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La loi du 15 mars 2004 « sur le port des signes religieux ostensibles dans les établissements d’enseignement publics » a pacifié l’école publique après des années de tensions communautaires. Même si elle est encore aujourd’hui remise en question, certains demandent qu’on étende son application hors du champ de l’école obligatoire.
Quinze ans de débats pour aboutir à une loi de consensus
Point de départ emblématique, l’exclusion de trois jeunes filles voilées d’un collège de Creil en 1989 allume un débat enflammé entre les défenseurs du droit à la scolarité et les partisans du principe constitutionnel de laïcité.
En l’état du droit, le Conseil d’Etat, saisi par Lionel Jospin, estime que le port de signes religieux n'est « pas en soi incompatible avec la laïcité », sauf en cas de prosélytisme. La question est finalement résolue par la discussion et l’intervention du roi du Maroc ! Les élèves sont réintégrées, mais le problème reste entier.
En 1994, une circulaire de François Bayrou ravive les braises en proscrivant les « signes ostentatoires » à l’école. Les conseils de discipline se multiplient, mais les chefs d’établissement ont l’impression d’être livrés à eux même par une administration qui ne veut pas faire de vagues.
La montée des tensions communautaires, avec la seconde intifada puis les évènements du 11 septembre 2001, rend la nécessité d’une loi encore plus impérieuse.
Le SE-Unsa et sa fédération militent en ce sens. L’Unsa Education défend le principe lois applicables à tous, qui établissent des règles claires, accessibles à tous, compréhensibles par tous, car les libertés fondamentales ne peuvent pas se gérer au cas par cas. L’Unsa Education considère en effet que « dans une République démocratique, la loi est le seul rapport de force qui permette de mettre les institutions et les agents à l’abri des groupes de pressions. »
Le 11 décembre 2003, outre la demande d’une loi sur les signes religieux à l’école, la commission Stasi recommande l’enseignement accru de la laïcité et de la religion à l’école, l’intransigeance face à ceux qui veulent modifier les programmes scolaires, l’incorporation des fêtes religieuses non chrétiennes dans le calendrier des jours de congés scolaires.
Pendant les travaux parlementaires, des manifestations pro ou anti-loi se multiplient, mais la loi est finalement votée par 93% des députés, toutes tendances politiques confondues.
Une efficacité indéniable
Dans son rapport d’étape de juin 2013, l’Observatoire de la laïcité constate l’efficacité de la loi du 15 mars 2004 (p76 à 84).
La loi entend aider au respect de l’ordre dans les établissements scolaires, mais aussi (et surtout) elle vise à protéger les droits et libertés des élèves en respect du principe de laïcité. L’interdiction des signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse permet en effet de réduire les pressions qui peuvent s’exercer sur eux pour les contraindre à porter des tenues qui les identifient d’abord par leur appartenance religieuse.
L’effet est immédiat. En 2004-2005, les signalements diminuent de moitié par rapport à l’année précédente. Sur 639 cas, 96 élèves ont choisi un autre mode de scolarisation, 47 ont été exclus. Dans la grande majorité des cas, la phase de dialogue obligatoire instaurée par la loi a permis de résoudre la situation, de même que l’autorisation de porter des signes religieux discrets.
Depuis la rentrée 2008-2009, aucun recours n’a été formé contre une décision d’exclusion liée à l’application de la loi du 15 mars 2004. En 2012-2013, il n’y a eu aucun conseil de discipline pour ce motif.
Selon l’historien Patrick Weil, « la loi de 2004 gêne les filles qui veulent porter le voile mais elles ont une option: le privé. Elle n'est pas parfaite, mais pragmatiquement ça a fonctionné en empêchant les pressions sur les musulmanes non voilées ». (source AFP)
Seul bémol, la question des élèves sikhs pour qui le port du turban pose problème.
Une loi sans cesse combattue
Cela n’empêche pas les opposants de demander l’abrogation de la loi inlassablement. Ainsi, le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) appelle-t-il à manifester ce week-end à Paris et à Marseille.
La réaction immédiate suscitée par la simple suggestion d’un retour en arrière dans un rapport paru en décembre dernier souligne bien que la loi est entrée dans les mœurs et qu’elle répondait à une attente.
Les recours contre la loi en Conseil d’Etat et devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont pour l’instant échoué. Dans ces affaires, la CEDH a considéré que l’interdiction du port de signes religieux poursuivait le but légitime de protection des droits et libertés d’autrui et de l’ordre public. Elle a également relevé que les élèves avaient eu la possibilité de poursuivre leur scolarité au sein d’autres établissements ou par correspondance. Dans ces conditions et compte tenu de la marge d’appréciation qu’il convient de laisser à l’État dans ce domaine, la Cour a considéré que les sanctions d’exclusion définitive prononcées étaient justifiées et proportionnées à l’objectif visé et qu’aucune violation des articles 9 et 14 de la Convention n’étaient caractérisée en l’espèce.
Des questions qui restent en suspens
Cela dit, la loi ne résout pas tout. La question du port des signes religieux se pose encore :
- pour les parents accompagnateurs de sorties scolaires (voir notre article)
- pour les parents élus au conseil d’école ou d’administration
- pour les étudiants à l’université
- pour les stagiaires de GRETA lorsque leurs formations sont dispensés dans des établissements du second degré
- pour les salariés travaillant dans le milieu de la petite enfance (affaire Baby Loup)
Dans les champs qui le concernent, le SE-Unsa continue à lutter pour que la liberté des uns ne porte pas atteinte à celle des autres, ni à la mixité et à l’égalité entre les femmes et les hommes.