Article publié le lundi 6 novembre 2023.
Gabriel Attal a annoncĂ© le 5 octobre dernier la crĂ©ation dâune mission « Exigence des savoirs ». Cette mission a huit semaines pour rendre un rapport sur les rĂ©formes pĂ©dagogiques Ă envisager afin dâĂ©lever le niveau des Ă©lĂšves. Ă la base de la mission, se trouve une consultation des personnels (sans les CPE ni les PsyEN) sous la forme dâun questionnaire en ligne. Pour le SE-Unsa, le ministre est hors sujet.
Hors sujet sur le fond
Le titre mĂȘme de la mission montre une vue restrictive et rĂ©trograde de ce que lâĂcole doit enseigner et apporter aux Ă©lĂšves. Les savoirs, formule rĂ©pĂ©tĂ©e comme un mantra par notre ministre, seraient Ă eux seuls la solution pour aboutir Ă lâambition affichĂ©e : accroĂźtre le niveau des Ă©lĂšves de la maternelle au lycĂ©e. Comment un ministre, en 2023, peut-il encore croire que des savoirs seuls, sans savoir-faire ni savoir-ĂȘtre, permettraient Ă nos Ă©lĂšves de rĂ©ussir dans un monde de plus en plus complexe. Quel employeur, y compris lâĂtat, recrutera dans les annĂ©es Ă venir des jeunes nâayant que des savoirs dont ils ne seraient que faire parce que lâĂcole les auraient gavĂ©s de connaissances toujours plus nombreuses.
Par ailleurs, il suffit de remplir le questionnaire en ligne pour dĂ©nicher lâautre supercherie de fond. En effet, toutes les questions sont biaisĂ©es et orientĂ©es dans le sens de ce que le ministĂšre a prĂ©parĂ© et annoncĂ© lors du lancement de la mission : le manuel unique Ă lâĂ©cole Ă©lĂ©mentaire, la remise en cause des cycles, les redoublements, les sanctions pour asseoir lâautoritĂ© du prof ou la rĂ©Ă©criture des programmes.
Hors sujet sur la forme
Comment peut-on sĂ©rieusement envisager de rĂ©pondre en seulement huit semaines Ă la volontĂ© de rehausser le niveau des Ă©lĂšves ? Nâimporte quel professionnel de lâĂ©ducation sait quâil faut du temps pour Ă©laborer un diagnostic et quâil doit ĂȘtre partagĂ© pour susciter lâadhĂ©sion, tout comme lâĂ©laboration des solutions doit ĂȘtre pensĂ©e et construite en concertation. La mĂ©thode employĂ©e est un leurre. Faire vite, faire croire et appliquer les vieilles lunes ministĂ©rielles.
Hors sujet sur la temporalité
Que dire des moments forts choisis par le ministre ? Dâabord, lâannonce de la mission a lieu lors de la journĂ©e mondiale des enseignants : le ministre ne parle donc pas des personnels mais de lâĂcole pour les cĂ©lĂ©brer. Ensuite, lâenvoi du questionnaire en ligne se fait en plein cĆur des vacances dâautomne : le ministre ne respecte donc pas le droit Ă la dĂ©connexion des personnels. Enfin, le questionnaire peut ĂȘtre complĂ©tĂ© jusquâau 20 novembre pour une prĂ©sentation des conclusions fin novembre. Quand le ministĂšre a-t-il donc prĂ©vu le dĂ©pouillement de la consultation ?
Lâavis du SE-Unsa
Si lâambition est partagĂ©e par le SE-Unsa, la mĂ©thode, lâorientation de la mission et la temporalitĂ© sont inacceptables.
Le SE-Unsa dĂ©nonce une mission idĂ©ologique qui ne sert quâĂ lĂ©gitimer des orientations dĂ©jĂ Ă©noncĂ©es par le ministre avant mĂȘme le lancement de la mission. Par ses questions orientĂ©es et biaisĂ©es, le questionnaire envoyĂ© aux personnels ne sert donc quâĂ cautionner des dĂ©cisions qui semblent dĂ©jĂ prises.
Pour le SE-Unsa, il est lĂ©gitime dâinterroger le fonctionnement du systĂšme scolaire, ses faiblesses, ses limites et ses rĂ©ussites. Cependant, la question de la rĂ©ussite des Ă©lĂšves ne peut pas se limiter aux seuls savoirs et doit trouver une rĂ©ponse dans un projet plus global qui sâinscrit dans le temps long dâune rĂ©flexion construite.