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Le collège actuel n’est ni unique, ni juste !
Article publié le mardi 19 mai 2015.
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Une tribune, signée par plus de quarante personnalités, vient d'être publiée dans Le Monde du lundi 18 mai 2015 : "Le collège actuel n’est ni unique, ni juste et encore moins efficace".

Le collège à venir doit rassembler tous les élèves dans les mêmes classes, parce qu’apprendre ensemble permet de mieux vivre ensemble et de travailler ensemble à un monde meilleur.

Le collège actuel n’est ni unique, ni juste et encore moins, efficace. L’organisation de la formation, avec ses options facultatives et ses classes « bilangues Â», conduit Ă  la crĂ©ation de classes diffĂ©renciĂ©es socialement et mĂŞme, dans certains territoires, marquĂ©es ethniquement. Comment convaincre notre jeunesse des valeurs de notre RĂ©publique - libertĂ©, Ă©galitĂ©, fraternitĂ© et laĂŻcitĂ© - alors que le collège leur offre tous les jours le spectacle de l’injustice, de l’exclusion et de la sĂ©paration ? L’adhĂ©sion aux valeurs de la RĂ©publique ne passera pas par le seul enseignement moral et civique, il passera par un collège plus Ă©quitable, plus juste ainsi que par des Ă©tablissements et des classes plus mixtes, socialement et scolairement. Nous ne partageons pas cette curieuse conception de la RĂ©publique qui consiste Ă  considĂ©rer toute politique pour ouvrir les chemins de la rĂ©ussite au plus grand nombre Ă  un « nivellement par le bas Â».

L’actuelle réforme du collège marque un pas important vers un collège plus juste en réduisant sensiblement la part des dispositifs facultatifs actuellement suivis par une minorité, en instituant des Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) dans lesquels les élèves apprendront à coopérer pour mener ensemble un projet plutôt qu’à s’affronter aux autres dans une compétition individualiste, en renforçant le suivi personnalisé dont ont besoin tous les élèves pour construire leur parcours de réussite.

L’organisation du collège à venir doit être plus juste et plus efficace

Le collège actuel creuse les Ă©carts entre les Ă©lèves. Après quatre ans de collège, ils sont 25% Ă  ne pas maĂ®triser les compĂ©tences les plus simples en français alors qu’ils sont 12% dans ce cas Ă  la fin du CM2. En mathĂ©matiques, on passe de 9% d’élèves ne maĂ®trisant pas les bases en CM2 Ă  13% en troisième. Ce n’est pas Ă©tonnant car le collège actuel consacre beaucoup plus de moyens aux 15 % qui rĂ©ussissent dĂ©jĂ  (enseignement de la deuxième langue vivante dès la classe de sixième, latin, option europĂ©enne) qu’aux 15% les plus fragiles (deux heures d’aide au travail personnel en classe de sixième). Alors que les comparaisons internationales montrent que c’est, au contraire, en s’attachant Ă  augmenter les performances des plus faibles qu’on fait progresser l’ensemble d’une gĂ©nĂ©ration, le système actuel maintient un collège organisĂ© pour « la fabrique des meilleurs Â» qui produit 150 000 sorties sans diplĂ´me ou qualification chaque annĂ©e.

La rĂ©forme du collège rĂ©oriente les moyens consacrĂ©s Ă  15% des Ă©lèves au profit de tous. L’EPI « Langues et culture de l’antiquitĂ© Â» pourra ĂŞtre suivi par de très nombreux Ă©lèves, et mĂŞme tous les Ă©lèves d’un collège. L’option europĂ©enne se transforme en EPI « Culture et langues Ă©trangères Â» pour tous. Et les « bilangues Â» qui ne profitaient qu’à 10% des Ă©lèves, se gĂ©nĂ©ralisent pour 100% des Ă©lèves Ă  partir de la classe de cinquième. Les moyens qui accompagnent la rĂ©forme permettent de multiplier le travail en petits groupes – de 8 heures, on passe Ă  48 heures pour un collège moyen - et de dĂ©velopper l’accompagnement personnalisĂ© des Ă©lèves – on passe de 2 heures maximum Ă  6 heures au minimum sur les 4 ans. Quant aux EPI, ils permettent de dĂ©velopper des pratiques pĂ©dagogiques variĂ©es afin de permettre Ă  tous les Ă©lèves d’accĂ©der au sens des disciplines scolaires et de mieux entrer dans les apprentissages.

Le collège à venir doit préparer tous les élèves à la complexité des savoirs et à l’autonomie intellectuelle

Dans un monde hyperconnecté où l’information circule instantanément, où sciences et techniques sont omniprésentes, et dans une économie de la connaissance qui n’offre plus guère d’avenir professionnel à ceux qui sortent de l’école sans diplôme, la mission du collège est de plus en plus exigeante.

Il ne s’agit plus seulement de faire acquĂ©rir quelques repères patrimoniaux qui crĂ©ent une communautĂ© culturelle. Il faut que tous les Ă©lèves quittent le collège en ayant acquis le goĂ»t du savoir et puissent, Ă  partir de l’acquisition d’un socle commun, continuer Ă  se former tout au long de leur vie. Il faut que chacune et chacun ait les moyens de comprendre le monde pour pouvoir y agir en citoyen autonome et responsable. Or, comprendre le monde nĂ©cessite des regards pluri et interdisciplinaires, parce qu’il faut faire appel Ă  des savoirs de nature diffĂ©rente et les mobiliser judicieusement pour apprĂ©hender une situation. Les EPI (qui reprĂ©sentent 9% des horaires) sont l’espace privilĂ©giĂ© de ce croisement des regards sur le monde et, loin de « dissoudre Â» les disciplines, ils pourront permettre aux Ă©lèves d’identifier la nature, les spĂ©cificitĂ©s et la portĂ©e de chacune d’entre elles.

Enfin, parce qu’il est, aujourd’hui impossible de tout apprendre avant quinze ans, l’important est de permettre Ă  tous les Ă©lèves de dĂ©velopper une attitude rĂ©flexive et, pour cela, d’organiser, au moins en partie, leur formation autour de problèmes Ă  rĂ©soudre, de tâches complexes et de choix Ă  faire. Les faiblesses de l’élève en France par rapport Ă  ses camarades des autres pays comparables ont Ă©tĂ© bien identifiĂ©es : pas de prise de risque, moins de confiance en soi, crĂ©ativitĂ© plus faible, difficultĂ© d’expression orale et d’expression Ă©crite Ă©laborĂ©e.

Apprendre Ă  repĂ©rer les ressources dont on a besoin pour rĂ©soudre un problème et apprendre Ă  se les approprier sont devenues des compĂ©tences indispensables. Apprendre Ă  travailler ensemble de manière coopĂ©rative et Ă  planifier une tâche en Ă©quipe sont aussi des compĂ©tences qui seront travaillĂ©es dans les EPI. C’est une dimension essentielle de la formation humaine : elle rĂ©pond aux dĂ©fis contemporains de la formation personnelle, citoyenne et professionnelle. Ces travaux inter et pluridisciplinaires ont d’ailleurs Ă©tĂ© introduits dans les classes prĂ©paratoires en 1995, dans toutes les voies du lycĂ©e en 2000 et au collège en 2002 (ItinĂ©raires de dĂ©couverte) et 2006 (Enseignement intĂ©grĂ© des sciences et technologies). Quant Ă  la partie très modeste des activitĂ©s laissĂ©e Ă  l’initiative des Ă©quipes locales, elle concrĂ©tise Ă  la fois la libertĂ© pĂ©dagogique des enseignants et la nĂ©cessitĂ© de mettre en Ĺ“uvre selon des modalitĂ©s locales adaptĂ©es des finalitĂ©s nationales assumĂ©es.

La RĂ©publique doit tenir ses promesses

Le collège actuel n’est pas celui de tous les enfants d’un mĂŞme pays. Depuis la crĂ©ation du collège « unique Â», la France n’a pas voulu choisir, contrairement aux autres pays de l’OCDE, entre un collège qui permet aux Ă©lèves de conforter les savoirs de base et d’élargir ensemble leur culture pour poursuivre leur formation et un collège qui reste la zone de tri du lycĂ©e, entĂ©rinant ainsi des hiĂ©rarchies sociales et scolaires inacceptables. Les enseignants ne sont pas responsables de cette situation. Ils ont, jusqu’à prĂ©sent, rĂ©pondu comme ils le pouvaient Ă  une commande ambiguĂ« de la Nation. C’est cette commande qu’il faut changer, dans l’esprit de la loi de Refondation et de programmation de l’École de la RĂ©publique.

Que celles et ceux qui veulent conserver l’ancien modèle assument alors leurs responsabilitĂ©s et en admettent les consĂ©quences : celles d’un pays qui, de fait, sĂ©pare ses enfants et ne les prĂ©pare pas Ă  vivre et agir ensemble dans un monde commun.

Pour notre part, nous faisons le choix du nouveau collège. Parce que c’est la voie d’une démocratie moderne et d’une République qui tient ses promesses. C’est la seule qui permettra à notre pays de relever les défis du XXIe siècle.

Listes des premiers signataires par ordre alphabĂ©tique :

Christophe André (psychiatre, psychothérapeute)
Jean Baubérot (professeur honoraire EPHE - École pratique des hautes études )
Laurent Berger (secrétaire général de la CFDT)
Luc Bérille (secrétaire général de l’UNSA)
Francine Best (directrice honoraire de l’INRP)
Géraldine Bozec (maîtresse de conférences en sociologie, Université de Nice - ESPE)
Jean-Luc Cazaillon (président du CAPE - Collectif des associations partenaires de l’École publique)
François Chérèque (président de Terra Nova)
Hervé Chneiweiss (neurobiologiste)
Boris Cyrulnik (psychiatre et psychanalyste)
Eric Debarbieux (professeur à l’Université Paris Est -Créteil)
Michel Develay (professeur en Sciences de l’éducation Lyon 2)
Marc Douaire (président de l’OZP - Observatoire des zones d’éducation prioritaire)
François Dubet (sociologue)
Guillaume Duval (rédacteur en chef à Alternatives économiques)
Christian Forestier (ancien recteur et président du CNAM)
Martine Fournier (ex rĂ©dactrice en chef de « Sciences humaines Â»)
Divina Frau-Meigs (professeur Ă  la Sorbonne Nouvelle)
Philippe Fremeaux (Ă©ditorialiste Ă  Alternatives Ă©conomiques)
Marie-Aleth Grard (vice-présidente d’ATD Quart Monde)
Hervé Hamon (écrivain)
Philippe Joutard (historien, ancien recteur)
Philippe Lazar (directeur de recherche honoraire à l’INSERM)
André Legrand (ancien recteur, ancien directeur au Ministère de l’Éducation nationale)
Claude Lelièvre (professeur honoraire Paris Sorbonne)
Pierre Léna (président d’honneur de la Fondation La main à la pâte)
Françoise Lorcerie (directrice de recherche émérite CNRS)
Philippe Meirieu (pédagogue)
Pierre Merle (sociologue)
Denis Meuret (professeur émérite, université de Bourgogne)
Jean-Pierre Obin (IGEN honoraire)
Pierre Parlebas (professeur émérite en sciences sociales)
Sophie Pène (professeur, université Paris Descartes)
André de Peretti (polytechnicien, écrivain et chercheur)
Pierre Périer (professeur en sciences de l’éducation, Université Rennes 2)
Camille Peugny (maître de conférences en sociologie, Paris8/CNRS)
Jean-Marc Roirant (secrétaire général de la Ligue de l’enseignement)
Joël Roman (philosophe)
Claude Seibel (inspecteur général honoraire de l’INSEE)
André Sirota (professeur émérite Paris Nanterre)
François Taddéi (biologiste, directeur du CRI – Centre de recherches interdicsiplinaires)
Agnès Van Zanten (directrice de recherche CNRS)
Michel Wieviorka (sociologue)
Geneviève Zoïa (professeur d’ethnologie, LIRDEF/UM)

 

 
 
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