ParcourSup et ses enjeux syndicaux : un vrai parcours du combattant, tant du côté élève, professeur principal que du coté recruteur.
Le SE-Unsa vous livre 3 points de vue : celui d'un membre du comité de pilotage, d'une professeure principale de Terminale, et d'une enseignante de BTS recrutant les futur.e.s bachelier.e.s.
Fabien Gorszczyk, conseiller en orientation et enseignement supérieur à l’AEFE et responsable de Parcoursup pour les élèves français qui passent le bac à l’étranger et participant au comité de pilotage national de ParcourSup, répond à nos questions.
Quelques chiffres-clés
ParcourSup, c'est la quadrature du cercle : il s'agit d'essayer de loger un maximum d’élèves chaque année. Sa nouveauté par rapport à APB ? Progresser dans le nombre de choix et de possibilités puisqu'il contient l'intégralité de l’offre de l’enseignement supérieur français (en dehors des hors contrats qui n’entrent pas dans la procédure), ce qui représente 17 0000 orientations possibles.
Ajoutez à cela 1,3 millions de participants à la procédure (bacheliers + internationaux, réorientations possibles jusqu’à 24 ans), et vous avez un dispositif qui se révèle, pour tous, plus stressant encore que le bac. En effet, il représente 10 mois d’activité pour ceux qui gèrent ParcourSup.
Un calendrier contraint
Les dates communes rythment l'année, certaines plus angoissantes que d'autres, par exemple le 8 avril, remise des fiches-avenir pour les recommandations et la finalisation des dossiers.
En principe, les élèves font leurs voeux entre janvier et mars. En réalité, ils se mobilisent plutôt sur la fin du mois de mars.
A partir du 27 mai, les résultats tombent : les élèves doivent réagir de manière quotidienne pour interagir sur les voeux.Au début, les candidats les mieux classés vont détenir un nombre important de propositions qu’ils vont devoir léguer à d’autres élèves pour n’en conserver qu’une seule à la fin du processus.
On assiste donc, côté enseignant, à des moments de tension qui s’intercalent sur d’autres moments-clés de la scolarité, tels que les conseils de classe. Ce qui suppose un travail de suivi quasi quotidien de suivi depuis leur tableau de contrôle.
Une offre pléthorique
Les élèves peuvent formuler 7 à 10 voeux par catégorie. Parmi les voeux, certains cachent des dizaines de sous-voeux. On peut alors arriver à 120 ou 130 propositions à gérer à partir du mois de mai.
Côté collègue : un portail de gestion permet d'accompagner les voeux avec les Psy-EN. Mais le travail débute bien en amont : sur la phase de sélection, depuis le 8 avril, se déroule l'opération de classement des demandes.
En plus de cette procédure lourde, il existe des listes d’appels.
L'objectif de ParcourSup
La loi ORE (orientation et réussite des élèves qui instaure ParcourSup dans un cadre légal) a pour but de diminuer l’échec en licence, massif à l'université et notamment en 1re année non sélective.
Pour remplir cet objectif, les Universités ont été dotées en direction des élèves fragiles qui obtiennent un « oui, si », c’est-à-dire une proposition de licence plus longue, ou un accompagnement en méthodologie. On observe pour l’instant une meilleure réussite de L1 vers L2, à voir si cette tendance s'inscrit dans la durée.
Et côté recruteur ?
Ils ont désormais obligation de détailler les modalités de recrutement des élèves. Chaque établissement doit également faire un procès verbal d’admission. Cela alourdit la procédure mais permet que chaque usager puisse porter un recours pour savoir pourquoi il n’a pas été classé ou reconnu.
Dans les starting blocks
ParcourSup est devenu un job qui mobilise 30% du temps de cerveau disponible pour les futurs bacheliers, poussés à faire leur tri de manière très rapide pour libérer des places.
D’un point de vue global, les très bons élèves vont truster toutes les offres de formation. Quand ils refusent, par principe de cascades, les offres vont rejaillir sur les autres.
Après une première phase qui s'achève en juin, les élèves peuvent recandidater.
Pour les plus malchanceux qui n'obtiendraient pas de proposition de ParcourSup est déclenchée la commission académique
Parmi ceux qui éprouvent des difficultés, on note les élèves de la voie pro ou techno qui subissent le système de quota. Par exemple, les IUT devraient recruter 50% des élèves de la voie techno....normalement.
Témoignage : moi, prof principale de Terminale
Christine Moine-Uiber nous offre son point de vue de PP de Terminale.
Il y a 4 temps du PP.
En défintitive, il s'agit d'une mission très mal reconnue pour laquelle aucun temps n'est accordé puisque les 54h prévues au BO ne sont jamais données car non financées dans les DGH. Il en résulte que ces heures sont prises sur les cours. Il est par conséquent impossible de remplir ces missions correctement : finir son programme et accompagner l'élève dans son parcours d'orientation.
Son point de vue côté recrutement
L’arme fatale de la sélectivité : l'open data de l'enseignement supérieur qui fournit des données de recrutement de chacun des établissements.
https://data.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pages/parcoursupdata/?disjunctive.fili
Ce site permet de réaliser qu’il y a 400 places pour 14 000 candidats à Henry IV par exemple...
Le mode de recrutement peut se faire de plusieurs manières :
Chaque établissement a ses critères de recrutement. Encore une fois, on invite les élèves à aller à la rencontre des équipes éducatives. Dans l'établissement de Christine, 70 places sont disponibles sur leur BTS NDRC (négo digitale relation client) avec plus de 2000 dossiers. Ils font le choix d’étudier tous les dossiers. Chaque enseignant met une note qualitative, une quantitative. 250 dossiers par collègue à noter en 10 jours, alors que ces mêmes enseignants font passer les CCF sur cette période. CCF le jour...ParcourSup le soir...et les week-ends !
Au-delà de la liste principale de 100 dossiers, une liste complémentaire de 400 dossiers est montée pour doter les 70 places. En effet, entre ceux qu’ils aimeraient pouvoir recruter et ceux qui choisiront réellement la filière, il y a un monde : les bons élèves sont pris partout.
L’avis du SE-Unsa
Pour le SE-Unsa, la création du statut de professeur référent pourrait aboutir à une régression possible car à moyen constant, un PRE pourrait être amené à faire le travail complet de PP avec une Isoe moindre.
On est loin de la revalorisation attendue et demandée par les professeurs, portée par le SE-Unsa. C’est une pomme de discorde potentielle, alors que l’apaisement s’impose avec la mise en œuvre compliquée de la réforme du lycée. Le ministère tente de rassurer en précisant que rien n’oblige à adopter ce dispositif basé sur le volontariat et dont le principe devra faire l’objet d’un vote en Conseil d’administration.
Le SE-Unsa, avec d’autres organisations syndicales, s’est opposé à ce texte. Mais malgré un rejet massif de ce texte par le Conseil supérieur de l’Éducation, le ministère persiste et s’entête en appliquant le décret dès la rentrée 2021.
Par ailleurs, un nouveau décret Isoe sera présenté prochainement aux organisations syndicales.
Le SE-Unsa, favorable à la création de cette nouvelle fonction, ne peut que déplorer une nouvelle occasion manquée de revaloriser l’engagement des professeurs dans le suivi individuel et collectif des élèves.