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Le socle commun
Article publié le jeudi 31 mai 2012.
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Serge Boimare : profiter des recommandations du socle commun

Le psychopĂ©dagogue Serge Boimare vient de publier aux Ă©ditions Dunod “La peur d’enseigner” (2012), livre dans lequel il incite les professeurs Ă  profiter des recommandations du socle commun. 

Avec son autorisation et celle de l’éditeur, nous reproduisons ici un large extrait consacré à la question du socle commun (p.85-88)

Des objectifs qui ne négligent plus les compétences et les attitudes

“Développer l’esprit critique, permettre l’accès à la culture, stimuler la curiosité et la créativité, aider à exprimer sa pensée au plus juste de ses intentions, donner la conscience de l’universel, aider les élèves à devenir des citoyens actifs et responsables…”
Et si les propositions contenues dans le socle annonçaient la révolution pédagogique que nous sommes nombreux à attendre ? Et si les propositions contenues dans le socle, permettaient enfin que soit prise en compte dans le travail pédagogique la nécessité de construire et d’améliorer des attitudes indispensables aux plus fragiles pour pouvoir apprendre ?
Ces recommandations qui s’attachent à donner du sens et de l’intérêt à la culture scolaire sont-elles compatibles avec une transmission exigeante des savoirs ?
Bien évidemment, pour s’en convaincre, il suffit de lire avec attention la liste des connaissances et des compétences faisant partie du socle pour maîtriser la langue française et avoir une culture humaniste. Il suffit de faire la liste des lois fondamentales de mathématiques, de sciences et de technologie à connaître à la fin de la scolarité obligatoire.
Avec un peu d’objectivité et d’honnêteté, nous verrons qu’à l’heure actuelle nous en sommes loin, pour plus de la moitié de nos élèves.
Ces recommandations qui veulent tenir compte des différences de rythme dans les apprentissages vont-elles freiner nos meilleures élèves ?
Cette crainte, si facile à agiter chez les parents, n’a pas lieu d’être. Pourquoi les meilleurs n’y trouveraient-ils pas les conditions d’une pleine réussite ?
L’esprit critique, l’autonomie, l’expression personnelle manquent parfois à nos bons élèves, ici elle est l’objet d’attention. Arrêtons de dire qu’il s’agit d’un apport accessoire ou marginal, c’est une véritable nécessité pour diminuer le nombre de ceux qui échouent à l’université, faute de pouvoir se resituer devant une approche de la connaissance, qui sollicite davantage d’indépendance d’esprit et leurs capacités réflexives.

Des pistes pédagogiques encore à inventer
Mais comment faire pour que ces bonnes intentions passent au niveau de la pratique ? Comment en professeur doit-il s’y prendre pour faire progresser ces attitudes ?

  • faire des ponts entre les disciplines ?
  • donner du sens Ă  la culture ?
  • se placer du point de vue de l’élève ?
  • augmenter les pratiques artistiques et sportives ?
  • suivre la progression de chacun grâce au livret personnel de compĂ©tences ?
  • faire des Ă©tudes surveillĂ©es et du tutorat ?

Puisque ce sont quelques-unes des pistes évoquées pour atteindre le niveau du socle.
Mais à l’évidence, elles sont trop floues et trop généralistes. Encore une fois, elles ne feront qu’alimenter la peur d’enseigner des professeurs qui ont besoin de recommandations plus pratiques et plus précises pour se rassurer et pour oser se lancer dans une pratique différente.
Comment faire progresser des capacités personnelles qui ont des racines psychologiques et éducatives, quand on a été à peine formé à la technique de transmission des savoirs disciplinaires ?
Cette mission paraît d’emblée illusoire à certains. Devant cette impossibilité, le plus simple est encore d’attaquer ce à quoi on n’a pas accès. C’est ainsi que l’on entend déjà dire, que les savoirs sont bradés, que nous entrons dans l’aire de la démagogie, que le livret de compétences est une “usine à cases”, que les professeurs ne sont pas des psychologues, etc.
Arrêtons avec ces critiques injustifiées qui empêchent encore une fois que se mettent en place des propositions cohérentes, exigeantes et utiles qui ont fait leur preuve dans d’autres pays européens qui nous devancent dans les classements internationaux.
[...] Il est possible de faire interagir la présentation des savoirs avec un souci de faire progresser (ou parfois de mettre en place), des attitudes, sans lesquelles il n’est pas envisageable d’aborder les contraintes de l’apprentissage avec les plus faibles.
Pour moi le plus logique est encore de partir des cinq besoins fondamentaux des empêchés de penser : être intéressé, être nourri, être entraîné à la réflexion, trouver du sens aux savoirs fondamentaux, être intégré au groupe. [...] En respectant ces besoins essentiels pour ceux qui habituellement ne trouvent pas leur place dans la classe, il n’y a que des bonnes choses à attendre, tant pour une transmission exigeante des connaissances que pour l’épanouissement de nos meilleurs élèves et la sérénité de nos écoles.

Roger Monjo : le socle commun, une nouvelle approche de l’obligation scolaire

Au-delĂ  des questions traditionnellement Ă©voquĂ©es (certes importantes) lorsqu’on dĂ©bat du socle commun (les destinataires du socle, la distinction du socle et du programme et la question de leur Ă©valuation, l’organisation scolaire Ă  promouvoir, …), il est une question qui me semble plus fondamentale encore car elle constitue une sorte de question prĂ©alable. Il s’agit, tout simplement, de la question de l’obligation scolaire. Une question, en effet, centrale dans la mesure oĂą le socle commun, cet ensemble de connaissances et de compĂ©tences que tout Ă©lève devra avoir acquis « Ă  l’issue de la scolaritĂ© obligatoire Â», a d’abord vocation, Ă  mes yeux, Ă  redonner du sens Ă  cette obligation.

Cette hypothèse de devoir, aujourd’hui, redonner du sens Ă  l’obligation scolaire peut paraĂ®tre incongrue au regard du consensus qui a toujours accompagnĂ© la rĂ©gulière augmentation de sa durĂ©e depuis son instauration : 13 ans au dĂ©but, 14 ans dans les annĂ©es 30, 16 ans depuis les annĂ©es 60, certains Ă©voquant mĂŞme, Ă  l’heure actuelle, la perspective de sa prolongation jusqu’à 18 ans. Pourtant, ce consensus me semble, aujourd’hui, objectivement fragilisĂ©.

La promesse d’une intĂ©gration rĂ©ussie Ă  la « communautĂ© des citoyens Â», en Ă©change d’une soumission prĂ©alable Ă  un dispositif de formation contraignant, a Ă©tĂ© au cĹ“ur de ce consensus. C’est prĂ©cisĂ©ment ce « deal Â» rĂ©publicain qui est devenu problĂ©matique. En distinguant l’obligation scolaire « lĂ©gale Â» (l’âge inscrit dans la loi) et l’obligation scolaire « rĂ©elle Â» (cet âge auquel il convient de sortir de l’école aujourd’hui pour pouvoir espĂ©rer une intĂ©gration sociale, professionnelle et politique rĂ©ussie, âge que mesure assez bien ce qu’il est convenu d’appeler « l’espĂ©rance de vie scolaire moyenne Â»), force est de constater que l’écart entre les deux n’a cessĂ© de se creuser durant les dernières dĂ©cennies. Longtemps, l’âge fixĂ© pour l’obligation scolaire a correspondu Ă  l’âge auquel une masse importante d’élèves sortait effectivement du système Ă©ducatif. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et un Ă©lève qui se contente de respecter strictement l’obligation scolaire est, le plus souvent, un Ă©lève en Ă©chec.

Comment, alors, continuer Ă  justifier l’obligation scolaire, s’il n’est plus possible d’invoquer le pacte rĂ©publicain des origines ?

La rĂ©ponse s’énoncerait ainsi : en renonçant Ă  interprĂ©ter cette obligation comme l’imposition d’une discipline en Ă©change de la promesse, de plus en plus difficile Ă  tenir, d’une insertion socioprofessionnelle, mais aussi politique, rĂ©ussie et en revenant Ă  sa signification première ou vĂ©ritable, anthropologique plus qu’historique. C’est-Ă -dire en l’interprĂ©tant comme une obligation qui pèse d’abord sur l’école, les Ă©ducateurs et, plus gĂ©nĂ©ralement, les adultes : l’obligation d’instruire et d’éduquer les nouvelles gĂ©nĂ©rations. Une obligation absolue mais, en mĂŞme temps, sans contrepartie vĂ©ritable, une sorte d’impĂ©ratif catĂ©gorique qui s’inscrit, au-delĂ  du droit, dans le registre de l’éthique. C’est prĂ©cisĂ©ment, me semble-t-il, le sens du socle commun, lorsqu’on l’interprète en terme d’obligation de rĂ©sultats.

On peut faire un parallèle entre la loi de 2005 et la loi de 2007 qui instaure le « droit au logement opposable Â». Or, on rĂ©alise aujourd’hui, au vu des difficultĂ©s rencontrĂ©es dans la mise en Ĺ“uvre de ce droit, la charge d’utopie dont il Ă©tait porteur. De telle sorte que certains (Alain Renaut, par exemple) propose de considĂ©rer ce droit davantage comme un droit moral que comme un droit strictement juridique. Un droit inconditionnel qui gĂ©nère un impĂ©ratif absolu pour celui qui a la charge de satisfaire ce droit, mais un droit sans vĂ©ritable recours, c’est-Ă -dire un recours qui pourrait dĂ©boucher sur une vĂ©ritable « sanction Â», du cĂ´tĂ© de celui qui en est titulaire.

La mĂŞme analyse vaut, me semble-t-il, pour le socle commun, entendu comme ce « droit opposable Â» qui permettrait de renouveler la signification de l’obligation scolaire comme obligation d’instruire et d’éduquer. Car, autant on sait sanctionner un Ă©lève (c’est-Ă -dire ses parents …) lorsqu’il ne respecte pas l’obligation scolaire, autant on ne saurait pas comment sanctionner un enseignant dès lors que l’obligation d’instruire dans laquelle il est n’a pas produit l’effet attendu, en l’occurrence la maĂ®trise par l’élève, Ă  l’issue de cette « scolaritĂ© obligatoire Â», du socle commun. On est donc bien, lĂ  aussi, dans l’ordre de l’exigence Ă©thique plus que de la contrainte juridique. Dans l’ordre de l’utopie, mais au sens oĂą une utopie peut ĂŞtre mobilisatrice. De telle sorte que l’expression « droit inconditionnel Â» serait sans doute plus pertinente que « droit opposable Â».

Je vois une deuxième consĂ©quence importante de cette interprĂ©tation du socle commun comme obligation de rĂ©sultats, entendue dans un sens Ă©thique plus que juridique : la rupture avec le ciblage « social Â» de l’obligation scolaire.

Ce qui lĂ©gitime fondamentalement le caractère obligatoire de l’école, c’est sa dimension commune. L’école ne peut ĂŞtre obligatoire que si elle est (et que tant qu’elle est) commune. Tant que l’école est obligatoire, toutes les opportunitĂ©s doivent rester ouvertes pour tous les Ă©lèves car ce sont des ĂŞtres en devenir. RĂ©ciproquement, le seul impĂ©ratif, la seule obligation vĂ©ritable qui pèse sur une telle Ă©cole, c’est prĂ©cisĂ©ment de produire du commun. Le « commun Â» au sens de l’ordinaire : une telle Ă©cole doit Ă©chapper Ă  la logique de l’excellence (qui implique compĂ©tition et sĂ©lection). Mais le commun au sens, aussi, de ce qui est partagĂ©. Cette perspective d’une mise en commun se situe au-delĂ  de l’opposition Ă  laquelle on rĂ©duit souvent le dĂ©bat aujourd’hui, en particulier Ă  propos du collège, l’opposition de la diffĂ©renciation, voire de l’individualisation et de l’homogĂ©nĂ©isation, voire de la standardisation. Il s’agit, en rĂ©alitĂ©, de rapprocher, de rassembler, de faire du lien, sans pour autant nier les diffĂ©rences. Au contraire mĂŞme, puisque ce sont prĂ©cisĂ©ment ces diffĂ©rences qui font la richesse de ce qui est partagĂ©, mis en commun. C’est pourquoi l’appellation « Ă©cole commune Â» me semble finalement prĂ©fĂ©rable Ă  l’appellation « Ă©cole unique Â».

Roger Monjo

Maître de Conférences en sciences de l’éducation

Université Montpellier3

 

 
 
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