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SE-UNSA 51


 Par SE-UNSA 51

Rapport de la Cour des Comptes sur la mastérisation : un camouflet cinglant

 

La Cour des comptes vient de rendre public un rapport particulièrement féroce sur la mastérisation. La Cour des comptes reprend la quasi intégralité des reproches et constats que le SE-Unsa et l’Unsa éducation ont faits depuis la conception de cette réforme. Il pointe de manière quasi clinique et fort argumentée, les défauts originels de la mastérisation.

Sur 38 pages s’égrènent toutes les raisons pour lesquelles cette réforme a produit une infinité de dégâts. Les carences et faux semblants sont portés noir sur blanc par une juridiction peu habituée à faire du sentiment.

 

Ci-dessous l’analyse du SE-UNSA et le rapport complet de la Cour des comptes.

 

Rapport de la Cour des Comptes sur la mastérisation : un camouflet cinglant

 

C’est un rapport dévastateur mais ô combien lucide que fait la Cour des Comptes. Elle s’est penchée sur les effets déclarés ou induits de la « brillante » » réforme de la formation des enseignants, autrement dit la mastérisation Darcos.

Les Sages de la rue Cambon n’y vont pas par quatre chemins : « son application accélérée a entraîné de nombreux dysfonctionnements pour une partie des stagiaires… cette réforme aurait justifié une réflexion plus approfondie, »

 

Un chiffrage incomplet des économies et des coûts

Contrairement à la vulgate, les économies engendrées sont loin d’être aussi conséquentes. Ainsi, n’ont pas été évalués des coûts additionnels sur des données pourtant essentielles :

  • allongement des études d’une ou deux années pour des dizaines de milliers d’étudiants,  pour un coût annuel moyen par étudiant de 10220€
  • impact de cet allongement sur le coût global des bourses de l’enseignement supérieur
  • coût des deux-tiers d’étudiants en master « Métiers de l’enseignement » qui échouent aux concours et doivent se réorienter pour de nouvelles études.

 

Un vivier de recrutement en baisse

Le rapport indique une accélération de l’évolution à la baisse, enregistrée depuis plusieurs années, du nombre de candidats présents aux épreuves du concours. Il l’explique aisément car « La mastérisation  ne pouvait, en raison de l’augmentation du niveau de diplôme requis, que se traduire, de façon inévitable, par une plus grande difficulté à trouver les profils adéquats ».

Cela aurait donc dû conduire à une réflexion en amont, notamment sur le moment  où on plaçait les concours. Hélas « cette démarche souhaitable n’a pas été engagée ».

 

Les conditions de la prise de fonction devant les élèves n’ont pas non plus fait l’objet d’une attention suffisante.

Ainsi, « le choix d’une mise en œuvre rapide de la mastérisation a été à l’origine d’une grande partie des difficultés constatées au cours de sa première année d’application“

« Des stagiaires affectés sur plusieurs établissements, …éloignés de leur tuteur,… héritant d’emplois du temps conçus pour des professeurs expérimentés, répartis entre de nombreux niveaux, comprenant des heures supplémentaires ou bien concentrés sur des créneaux horaires considérés comme plus difficiles, par exemple en fin de journée. » N’en jetez plus, la cour est pleine !

 

Une formation écartelée

La Cour pointe sans coup férir le paradoxe épuisant de la formation de ces jeunes collègues qui, au lieu d’être un peu préservés, se retrouvent avec une charge de travail disproportionnée : « Les enseignants stagiaires ont donc désormais une charge horaire supérieure d’un tiers par rapport au temps de travail d’un professeur titulaire. »

Si la Cour aborde  le tutorat, elle mentionne qu’ « il suppose toutefois une vigilance particulière dans le choix des tuteurs et dans le suivi des acquis des stagiaires ».

Par contre, elle met également en lumière le rôle extrêmement positif des PEMF (Professeurs des Ecoles Maîtres Formateurs)  dans la formation des stagiaires du premier degré. En creux, elle déplore tout autant leur absence dans le second degré.

 

Les rapporteurs s’attardent sur le manque de suivi du processus et de ses conséquences, pointant que «le ministère ne s’est pas doté d’instruments précis lui permettant de s’assurer de l’efficacité du tutorat… n’est pas non plus en mesure de s’assurer de l’adéquation des formations dispensées pendant la première année aux besoins des enseignants stagiaires. »

Il résulte de cela un «défaut d’articulation avec les objectifs de l’enseignement scolaire ». La mise en cohérence des missions de formation initiale dévolue aux universités et de formation continuée ressortissant de l’Education nationale, n’est pas «pleinement assurée ».

 

Ainsi, on est bien loin des objectifs de mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences. Au passage, le rapport pointe la séparation entre les concours des premier et second degrés, notamment dans leur préparation.

Pire, « en contradiction avec la notion de socle commun de connaissances et de compétences, aucune réflexion n’a été engagée au niveau national pour mettre en place des maquettes de formation initiale communes pour l’enseignement primaire et le collège. »

 

Ce rapport, à mettre en parallèle avec les enquêtes du SE-Unsa et le rapport Jolion en 2011, (dont les constats corroboraient ceux de la Cour des Comptes) offre un singulier contraste avec celui de la DGRH établi en décembre 2010. Le côté surréaliste et partisan de ce dernier montre bien la mauvaise foi dont on fait preuve au ministère sur ce dossier.

 

Il est plus que temps, désormais, de reconstruire la formation professionnelle des enseignants et des personnels d’éducation, socle indispensable à une refondation de l’École de la République.