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Service MINIMUM d’accueil : le SE-UNSA vote contre au CTPM du 4 juin
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CTPM DU 4 JUIN 2008
 
 
AVIS SUR LE PROJET DE LOI INSTITUANT UN DROIT D’ACCUEIL POUR LES ELEVES DES ECOLES PRIMAIRES PUBLIQUES
SUR LE TEMPS SCOLAIRE OBLIGATOIRE
 
 
 
INTERVENTION DE LUC BERILLE AU TITRE DU SE-UNSA
 
 
 
 
Le CTPM est saisi d’un texte tout de même très particulier. Je sais bien que ce que nous avons entre les mains est intitulé « projet de loi » mais nous savons tous ici qu’au-delà du titre, il constitue en réalité un objet très singulier qui s’appelle un coup politique. Autant dire que sa rédaction ne doit pas grand chose à une réflexion éducative. Il sort en fait tout droit de besoins d’affirmation du pouvoir dans un moment politique compliqué, croisés à des sondages attestant qu’on y trouverait une certaine popularité dans le grand public..
 
Voila donc pourquoi ce projet se retrouve inscrit aujourd’hui à l’ordre du jour de notre CTPM. Le fait qu’il concerne 5 millions et demi d’élèves et leurs familles, 22 000 communes ayant une ou plusieurs écoles publiques sur leur territoire ainsi que leurs fonctionnaires territoriaux, et de l’ordre de 330 000 enseignants du 1er degré aurait dû pousser à le mettre au moins en concertation préalable. Le ministre de l’Education nationale l’avait d’ailleurs annoncée au soir du 24 janvier, expliquant que seul son échec éventuel justifierait un recours à la loi. D’échec il n’y a pas eu puisque, en 4 mois, le ministre n’a pas trouvé un moment pour organiser une quelconque concertation mais nous constatons aujourd’hui, par contre, qu’il y a tout de même une loi, par la grâce d’une intervention télévisée du président de la République décidée un soir de manifestation et de grève.
 
Comme il faut encore légalement consulter le CTPM, et puisque, du coup, c’est le seul lieu où nous pourrons donner un avis, je vais prendre tout le temps nécessaire pour le faire au nom du SE-UNSA.
 
Comment s’étonner tout d’abord si la forme de ce texte se ressent des conditions précipitées dans lesquelles il a visiblement été rédigé ? Certes, un coup politique réussi se pratique avec vitesse mais on voit dans le projet, qu’une fois l’annonce lâchée, les petites mains qui devaient exécuter la commande ont parfois eu bien du mal. Du coup, la confusion juridique est la première marque évidente de ce travail d’exécution rapide. Le titre même de la loi en constitue une première illustration : on y proclame un « droit à l’accueil ». Un droit, c’est fort, c’est une notion universelle qui pourrait même être opposable. Mais sous ce titre ronflant, on trouve en fait un texte où il n’est question de droit dans aucun article, l’article 1 créant plus modestement un service d’accueil. Ca fait tout de même un peu tromperie sur la marchandise.
 
Mais il faut lire l’exposé des motifs pour constater que la pratique du mêli-mêlo juridique y fait des ravages., ce qui est tout de même le comble lorsqu’on prétend rédiger rien de moins qu’une loi. On y mélange allègrement droit, liberté et devoir, quitte d’ailleurs à ce que ce qui était évoqué comme un droit à un endroit devienne une liberté trois lignes plus loin. Dans cette lancée, pourquoi se priver de créer, pour l’occasion, un droit nouveau comme ce « droit d’étudier » qui apparaît au détour d’une phrase. On n’hésitera pas non plus à user de la catégorie du devoir moral, dans laquelle les collectionneurs de curiosités juridiques rangeront sans doute ce bizarre « devoir de travailler » que j’ai repéré, antithèse sans doute de la paresse, premier des péchés capitaux, dont on comprendrait mal qu’il puisse entrer dans les attendus d’une loi de la République.
 
Mais il est vrai qu’un exposé des motifs n’a pas valeur légale, aussi tournons-nous vers les différents articles du projet de loi. Or, eux aussi se ressentent d’une rédaction faite dans l’urgence.
 
L’article 1, qui crée, dans son 2ème alinéa, un service d’accueil et non un droit à l’accueil, contient, de ce point de vue, une formulation très grave. Quand ce service d’accueil doit-il bénéficier à, je cite, « tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique » ? L’article 1 répond : « sauf motif imprévisible, lorsque les enseignements ne peuvent être dispensés ». Les mots ayant un sens, et la loi leur conférant une force contraignante, cela signifie que toute interruption de l’enseignement pour un motif prévisible déclenche, pour les élèves, le bénéfice du service d’accueil. L’article 3 du projet de loi explicite que, lorsque cette interruption de l’enseignement découle d’une grève, l’organisation du service d’accueil est de la responsabilité de la municipalité. Mais dans tous les autres cas prévisibles d’interruption de l’enseignement, je pense à certains congés maladie, aux congés maternité, aux absences dues à une convocation régulière, un ordre de mission, etc…, l’article 1 induit que le service d’accueil se déclenche aussi. Et puisqu’il s’agit d’interruption sur temps scolaire et qu’aucun article de la loi ne dit le contraire, ce service d’accueil ne peut relever que de la responsabilité de l’Education nationale. Cette rédaction, si elle devait rester en l’état, serait une régression considérable puisqu’elle délierait l’Education nationale du principe de continuité du service public d’Education qui lui impose de remplacer une enseignant absent par un autre enseignant, et cela au profit de la mise en place d’un simple service d’accueil.
 
Le comble est du reste que cette rédaction, inacceptable quant à ses effets, se double d’une absurdité totale. En effet, le service d’accueil étant réservé aux interruptions d’enseignement prévisibles, il faut en déduire que les élèves n’en bénéficieront pas lorsque les motifs sont imprévisibles. Concrètement, pas de chance pour les élèves d’un professeur des écoles renversé par une voiture en traversant la rue pour se rendre à son école, motif imprévisible s’il en est. Si, malheureusement, il est acquis qu’une interruption de l’enseignement découlera de l’accident, son caractère imprévisible fermera les portes du service d’accueil pour les élèves. Comme quoi Ubu n’est pas seulement roi, il peut aussi gagner ses galons de législateur !
 
J’en viens à nos remarques sur l’article 2. Mis à part son IV créant une obligation individuelle de se signaler potentiellement gréviste 48 H avant, quel rapport a cet article avec l’objet affiché de la loi ? Il est en effet tout entier consacré à un encadrement de l’exercice du droit de grève pour les seuls 330 000 enseignants du premier degré qui n’a rien à voir avec le service d’accueil. Nos rédacteurs ont eu de la chance puisqu’ils ont pu recourir aux procédés électroniques du « copier-coller ». Cette partie de la loi concernant les écoles primaires publiques est en effet une copie des dispositions de la loi sur le service minimum dans les transports publics. Une copie pas tout à fait conforme au demeurant et ce n’est pas forcément heureux. Ainsi au I) il vaudrait mieux évoquer, à l’identique de la loi sur les transports, « le dépôt du pré-avis de grève par une organisation représentative » et non par « des organisations représentatives ». De même, au 2) du II, mieux vaudrait écrire que « l’Etat est tenu de réunir la ou les organisations syndicales » plutôt que « l’Etat réunit les organisations syndicales ».
 
Mais, au-delà de ces remarques de détail, mais qui ont leur importance, on ne peut que s’interroger sur le caractère opérationnel de cette transposition à l’identique des entreprises de transport public vers les écoles primaires publiques. Dans un cas, avec la SNCF ou la RATP, on a affaire à des entreprises fortement charpentées et très centralisées. Dans l’autre cas, une extrême décentralisation est, au contraire, la caractéristique première. Il en découle que les conflits possibles peuvent intervenir à des niveaux très différents et face à des autorités multiples. Peut-on sérieusement considérer que le très lourd encadrement de l’exercice du droit de grève avec ce calque du dispositif d’alerte social importé des transports doit valoir aussi bien pour une grève dans un village de 800 habitants face à un maire irascible ou en réaction à un phénomène de violence local que dans un conflit national impliquant des centaines de milliers d’enseignants face à un ministre ? Nous ne sommes pas opposés, à l’UNSA, à un dispositif d’alerte social comportant une réelle obligation de négocier avant le déclenchement effectif d’un conflit mais la généralisation à toutes les situations et tous les niveaux nous paraît excessive et surtout inefficace. Je rappelle en effet que l’exercice du droit de grève est aujourd’hui encadré par le Code du Travail et que le présent projet de loi n’interdit pas de continuer à s’y référer.
 
J’aurais par ailleurs une question à poser concernant la notion d’organisations syndicales représentatives des personnels enseignants du 1er degré qui est utilisée dans le I de l’article 2. Compte-tenu des nouvelles dispositions Fonction publique qui découleront de l’accord sur la représentativité qui vient d’être ratifié par le ministre et 6 fédérations de fonctionnaires et devraient faire de la représentation en CTP l’instrument de mesure de la représentativité, comment sera appréciée cette représentativité dans le 1er degré, dont on comprend qu’elle peut être une condition pour pouvoir y déposer un éventuel préavis de grève ?
 
Enfin, je terminerai sur l’article 2 en évoquant son IV. Je voudrais dire ici notre désaccord avec l’obligation de se déclarer individuellement gréviste potentiel 48 H avant. Nous y voyons tout d’abord une possibilité de pression de l’administration sur les collègues quant à l’exercice d’un droit constitutionnel qui leur est reconnu individuellement et ne devrait donc relever strictement que de leur libre arbitre. Nous constatons aussi que cette obligation nouvelle pour les enseignants du 1er degré en cas de grève est totalement unilatérale. L’Etat-employeur, lui, ne se voit imposer aucune contrainte dans cette période de 48 H et notamment, en ces temps, de totale inégalité d’accès aux média, il se ménage toute possibilité d’agir à sa guise alors que ses agents eux, seront sous contrainte. Nous nous interrogeons également sur la garantie d’anonymat des renseignements fournis. La communication du nombre et non des identités des grévistes potentiels n’est en effet pas suffisamment protectrice, et notamment dans toutes les communes comportant de petites écoles et donc un nombre d’enseignants réduit qui fera que le nombre indiquera automatiquement le nom.
 
Je voudrais terminer sur les articles 3, 4 et 5. Ils concernent au premier chef les collectivités locales sur lesquelles pèsera la très lourde charge d’organiser ce service d’accueil en cas de grève, dès lors que 10 % des enseignants de la commune se seraient déclarés grévistes potentiels. Compte-tenu des moyennes de participation aux mouvements de grève dans le 1er degré, le seuil de 10 % signifie que le service d’accueil devra être organisé quasi systématiquement dans l’écrasante majorité des 22 000 communes disposant d’une ou plusieurs écoles publiques, et ce quelle que soit leur taille, leurs ressources financières, et le nombre et la qualité de leurs fonctionnaires territoriaux.
 
Plusieurs questions sont posées par les élus municipaux eux-mêmes concernant l’engagement de leur responsabilité civile et pénale dans cette opération. Elles sont d’autant plus motivées que les élus savent que le service d’accueil qui leur incomberait tomberait sous la coupe de la réglementation Jeunesse et Sports qui s’applique à toute activité éducative sans hébergement et impose à la fois le recours à des personnels qualifiés titulaires d’un BAFA ou d’équivalents précis, et des normes d’encadrement tout aussi précises selon les tranches d’âge d’enfants à accueillir. Serait-il possible de connaître la teneur de l’amendement gouvernemental que le ministre a promis sur ce point lors d’une récente séance de questions à l’assemblée nationale ? La solution juridique, dont nous ne voulons surtout pas douter qu’elle sera trouvée, est en effet très intéressante à suivre pour nous puisqu’elle devrait parvenir à délier de ses responsabilités une autorité publique à laquelle la loi confie pourtant sans ambiguïté la compétence d’organisation. Ce serait une première en matière de régime de responsabilité, qui pourrait avoir des effets boules de neige dans de nombreux domaines.
 
Nous souhaiterions également une réponse précise quant aux bonnes conditions d’exercice de la responsabilité des enseignants non grévistes à l’égard des élèves qui leur sont confiés, dans le cas explicitement prévus par le dernier alinéa de l’article 3 où ils devraient cohabiter dans les mêmes locaux scolaires avec des personnels municipaux en charge des enfants dont les enseignants sont grévistes. Nous avons enfin, sur ce même alinéa, une autre remarque à formuler. Même si elle est insérée dans un article circonstancié, sa rédaction nous paraît générale et pouvoir susciter du coup une interprétation très large valable au-delà des circonstances de grève. Dans ces conditions, ne viendra-t-elle pas heurter, voire se substituer aux dispositions de l’article L 212-15 du Code de l’Education qui interdit précisément l’utilisation des locaux scolaires pendant le temps scolaire ?
 

Voila, j’en ai terminé avec les remarques que nous voulions formuler sur ce projet imposé à la hussarde. Dois-je préciser que nous voterons contre lorsque le CTPM devra faire valoir son avis ? Je vous remercie de votre attention.

 
Les autres organisations syndicales (FSU, SGEN-CFDT, CGT et SUD) ont fait le choix de ne pas participer aux travaux du CTPM. Nous, nous avons fait le choix d’y participer.Pourquoi ? Devant la seule instance où nous avions la possibilité d’exprimer notre position face au ministère (les travaux étaient présidés par le Directeur de cabinet du ministre), nous avons considéré qu’il était de notre responsabilité syndicale de dénoncer les aspects inacceptables de ce texte affaiblissant le droit de grève, notamment par la déclaration préalable de 48 heures, et d’aller jusqu’au bout de notre expression en votant clairement contre le projet de loi.
 
Notre intervention a aussi permis de pointer dans le détail les questions pratiques mais aussi juridiques qui sont posées, notamment en terme d’organisations de ce service d’accueil et de responsabilité des enseignants. (Voir le détail des points développés dans l‘intervention de Luc Bérille)
 
Sont aussi restés pour participer aux débats : FO et la CSEN.
 
Résultats des votes : POUR 41 (Administration + CSEN)
 CONTRE 6 (UNSA Education + FO) 

 

 
 
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