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Relever le niveau mérite mieux qu’une vision passéiste et caricaturale de l’École
Article publié le jeudi 12 octobre 2023.
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Le jeudi 12 octobre, le ministre de l'éducation nationale Gabriel Attal était présent au Conseil Supérieur de l'Éducation. Le secrétaire général de l'UNSA éducation, Frédéric Marchand, s'est adressé à lui pour revenir sur les dernières déclarations ministérielles sur l'exigence et le niveau scolaire. Le texte de la déclaration dans cet article.

Monsieur le ministre,

Depuis cet été, vous avez fait de nombreuses annonces sur plusieurs sujets, qu’il s’agisse de la laïcité, de l’apprentissage de la lecture, de l’organisation des classes, de l’éducation à la citoyenneté ou encore de la lutte contre le harcèlement. Des sujets dont nous partageons évidemment le caractère essentiel. Pour autant, toutes ces annonces, dont la mise en œuvre prendra forcément plusieurs semaines, voire plusieurs mois, se rajoutent aux décisions déjà prises par vos prédécesseurs qui sont en cours de mise en œuvre, par exemple sur l’inclusion, sur l’attractivité des métiers, le lycée professionnel ou sur la mixité sociale. Et nous suivrons avec attention la mise en œuvre des annonces déjà faites sur ces sujets car la crédibilité de l’action publique et de la parole publique en dépend.

La multiplicité de ces chantiers met en tension l’ensemble du système éducatif, du haut vers le bas, notamment les personnels chargés de la mise en œuvre de priorités qui sont nombreuses. Une situation de tension, génératrice de mal-être pour les personnels, que nous dénonçons d’ailleurs depuis le début de la crise sanitaire. Sur cette question de tension et de rythme, le sujet de la lutte contre le harcèlement, qui devrait nous mettre tous dans une même dynamique, va à nouveau créer de la tension, car l’organisation de la journée du 9 novembre va être annoncée à moins d’une semaine des vacances scolaires.

Cette situation de tension est largement due au manque de continuité des politiques éducatives dans notre pays, où on ne laisse jamais de temps au temps pour mesurer l’efficacité des dispositifs et des réformes. Un système « top/down » très critiqué par les études internationales qui constatent depuis plusieurs décennies que seules les réformes éducatives appropriées par le terrain, dans une logique de projet, accompagnées en termes de formation, sont réellement efficaces.

Partout dans le monde, les gouvernements se demandent comment on peut améliorer les résultats scolaires. Les enquêtes internationales qui mesurent des indicateurs très précis, et bien-sûr incomplets, permettent de tirer un certain nombre de conclusions, mais pas forcément de choisir un modèle qui serait parfait.

En effet, certains pays, en Asie, notamment Singapour, obtiennent de bons résultats en misant sur une compétition ultra-sélective, sur l’apprentissage par répétition, sur la concentration des enseignements sur un petit nombre de disciplines dites fondamentales, qui font l’objet des évaluations internationales telles que PISA et TIMMS. Si cela marche très bien pour obtenir des bonnes places dans les classements, la recherche a bien étudié l’accroissement des inégalités induit par ce modèle. Des études à prendre en compte alors que vous venez récemment de communiquer sur l’exigence, la question du niveau scolaire ou encore sur les classes de niveau, dont plusieurs rapports du CNESCO ont souligné la logique délétère.

D’autres modèles éducatifs existent et sont en œuvre, notamment dans certaines provinces canadiennes et dans les pays d’Europe du Nord, où on développe une expertise pédagogique de pointe chez les enseignants, attractive pour les meilleurs étudiants, ce qui a un bon impact en termes de revalorisation sociale, et où le bien-être à l’école et l’inclusion sont placés au cœur des politiques éducatives. Les bons résultats aussi sont au rendez-vous dans les enquêtes internationales, et vous avez récemment mis en avant les bons résultats du Danemark contre le harcèlement.

Nous devons garder en tête ces comparaisons et leurs limites à l’heure où nous voulons définir la politique éducative de la France. Les moyens qui vont être engagés dans le projet de loi de finances pour 2024 sont certes arithmétiquement en augmentation, mais moindres pour l’éducation que pour l’armée, la justice et la sécurité intérieure. Pourtant, ici, nous voulons tous armer le système éducatif pour préparer l’avenir, et préparer l’adaptation de nos sociétés face aux crises, et notamment au changement climatique. Cet investissement, annoncé à la fin de l’année à travers une planification écologique, doit être plus visible sur le plan du budget, monsieur le ministre, et l’attractivité des métiers de l’éducation est une clé fondamentale pour y parvenir.

La politique Ă©ducative, c’est aussi un dĂ©bat dans la sociĂ©tĂ©, et nous sommes convaincus que le meilleur modèle Ă©ducatif n’est pas dans le passĂ©. Ni Guizot, ni Ferry, le meilleur est Ă  venir ! Pour relever le niveau scolaire, l’École ne peut pas tout, et les politiques Ă©ducatives doivent s’inscrire dans le temps long. Le dĂ©bat Ă©ducatif doit s’élever et c’est notre responsabilitĂ© Ă  toutes et tous, ici prĂ©sents, de ne plus le limiter Ă  la valeur du texte Ă  trous, quand on parle du premier budget de la nation.

Relever le niveau scolaire ne se mesure pas que quantitativement, il s’agit d’améliorer les conditions d’études et de travail au quotidien en facilitant la vie des différents acteurs de la réussite éducative, en respectant leur autonomie professionnelle, pour prévenir le décrochage et pour permettre à tous les enfants de réussir. Et ces objectifs, forcément, sont plus difficiles à mesurer par des évaluations standardisées.

Relever le niveau, cela passe d’ailleurs par l’engagement de tous les métiers de l’éducation et pas des seuls enseignants. Et cela devient difficile, alors que les applications numériques plantent et empêchent le travail des personnels administratifs. Que la pénurie de personnels sociaux et des personnels de santé devient dramatique. Que la charge de travail dans les corps et les métiers de l’encadrement, mesurée par notre baromètre annuel, est ressentie de plus en plus durement.

Relever le niveau, le rapport annuel de l’OCDE intitulĂ© « teachers matter Â» concluait en 2016 que cet objectif passait surtout par la qualitĂ© de l’enseignement, par une formation initiale et professionnelle de qualitĂ©, par la formation continue, par un travail d’équipe au sein des Ă©coles et des Ă©tablissements, autour de projets Ă©ducatifs globaux. Et pour cela, les collègues ont besoin de temps dĂ©gagĂ©, notamment par des moyens de remplacement. Des moyens que le Projet de loi de Finances 2024 ne prĂ©voit pas, alors qu’ils sont rĂ©duits Ă  peau de chagrin depuis de nombreuses annĂ©es, et nous le regrettons. Car opposer formation et enseignement, en refusant catĂ©goriquement des formations sur temps de travail, ne peut ĂŞtre que contreproductif pour notre système Ă©ducatif.

 

 

 
 
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