Le plan de lutte contre le harcèlement présenté par la première ministre et le ministre de l’Éducation nationale s’appuie sur 3 axes : prévention, détection et sanction. Ce plan de grande ampleur est ambitieux et repose sur l’action conjointe de plusieurs ministères. Sa réussite, que nous appelons de nos vœux, nécessitera des moyens, de la cohésion et une implication de tous les acteurs sur le temps long, à l’École et à l’extérieur de celle-ci. Plus que du harcèlement scolaire, il s’agit de harcèlement entre élèves dans les différentes sphères de leur jeune vie, pas seulement à l’École.
Prévenir, c’est la clé
La prévention contre le harcèlement débutera dès l’école maternelle par des apprentissages autour de l’empathie. Plus que des cours avec des horaires définis et de nouveaux programmes, les personnels ont besoin d’outils complémentaires à ce qu’ils font déjà. L’utilisation de la méthode danoise pour développer l’empathie, parce qu’elle a fait ses preuves, est une entrée intéressante.
La poursuite et le renforcement du dispositif pHARe, va dans le bon sens. Cependant, il conviendra de dresser un premier bilan cette année. En fonction des retours d’expérience, le dispositif devra pouvoir être enrichi et modifié pour s’adapter aux besoins réels des écoles et des établissements. L’employeur devra aussi être en mesure de rassurer les collègues pour lesquels les responsabilités que ce dispositif confère sont parfois un frein à leur engagement plein et entier.
Enfin le questionnaire (du CE2 à la terminale) destiné à identifier les signaux faibles est un outil supplémentaire. Pour le SE-Unsa, afin que la parole soit libre, il faudra le rendre anonyme. Par ailleurs, son organisation devra être pensée pour ne pas reposer sur quelques personnels mais bien partagée par tous. De même, l’ambition de ce questionnaire ne doit pas être de produire des statistiques lourdes en gestion, chronophages et dénuées de sens mais bien d’identifier les élèves en souffrance.
Avoir du personnel en nombre et formé, c’est primordial
Pour lutter efficacement contre le harcèlement à l’École, il faut surtout des équipes pluridisciplinaires en nombre suffisant : enseignants, psychologues, CPE, AED, AESH, infirmières etc… Ces personnels doivent être formés, confortés dans leur mission et soutenus face à des situations complexes qui tendent les rapports avec les familles. Le SE-Unsa demande également que des assistants d’éducation en charge de missions d’appui pédagogiques et éducatives soient affectés dans les écoles.
Le ministère doit engager un plan de formation de l’ensemble de la communauté éducative, avec comme premier objet la définition pénale du harcèlement, seule à même de se comprendre. La formation des familles est aussi primordiale.
Pour le SE-Unsa, la nécessaire formation pour accompagner le plan de lutte contre le harcèlement doit se faire sur le temps de service des personnels.
Le temps médiatique n’est pas le temps de l’École
Le ministre, habile communicant, cible les familles et l’opinion publique avant de défendre le travail déjà fait par les personnels de son ministère. Il se réjouit que la parole soit libérée, qu’il y ait un tsunami de témoignages ou que la peur change de camp. Ce vocabulaire, parfois guerrier, est certes volontariste mais aussi très simpliste.
Pour le SE-Unsa, ce n’est pas d’un électrochoc porteur de lésions dont les milieux scolaires ont besoin. Tous les enseignants, CPE, PsyEN, AED, AESH en responsabilité au quotidien doivent pouvoir bénéficier d’un temps réfléchi et grave d’appropriation d’outils de réparation. Les situations de harcèlement sont toujours complexes et les élèves, harcelés ou harceleurs, doivent tous être pris en charge pour que cela cesse.
S’il n’est pas question de remettre en cause la parole de l’élève, un travail sérieux d’identification de faits pénalement caractérisés est nécessaire et cette responsabilité ne peut pas incomber aux seules équipes des écoles et des établissements.
Pour le SE-Unsa, la mobilisation autour de la lutte contre le harcèlement était attendue après la multiplication des drames et des souffrances subies par les victimes du harcèlement et leurs familles. Sa mise en œuvre devra se faire avec les personnels, sans précipitation et avec rigueur. Le temps médiatique, quelle que soit l’urgence, n’est pas le temps de l’École. Si ce plan devait être prioritaire pour le ministre, alors il faudra déprioriser d’autres plans et actions jusque-là présentés comme tel. Pour le SE-Unsa, l’École ne peut pas et ne doit pas « faire » toute seule.