Les
députés ont adopté en première lecture le projet de loi confortant le
respect des principes de la République. Ce texte tente de répondre à des
mécanismes ou des agissements qui fragilisent le pacte républicain,
sans pour autant redonner un Ă©lan Ă la RĂ©publique sociale qui peine Ă
répondre aux besoins de cohésion, de mixité et de solidarité que
rencontrent notre pays.
Des apports positifs
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Cela concerne notamment l’obligation de neutralité pour les salariés de
droit privé investis d’une mission de service public, la formation
obligatoire des fonctionnaires au principe de laïcité, et
particulièrement pour les enseignants, les personnels d’éducation et les
futurs enseignants dans les Inspé.
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Le SE-Unsa approuve aussi l’interdiction faite aux professionnels de
santé d’établir des certificats de virginité, déjà condamnés par le
Conseil de l’Ordre des médecins et l’Organisation mondiale de la santé (lire notre article Si l’on parlait virginité ?).
DĂ©sormais, un praticien qui ferait un tel examen se rendrait coupable
de viol. À cela s’ajoutent une meilleure lutte contre la polygamie, les
mariages forcés et pour l’égalité dans l’héritage.
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Enfin, des éléments viennent renforcer l’arsenal judiciaire ; ils ont
été introduits à la suite de la mort de Samuel Paty et pénalisent le
fait d’user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte
d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution
d’une mission de service public, afin d’obtenir pour soi‑même ou pour
autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée
des règles. De plus, le fait d’entraver ou de tenter d’entraver
par des pressions ou des insultes l’exercice de la fonction d’enseignant
selon les objectifs pédagogiques de l’Éducation nationale sera puni. En
outre, les discours de haine en ligne, d’apologie de crimes contre
l’Humanité et ceux divulguant des informations personnelles d’une
personne en vue de l’exposer, seront réprimés, et plus sévèrement encore
s’il s’agit d’un fonctionnaire d’État en mission de service public ou
d’un élu.
Pour
le SE-Unsa, ces renforcements juridiques seront vraiment utiles Ă
condition que la réponse judiciaire soit proche du temps scolaire : si
de tels agissements étaient jugés un an ou deux après les faits, cela
perdrait en efficacité.
Des mesures inabouties
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Le nouveau régime d’instruction en famille passera du régime de
déclaration à celui d’autorisation, avec des dérogations notamment liées
à l’itinérance des parents, à l’état de santé de l’enfant ou son
handicap, à la pratique intensive d’activités physiques ou culturelles,
ou encore à toute situation propre à l’enfant motivant le projet
éducatif et qui respecte son intérêt supérieur.
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ce stade et compte-tenu de l’amplitude des dérogations, il est
difficile de mesurer l’impact de cette loi sur le développement de
l’instruction en famille.
Ces
dispositions seront effectives à la rentrée 2022 pour les nouveaux
entrants dans ce dispositif ; pour ceux qui pratiquent dĂ©jĂ
l’instruction en famille, l’autorisation est reportée à la rentrée 2024.
En outre, l’enfant instruit à domicile sera rattaché administrativement
à une circonscription du premier degré ou à un établissement scolaire
public.
De plus, une
journée pédagogique autour de la citoyenneté, des principes républicains
et aux droits de l’enfant sera organisĂ©e par des Ă©coles volontaires Ă
titre expérimental pour les enfants recevant une instruction dans la
famille. Enfin, des cellules de prévention de l’évitement scolaire
seront mises en place dans chaque département.
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Pour les établissements d’enseignement hors contrat, un énième
renforcement des contrôles est prévu ; il porte sur la transmission
annuelle de l’identité des personnels et des titres des enseignants et
aussi sur des sanctions renforcées en cas de manque d’assiduité, de
carences éducatives ou de risques pour la santé morale et/ou physique
des élèves.
MĂŞme si ces mesures viennent combler les oublis de la loi dite Gatel
de 2018, elles demeureront insuffisantes tant que des éléments
essentiels comme le projet pédagogique et la liste des personnels
exerçant dans l’établissement (hormis le déclarant) ne seront toujours
pas exigibles dans le dossier d’ouverture. Cela prive les pouvoirs
publics d’informations essentielles pour contester ou non leur
implantation.
Enfin,
les Ă©tablissements hors contrat se verront proposer une charte des
valeurs et principes républicains. Il est étonnant que cela relève d’une
simple proposition sans caractère obligatoire.
Dans tous les cas, chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction se verra désormais attribuer un identifiant national.
Une mesure inacceptable
Les
dispositions présentes dans l’article 28 de la loi relèvent de la faute
politique. Jusqu’à présent, le patrimoine immobilier des associations
cultuelles était strictement réservé à l’exercice du culte. Or, cet
article leur permettra désormais d’en faire une exploitation commerciale
qui va se cumuler avec les avantages fiscaux qui concernent déjà les
dons des fidèles : double jackpot !
Outre
le fait que cette loi favorisera le culte qui possède le patrimoine
foncier le plus important, on peut envisager la constitution de
véritables trusts immobiliers qui pèseront, par leur dimension, sur les choix économiques nationaux.
Pour le SE-Unsa, il s’agit d’une violation de l’esprit de la loi de 1905 : cette mesure devrait être tout simplement retirée.
La mixité scolaire, un levier pour faire République
L’enseignement
public est insuffisamment sécurisé dans ce texte. Pourtant, les
difficultés qu’il rencontre sont notamment liées à une érosion continue
de la mixité scolaire qui génère des inégalités persistantes. Cette
érosion se manifeste au sein du Service public, parfois avec l’aval des
municipalités par le biais de dérogations de complaisance, ou encore de
fausses domiciliations pour contourner la sectorisation. Toutes ces
stratégies, ces micro-séparatismes, minent à leur échelle le pacte
républicain.
Mais
cela se manifeste surtout par la concurrence déloyale des
établissements d’enseignement privés sous contrat. Cette concurrence
alimentée par l’argent public, sans que l’intérêt ni le montant global
de cette politique publique n’aient jamais été évalués (lire l’article du Cnal), aboutit
Ă un tri social de la jeunesse de notre pays selon le rang de leurs
parents dans la société. En effet, il sera très compliqué de faire
accepter à la frange de la population la plus favorisée financièrement
et culturellement, l’indispensable effort de mixité scolaire. Cet
engagement est pourtant nécessaire à la continuité de notre vie
démocratique, et il est regrettable que le ministère de l’Éducation
nationale demeure inactif sur ce sujet.
Pour
ces raisons, le SE-Unsa accueille favorablement les avancées, modestes
mais réelles, contenues dans cette loi, pour obtenir un état des lieux
de la mixité sociale. En effet, le gouvernement devra remettre au
parlement un rapport sur la mixité sociale dans les établissements
d’enseignement privés sous contrat, dans un délai d’un an après la
promulgation de cette loi. De plus, les services du ministère de
l’Éducation nationale transmettront chaque année aux conseils
départementaux les données sociales anonymisées des élèves relevant des
établissements publics et privés de la circonscription.
Dommage
toutefois qu’aucune obligation ne soit inscrite dans la loi pour
résorber les réservoirs d’entre-soi qui se sont constitués au fil du
temps.
L’avis du SE-Unsa
Cette
loi fourre-tout slalome entre des apports intéressants, des mesures
scolaires inabouties et une nécessaire fermeté à l’égard de dérives qui
visent, sans le nommer, l’islamisme.
Mais
à travers les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale et en
anticipant ceux qui se dérouleront bientôt au Sénat, le SE-Unsa observe
les difficultés du législateur d’intervenir en direction d’une religion,
tout en ne voulant pas bousculer les passe-droits et les accommodements
déraisonnables bénéficiant à d’autres. En effet :
- Comment comprendre qu’en Alsace et en
Moselle, les cultes catholique, calviniste, luthérien et israélite
soient encore financés par l’impôt de tous, et que l’enseignement
religieux y soit encore dispensé sur le temps scolaire ? Des préférences
persistent Ă©galement en Guyane et dans plusieurs territoires
ultramarins.
- Comment comprendre que la loi du 15
mars 2004 portant sur le port de signes religieux des élèves ne
s’adresse qu’aux élèves de l’enseignement public, sans que les écoles et
établissements privés sous contrats (à 96 % catholiques) ne soient
concernés ?
- Comment comprendre que des fondations
puissent si aisément contourner l’interdiction de financement des
établissements privés hors contrat, notamment religieux, en les
alimentant de dons défiscalisés sous couvert d’utilité publique ?
- Comment comprendre que l’enseignement supérieur pontifical, placé sous l’autorité du Vatican, puisse continuer d’utiliser frauduleusement le titre d’Université, puisse délivrer illégalement des licences, et obtienne des financements publics pour son extension ? Cette situation serait-elle traitée pareillement si de tels établissements étaient sous l’autorité de Jérusalem ou de La Mecque ? (lire l’article du Cnal)
Pour le SE-Unsa, aucun
passe-droit ne doit être toléré, au risque de renforcer le sentiment de
« deux poids, deux mesures », d’une laĂŻcitĂ© Ă gĂ©omĂ©trie variable.
Enfin,
le SE-Unsa regrette le tri opéré dans les principes de la République,
que cette loi veut pourtant conforter. Ainsi, bien que le premier
article de la Constitution française indique que la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, ce dernier attribut semble être devenu optionnel.
Incompréhensible
au moment où la barre des dix millions d’habitants vivant sous le seuil
de pauvreté est désormais franchie, que les ségrégations résidentielles
et scolaires ne sont pas combattues et que l’incertitude sur notre
capacité à faire société s’approfondit : des éléments constitutifs du
terreau dans lequel prennent racine les mécanismes auxquels cette loi
voulait faire face.