcours scolaires plus souples et plus variĂ©s. Cette organisation rĂ©pond Ă  la volontĂ© de briser la logique des filières dont les effets pervers sont connus (hiĂ©rarchisation des filières, stigmatisation de certaines, saturation d’autres). Pour autant, le modèle du « tout modulaire Â» n’est pas pensĂ© comme pertinent pour autant : comme l’a exprimĂ© M. Mathiot dans un langage fleuri, le nouveau lycĂ©e, plus souple, n’a pas vocation pour autant Ă  ĂŞtre « open bar Â». Des contraintes sont nĂ©cessaires afin de permettre une organisation cadrĂ©e, afin de faciliter sa mise en place dans les Ă©tablissements et une plus grande clartĂ© pour les Ă©lèves.

Dans cette conception, le rĂ´le de la seconde semble essentiel : restant très gĂ©nĂ©rale, notamment durant son premier semestre, elle devient Ă  terme une voie d’aiguillage vers les spĂ©cialisations choisies des Ă©lèves. Dans cette optique, des enseignements exploratoires seront proposĂ©s au second semestre de l’annĂ©e de seconde, permettant un premier essai avant un choix plus affirmĂ© durant les annĂ©es suivantes. Cette orientation est dĂ©cidĂ©e alors en fin de seconde, reposant sur un modèle majeure/mineure durant les deux autres annĂ©es d’étude.

Chaque Ă©lève devra alors se positionner sur un choix de matières majeures, choix conditionnĂ© par l’autorisation des enseignants et leurs conseils tout au long de l’annĂ©e. En revanche, trois matières mineures seront laissĂ©es au choix de l’élève, sachant que ces choix pourront varier en cours d’annĂ©e, d’un semestre Ă  l’autre. Le choix des majeures sera encadrĂ© par des contraintes, certains binĂ´mes Ă©tant favorisĂ©s (histoire-gĂ©ographie et SES pour les sciences humaines par exemple, maths et physique en sciences ou maths et français pour ceux qui se destinent Ă  ĂŞtre professeur des Ă©coles). Ces majeures bĂ©nĂ©ficieront d’un enseignement alourdi en volume horaire. Enfin, partant du « droit de se tromper Â» de l’élève, la modification d’une majeure entre la première et la terminale serait possible.

Une telle organisation pose un certain nombre de questions, anticipĂ©es bien souvent par M. Mathiot. En effet, le cas des options actuelles se pose : deviendront-elles une mineure ? un système d’option sera-t-il maintenu en l’état ? Ces points sont pour l’instant sans rĂ©ponses mais les options ne disparaĂ®tront pas. Dans le mĂŞme ordre d’idĂ©e : quelles disciplines seront classĂ©es en majeures ? quel est le devenir de la LV2 notamment ? Sera-t-elle cantonnĂ©e au rĂ´le de mineure ? MĂŞme interrogation concernant la pratique de l’EPS… Pour l’instant tous ces sujets restent en suspens. Idem pour les filières europĂ©ennes : pour M. Mathiot, il ne s’agit pas de dĂ©truire ce qui existe et fonctionne mais il faudra trouver des solutions pour permettre une plus grande mixitĂ© sociale.

Enfin une question essentielle demeure : la sĂ©paration gĂ©nĂ©ral-technologique peut crĂ©er aujourd’hui des discriminations scolaires Ă©vitables alors que les formations technologiques sont de grande qualitĂ© et pertinentes dans la perspective du marchĂ© de l’emploi et de ses besoins. Toutefois, le dĂ©sĂ©quilibre des filières existantes se pose, avec notamment une masse très importante d’élèves en STMG comportant de nombreux « faux-profils Â» (aujourd’hui, près de 70 000 candidats, soit plus que dans le bac L). Un rĂ©Ă©quilibrage et nĂ©cessaire, et peut passer par la transformation des formations technologiques en majeures potentielles (parfois en binĂ´mes comme en santĂ©-social), ou bien pouvant ĂŞtre couplĂ©es Ă  une majeure issue de l’ancien enseignement gĂ©nĂ©ral pour les valoriser (SES et Ă©co-gestion par exemple).

Programmes et contenu pédagogique

A l’heure actuelle , pour M. Mathiot, les programmes comme les contenus pédagogiques au sein de l’enseignement lycéen posent un certain nombre de difficultés. Tout d’abord, l’horizon absolu qu’est le baccalauréat oriente de fait la pratique pédagogique des différents programmes par les disciplines. De plus, lors de ses différentes auditions, la commission a pu être confrontée à des avis fortement divergents sur les programmes actuels et les contenus pédagogiques qu’ils supposent.

Tout d’abord, l’objectif est à la fois de poursuivre l’acquisition de compétences débuté bien en amont du lycée et de préparer du mieux possible à l’entrée dans l’enseignement supérieur. A ce titre, l’organisation entre les majeures et les mineures, entre le tronc commun et les spécialisations permet d’une gradation des enseignements et peut supposer une liberté pédagogique accrue pour les enseignants. Si le tronc commun doit répondre à un socle bien défini, la spécialisation peut se servir notamment des appétences des enseignants.

Sachant que le format des épreuves rejaillit forcément, à terme, sur le contenu des enseignements dans les années qui précèdent le baccalauréat, il convient de bien penser les exercices prévus lors de l’examen. Il convient notamment de clarifier et alléger les types d’exercices, à l’image de l’épreuve de français, bien trop lourdes avec 4 types d’exercices différents (3 à l’écrit, 1 à l’oral), ce qui nécessite une préparation imposante en amont, ce qui phagocyte largement l’enseignement de cette discipline, notamment en 1ère.

Enfin, pour M. Mathiot, la préparation à l’oral est essentielle et doit faire l’objet d’un volume horaire adapté et conséquent.

Evaluation et Ă©preuves finales

Les épreuves finales du baccalauréat, en terminale, doivent être au nombre de quatre, suivant la feuille de route fournie par le gouvernement. Elles sont composées des deux matières majeures, ainsi que d’un grand oral, inspiré du bac italien, et d’une épreuve de philosophie (dissertation).

Afin d’intégrer les notes des deux matières majeures à l’orientation post-bac, ces épreuves seront légèrement anticipées dans l’année. Ceci pourrait ensuite poser des difficultés nouvelles, notamment d’assiduité avant le passage des deux épreuves finales. M. Mathiot propose de sanctionner tout manquement à l’assiduité lourdement, par exemple en donnant la possibilité au conseil de classe de fin d’année de terminale, d’envoyer un élève absentéiste directement au deuxième groupe, soit sans possibilité de mention, avant même de connaître ses résultats aux épreuves des matières majeures.

A la fin de l’année, le grand oral doit permettre de valoriser l’oral, en reprenant le modèle des TPE de première mais en le recadrant. Cette épreuve reste largement à définir encore, mais quelques idées émergent avec notamment des sujets potentiels à préparer renouvelés chaque année, un jury intégrant une personne extérieure (deux enseignants plus un intervenant extérieur) notamment.

Concernant les autres disciplines, pour M. Mathiot, il n’est pas envisageable de généraliser un contrôle continu type CCF comme il existe actuellement dans l’enseignement professionnel. Chronophage, lourd en préparation comme en évaluation, il n’est pas forcément une solution pertinente. En revanche, un contrôle que l’on pourrait qualifier de régulier serait possible, avec par exemple l’utilisation du modèle des bacs blancs déjà existants dans la plupart des établissements, ce qui permettrait de ne pas surconsommer les volumes horaires au cours de l’année.

Afin de rendre cette évaluation nationale, ces temps d’évaluation pourraient puiser dans une banque nationale de sujets, avec des propositions de correction. D’une certaine manière, on peut comprendre ce contrôle continu plutôt comme des partiels encadrés nationalement.

Certaines pistes à l’étude, certains problèmes qui persistent

Pour M. Mathiot, bien des sujets ne sont pas encore réellement tranchés. Se pose notamment la question de nouvelles disciplines, profitant de l’occasion de la réorganisation du lycée. Parmi ces disciplines, si la pratique numérique est bien au cœur des ambitions, cela ne doit pas pour autant ignorer la possibilité de la création d’un enseignement en informatique dans le cadre de ce nouveau lycée.

En dépit des contraintes prévues dans le choix des spécialisations des élèves, la crainte est d’avoir des profils très marqués et exclusifs (totalement scientifique, totalement littéraire). Afin de compenser ces situations, l’existence d’un enseignement de culture générale, d’un côté scientifique, de l’autre littéraire/sciences humaines se pose, afin de ne pas exclure totalement certains élèves d’un bagage de savoirs essentiels dans la construction de l’individu.

La mise en œuvre du dialogue lycée – université, s’il existe déjà parfois, doit être plus intense et des pistes doivent encore être étudiées, formalisées, afin de le rendre plus concret.

Dans ce nouveau lycée, l’orientation sera un sujet crucial et les professeurs volontaires pourront prendre en main cette question, avec une formation et une rémunération spécifique.

Enfin, afin de tester l’organisation prévue, des modélisations seront réalisées à partir de situations existantes.

La réaction du SE-Unsa Aix-Marseille suite à la rencontre

Notons tout d’abord l’esprit collaboratif de M. Mathiot, à l’écoute lors de cette rencontre et ouvert d’esprit, mais n’hésitant pas à exprimer avec franchise son point de vue, sans rien ôter à la cordialité des échanges qui se sont réalisés dans un climat apaisé et une bonne humeur de tous les participants, parfois loin des incantations véhémentes annoncées au préalable.

Ceci Ă©tant dit, nous pouvons considĂ©rer, comme d’autres prĂ©sents, que la prĂ©sentation de M. Mathiot et ses objectifs, Ă  première vue, sont plutĂ´t sĂ©duisants. Briser les inĂ©galitĂ©s produites par le système actuel, rĂ©duire le poids du baccalaurĂ©at comme charge mentale afin de libĂ©rer un rĂ©el espace pĂ©dagogique et crĂ©er un continuum vĂ©ritable entre le second degrĂ© et l’universitĂ©, avec dans l’idĂ©e de contribuer Ă  la dĂ©mocratisation de l’accès aux Ă©tudes supĂ©rieures correspondent en grande partie Ă  certaines de nos attentes. Pour nous, le maintien d’un système de filières n’est pas un absolu indĂ©passable, pas plus que la garantie d’une rĂ©elle Ă©galitĂ© d’enseignement et nous partageons en partie le constat donnĂ© par la commission. Nous pensons que d’autres modèles d’organisation pourraient ĂŞtre pertinents et leur Ă©tude ne peut ĂŞtre balayĂ©e d’un revers de la main, d’autant que bien des exemples Ă©trangers peuvent nous inspirer, sans renier les spĂ©cificitĂ©s françaises. Surtout, nous ne pensons pas que le dĂ©bat doit se rĂ©duire Ă  une question d’organisation : les contenus pĂ©dagogiques, le sens donnĂ© Ă  l’examen terminal et les ambitions pour les Ă©lèves doivent ĂŞtre au cĹ“ur des nĂ©gociations, l’organisation choisie devant servir ces objectifs et non l’inverse.

Ainsi, en dépit de déclarations d’intentions intéressantes, bien des zones d’ombres demeurent et certains points peuvent poser question. Tout d’abord, la synergie entre le lycée et l’université, dans une logique bac -3 bac +3, si elle est bienvenue, et bien que M. Mathiot s’en défende, semble davantage être pensée comme un ruissellement macronien, l’université descendant vers le lycée, afin de nous demander d’être conforme à leurs attentes spécifiques, plutôt qu’à un réel dialogue. Cette manière de voir les choses n’a pas été affirmée, mais le discours de M. Mathiot évoquait systématiquement la relation entre les deux échelles d’enseignement sous la forme du supérieur se tournant vers le lycée. Notre expérience du cycle partagé primaire / second degré nous invite à penser qu’il faut dès le départ penser la synergie afin qu’elle soit pleine et complète, fonctionnant dans les deux sens, afin de garantir un réel progrès pédagogique pour les enseignants. C’est dans ce cadre que nous pensons que la passerelle lycée / université doit aussi se réaliser en perspective de carrière pour les enseignants, en particulier pour le corps des agrégés qui pourrait réaliser cette liaison quotidienne, en devenant davantage à cheval sur les deux échelles d’enseignements et réalisant de fait ce dialogue attendu.

Ensuite, mĂŞme si nous pouvons considĂ©rer que le temps nous a manquĂ© lors de ces trois heures de dĂ©bat, bien des contenus d’enseignement n’ont pas Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s par M. Mathiot. A tout le moins, cela montre bien que ces enseignements sont relĂ©guĂ©s potentiellement Ă  une place subalterne. L’EPS, abordĂ© au dĂ©tour d’une question, n’a pas pour l’instant de place clairement dĂ©finie dans ce nouveau bac. Surtout, aucun mot n’a Ă©tĂ© prononcĂ© sur les enseignements artistiques en lycĂ©e, oĂą l’offre est actuellement famĂ©lique, reposant bien souvent sur les initiatives locales des CVL ou d’enseignants impliquĂ©s. Enfin, l’enseignement civique et plus gĂ©nĂ©ralement le terme de « citoyen Â» n’a pour ainsi dire jamais Ă©tĂ© employĂ© par M. Mathiot, laissant entendre dès lors un certain dĂ©sintĂ©rĂŞt pour ce rĂ´le dĂ©volu Ă  l’école, alors que dans le mĂŞme temps, il peut très bien insister sur la symbolique rĂ©publicaine que doit reprĂ©senter le baccalaurĂ©at. Il ne faudrait pas confondre les ors de la RĂ©publique et ses symboles, relevant de l’apparat, avec la construction d’une fraternitĂ© citoyenne, vĂ©ritable projet politique, ce qui est bien diffĂ©rent. Parfois, on se laisse alors Ă  penser que l’ambition est plus de bâtir des « individus Â» que des « citoyens Â». Sans opposer pleinement ces deux dimensions, il conviendra dans les prochaines propositions d’être prudent afin de ne pas rĂ©duire le rĂ´le rĂ©publicain du lycĂ©e Ă  un simple rite initiatique.

De plus, en dĂ©pit des garanties annoncĂ©es et de la volontĂ© affichĂ©e de ne pas complexifier outre mesure le fonctionnement des Ă©tablissements, le dispositif prĂ©vu pourrait produire des difficultĂ©s organisationnelles dans les Ă©tablissements, ce qui suscite l’inquiĂ©tude des personnels de direction. Avec des variations d’effectifs entre chaque semestre, en fonction des vĹ“ux des Ă©lèves, notamment concernant les matières mineures, comme organiser les emplois du temps des Ă©lèves et des enseignants ? D’autre part, la volatilitĂ© accrue des choix des Ă©lèves, si elle permet de dĂ©construire un système de filières devenu au fil des annĂ©es très discriminant socialement, et d’offrir au lycĂ©e une certaine respiration, risque de rendre difficile les garanties de maintien des volumes horaires des diffĂ©rentes disciplines dans les Ă©tablissements. Aussi, si nous pouvons penser que l’intĂ©gration des filières technologiques dans le mĂŞme cadre que les hĂ©ritiers des anciennes filières gĂ©nĂ©rales est une piste intĂ©ressante, encore faut-il assurer le maintien de ces enseignements pleins et entiers dans les Ă©tablissements, d’autant qu’ils ont dĂ©montrĂ© jusqu’ici une très grande pertinence Ă  la fois Ă©ducative et professionnelle. Beaucoup de questions demeurent donc, et nous pourrions encore en Ă©tendre la liste ici, notamment dans les dĂ©tails de cette mutation annoncĂ©e du lycĂ©e : il est manifeste qu’à terme la question des moyens et celle des Ă©quilibres entre disciplines et de leurs vocations, de leur rĂ´le Ă  jouer dans ce nouveau lycĂ©e, risquent d’être des sujets de crispation lĂ©gitime pour les Ă©quipes enseignantes.

Si le nouveau lycĂ©e veut lutter pleinement contre les pesanteurs sociales, il devra aussi fournir un haut niveau d’information des parcours et des orientations potentielles Ă  destination des familles, dès le collège. La souplesse que laissent apparaĂ®tre les scenarii envisagĂ©s par M. Mathiot rend la connaissance de ce système dĂ©terminante pour le devenir des Ă©lèves en tant qu’étudiants. Les mieux informĂ©s, et en particulier les enfants d’enseignants, seront de fait avantagĂ©s, peut-ĂŞtre encore davantage que dans le système actuel. A titre d’exemple, la nouvelle mouture de l’organisation du lycĂ©e Ă  partir de la première pourra permettre la naissance de parcours originaux Ă  première vue mais correspondant Ă  de nombreux Ă©lèves, notamment polyvalents : l’association du français et des mathĂ©matiques est par exemple essentielle pour les futurs professeurs des Ă©coles. Encore faut-il que les enfants et leurs familles soient correctement informĂ©s des exigences et des particularitĂ©s des diffĂ©rentes formations supĂ©rieures auxquelles ce nouveau bac ambitionne de mieux prĂ©parer. Il y a lĂ  un enjeu majeur d’égalitĂ© rĂ©publicaine, qui ne pourra qu’être renforcĂ© de surcroĂ®t par une anonymisation accrue des candidatures dans les nouveaux dispositifs d’orientation post-bac afin de mettre un terme aux inĂ©galitĂ©s de traitement des futurs Ă©tudiants en fonction de leur origine scolaire.

Aussi, le maintien de dispositifs pĂ©dagogiques expĂ©rimentaux – au mĂŞme titre que certaines filières d’excellence – ne doit pas non plus ĂŞtre remis en cause : nombreux sont ceux qui ont faire leurs preuves, et il ne faudrait pas que la rĂ©forme du bac et du lycĂ©e soit l’occasion d’un chamboule-tout dĂ©truisant ce qui a dĂ©montrĂ© sa pertinence sur le terrain. L’existence de moyens spĂ©cifiques en Ă©ducation prioritaire doit aussi faire l’objet d’une très grande attention dans les futures propositions, afin de permettre la poursuite d’une politique rĂ©ellement Ă©galitaire et rĂ©publicaine.

Enfin, et nous rejoignons ici le sentiment de M. Mathiot lui-même, nous ne pouvons que regretter le découplage de cette réforme, avec une commission spécifique, des autres chantiers, notamment l’enseignement professionnel, l’apprentissage ou la réforme de l’université. Si le lycée est pensé comme un réel continuum, avec des passerelles accrues, il est alors curieux de constater que les sujets sont scindés et pensés séparément, du moins dans la constitution des commissions portant ces réflexions, et potentiellement dans la future chronologie des décisions politiques. A ce titre, nous ne pouvons que regretter l’anticipation sans doute précipitée de la refonte de l’orientation post-bac, déterminant et pesant de fait sur le contenu et les objectifs de la future réforme du bac et du lycée, avant même que ce nouveau lycée soit pleinement redéfini.

 

 
 
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