Le
terme d’enseignement explicite est devenu un leitmotiv ds articles
grands publics parlant de pédagogie depuis quelques mois. Il est
également utilisé dans les programmes scolaires des cycles 2, 3 et 4 de
2015. Mais de quoi parle-t-on quand on demande aux enseignants
d’utiliser un enseignement plus explicite ? Parle-t-on d’un enseignement
"plus précis", mieux énoncé, mieux expliqué, mieux formulé ? S’agit-il
d’expliciter des techniques, des attentes, des stratégies, des
savoir-faire, de lever les implicites ?
Il est bien Ă©vident que chaque enseignant a pour principale
préoccupation d’être compris de ses élèves, de leur donner des consignes
simples et claires sur les tâches qu’ils doivent réaliser. Alors
pourquoi préciser que l’enseignement doit être explicite ? C’est que ce
mot recouvre plusieurs acceptions et qu’il est important de savoir de
quelle "explicitation" il s’agit.
Plusieurs écoles de recherches, un sens différent
Les didacticiens (comme Roland Goigoux) définissent l’explicitation
comme le besoin d’outiller tous les élèves dès le plus jeune âge des
procédures de base, en se focalisant sur les causes des difficultés des
élèves plutôt que sur les difficultés elles-même. Pour les chercheurs du
laboratoire CIRCEFT-ESCOL de Paris 8, un enseignement explicite est la
clé de la lutte contre les inégalités en levant les malentendus
cognitifs.
Le centre Alain Savary, Centre de recherche de l’Institut français
de l’Éducation (IFÉ) qui a publié un copieux dossier sur ce sujet,
propose de distinguer deux sortes d’explicitation. L’explicitation du pourquoi (les finalités de la tâche) et l’explicitation du comment (procédures,
stratégies ou connaissances à mobiliser) qui aboutissent à une
institutionnalisation des apprentissages. Il s’agit alors d’un processus
qui peut s’entendre à plusieurs niveaux.
Il est évident que l’enseignant doit expliciter aux élèves, mais il
peut s’agir également d’une explicitation que l’élève se fait à lui même
ou à ses camarades ou bien encore d’une explicitation par l’élève au
maître. Cependant, il existe une autre acception du terme de "​pédagogie explicite", celle utilisé parle canadien Steve Bissonnette, théoricien d’une pédagogie fondée sur la ​direct instruction (instruction directe).
Selon S. Bisonnette et les études sur lesquelles il s’appuie,
l’instruction directe permettrait d’"Enseigner plus, plus vite et mieux
!".​
Il s’agit d’une pédagogie exclusive (et pensée comme la seule
efficace) qui se propose de dĂ©couper les compĂ©tences et savoirs Ă
acquérir par les élèves en petites unités et de construire
l’enseignement en étapes immuables :
1. Une vérification des pré-requis
2. Un apprentissage en trois Ă©tapes :
- l’enseignant fait et explique ce qu’il fait (modelage)
- l’élève fait avec le maître (étayage)
- l’élève fait seul (automatisation)
3. Une consolidation des acquis.
Cette forme de pédagogie peut avoir son intérêt parmi d’autres, par
exemple sur la mise en place d’automatismes en calcul ou en grammaire,
mais on peut légitimement douter de son efficacité en ce qui concerne le
développement de la créativité des élèves ou de leur libre arbitre et
le développement de compétences dans le cadre de situations complexes
qu’ils doivent pouvoir mobiliser hors du temps scolaire.
À l’heure où le
mot explicite est Ă la mode, il est primordial de comprendre les enjeux
de ce terme. Tout enseignement est explicite, il doit l’être plus
encore pour les élèves en difficulté. Méfions nous des solutions simples
et des recettes qui prétendent résoudre tous les problèmes.
Face à un problème complexe comme celui de l’efficacité d’un apprentissage, la solution simple est le plus souvent la mauvaise.