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Collège : enfin, on va arrĂŞter de marcher sur la tĂŞte !
Article publié le lundi 4 mai 2015.
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Tribune de Claire Krepper, secrétaire nationale du SE-Unsa

photo claire 007Aujourd’hui, le collège français ne garantit pas  l’acquisition des connaissances de base Ă  tous les Ă©lèves qui le frĂ©quentent. Après quatre ans de collège, ils sont 25% Ă  ne pas maĂ®triser les compĂ©tences les plus simples en français alors qu’ils sont 12% dans ce cas Ă  la fin du CM2. En mathĂ©matiques, on passe de 9% d’élèves ne maĂ®trisant pas les bases en CM2 Ă  13% en troisième.

Parce que le collège français creuse toujours plus les Ă©carts entre les plus fragiles et les meilleurs, il est urgent de rĂ©orienter l’action publique et l’argent public en faveur de ceux qui en ont le plus besoin. Il ne s’agit pas simplement d’une mesure de justice. C’est aussi l’intĂ©rĂŞt de tous : les Ă©valuations internationales ont largement dĂ©montrĂ© que la progression des rĂ©sultats des Ă©lèves les plus faibles profite  Ă©galement aux plus forts. Sans parler des gains pour la sociĂ©tĂ© française dans son ensemble si notre Ă©cole parvient Ă  faire acquĂ©rir Ă  tous ses enfants le socle indispensable Ă  leur insertion sociale, professionnelle et citoyenne.

Il est urgent de réorienter l’action publique et l’argent public en faveur de ceux qui en ont le plus besoin.

Le gouvernement s’est attelĂ© Ă  cette tâche de diffĂ©rentes manières. Il s’est engagĂ© depuis 2012 dans un rĂ©Ă©quilibrage des moyens attribuĂ©s aux acadĂ©mies et aux dĂ©partements en fonction des difficultĂ©s Ă©conomiques, sociales et scolaires qu’ils rencontrent. Il a lancĂ© un vaste programme de refondation de l’éducation prioritaire auquel il consacre des moyens importants. Il travaille Ă©galement au dossier de la sectorisation scolaire en tentant de mobiliser les collectivitĂ©s territoriales concernĂ©es. Il a mis l’accent dès 2012 sur la « prioritĂ© au primaire Â» et ouvre maintenant le chantier du collège.

L’organisation actuelle du collège avec ses options facultatives est injuste socialement et inefficace pĂ©dagogiquement. Un Ă©lève qui est scolarisĂ© en classe bilangue dès la sixième, Ă©tudie le latin dès la cinquième, suit l’option europĂ©enne Ă  partir de la quatrième reçoit 18 heures de plus d’enseignement hebdomadaire dans sa scolaritĂ© qu’un Ă©lève qui ne suit aucun de ces enseignements facultatifs.  Cela reprĂ©sente plus d’une demi-annĂ©e de collège en plus. Pour un pays qui se targue d’ Â« Ă©galitĂ© rĂ©publicaine Â», cherchez l’erreur ! On rĂ©torquera que cette possibilitĂ© est offerte Ă  tous sans discrimination. Cependant, les statistiques le montrent sans aucune ambigĂĽitĂ© : ce sont massivement les enfants des classes les plus favorisĂ©es socialement et les meilleurs scolairement qui profitent de ces heures en plus. Pourquoi ? Parce que pour choisir une classe bilangue en sixième ou une option europĂ©enne, il faut que la famille soit convaincue que le surcroĂ®t de travail sera une chance et non un obstacle Ă  la rĂ©ussite de leur enfant. Parce que pour choisir le latin, il faut que la famille soit convaincue que cet enseignement sera utile Ă  leur enfant, et que, pour penser cela, il faut pouvoir projeter son enfant dans des Ă©tudes longues, et qu’il faut ĂŞtre certain de son propre avenir et de sa capacitĂ© Ă  assumer financièrement une telle ambition. Pas franchement le cas des familles de milieu populaire.

 

Mais parlons maintenant des moyens consacrĂ©s Ă  aider les plus fragiles dans le collège actuel : deux heures d’aide au travail personnel en sixième qui concernent toutefois tous les Ă©lèves, deux heures d’itinĂ©raires de dĂ©couverte en cinquième et quatrième souvent recyclĂ©es dans des dispositifs d’aide. VoilĂ , le compte est vite fait. Comment s’étonner alors du creusement des Ă©carts constatĂ© ? N’avons-nous pas jusqu’à maintenant marchĂ© sur la tĂŞte en consacrant autant de moyens pour les meilleurs et si peu pour les plus faibles ? Peut-on vraiment dĂ©fendre le statu quo comme le font de nombreuses organisations et associations disciplinaires ?

N’avons-nous pas jusqu’à maintenant marché sur la tête en consacrant autant de moyens pour les meilleurs et si peu pour les plus faibles ?

Pardon, la plupart des organisations ne dĂ©fendent pas le statu quo, elles demandent qu’on amĂ©liore le collège en lui donnant davantage de moyens ou que tous les Ă©lèves suivent les enseignements actuellement suivis par les 20% qui ont une option facultative. Ainsi le SNES-FSU a lancĂ© une pĂ©tition qui nĂ©cessite au bas mot le recrutement de 100 000 enseignants de collège pour en satisfaire les revendications. Et pour assurer un enseignement du latin Ă  tous les Ă©lèves avec l’horaire actuel, il faudrait recruter au moins 12000 enseignants de lettres classiques. On voit l’absurditĂ© de telles propositions : alors que le ministère peine Ă  recruter, faute de viviers de candidats, les 60000 enseignants promis sur cinq ans, oĂą irions-nous chercher les 100000 que demande le SNES ? Quant aux enseignants de lettres classiques, impossible de les recruter car les Ă©tudiants existants n’y suffiraient pas.

Sortons du dĂ©ni de rĂ©alitĂ© ou de la dĂ©magogie  et regardons la situation telle qu’elle est. Oui, le budget est contraint ; oui, les recrutements sont limitĂ©s. Et c’est dans ce contexte qu’il faut construire un collège plus juste et plus efficace. Et malgrĂ© ce contexte dĂ©favorable, la rĂ©forme n’a pas pour objectif de faire des Ă©conomies comme certains le prĂ©tendent. Elle redistribue les moyens consacrĂ©s Ă  quelques-uns au bĂ©nĂ©fice de tous les Ă©lèves et les abondent en crĂ©ant 4000 ETP supplĂ©mentaires sur deux ans dans les collèges.

La rĂ©forme rĂ©duit les enseignements optionnels et augmente de manière importante les moyens complĂ©mentaires au service de tous et donc des plus fragiles. L’option facultative latin (8 heures) devient un enseignement de complĂ©ment (5 heures) pour les Ă©lèves volontaires financĂ© sur l’autonomie des collèges. Cet enseignement complète l’enseignement pratique interdisciplinaire « Langues et culture de l’antiquitĂ© Â» qui pourra ĂŞtre suivi par de très nombreux Ă©lèves, et mĂŞme TOUS les Ă©lèves d’un collège. Cet EPI est une chance de faire partager la culture de l’antiquitĂ© au plus grand nombre. L’option europĂ©enne (4 heures) se transforme en EPI « culture et langues Ă©trangères Â» pour TOUS. Les langues vivantes sont par ailleurs invitĂ©es Ă  participer Ă  d’autres EPI. Quant aux sixièmes « bilangue Â», elles seront maintenues partout oĂą les Ă©lèves auront appris une autre langue vivante que l’anglais Ă  l’école primaire. Tous les autres attendront la cinquième pour dĂ©buter la LV2 qui passe de 6 heures Ă  7 heures et demi sur la durĂ©e du collège.

Sortons du déni de réalité ou de la démagogie et regardons la situation telle qu’elle est.

En contrepoint, les moyens pour travailler en petits groupes sont multipliés par 6. Ainsi un collège moyen qui disposait de 8 heures recevra maintenant 48 heures pour organiser ces groupes ou co-animer certains enseignements. L’accompagnement personnalisé passe de 2 à 3 heures en sixième. De plus, cet accompagnement est institué de la cinquième à la troisième à raison de une à deux heures par semaine selon le choix des équipes. Enfin, les EPI offrent aux élèves l’occasion d’acquérir des connaissances et des compétences des programmes à travers des projets débouchant sur des productions concrètes, un bon moyen de motiver et d’aider les élèves qui adhèrent moins aux démarches classiques, à entrer dans les apprentissages. En conclusion, on peut dire que, du point de vue de TOUS les élèves, cette réforme n’est pas marquée par la régression, tout au contraire.

Comme syndicat représentant les enseignants et les personnels d’éducation, nous ne pouvons nous arrêter là et nous déclarer satisfaits. Cette réforme doit être soutenue et portée par des enseignants rassurés et confortés dans leurs missions et leur expertise. C’est l’exigence que nous avons portée dans toutes les discussions que nous avons eues avec le ministère. Et nous avons obtenu satisfaction. Les horaires des disciplines du tronc commun sont maintenus à l’identique, voire renforcés (en LV2). Les dotations de base aux collèges seront supérieures aux actuelles dotations (un demi-poste en plus pour un collège moyen). Les équipes en place ne seront donc pas menacées par la réforme. Elles vont y trouver des marges d’initiative et des responsabilités accrues dans un cadre suffisant pour garantir l’équité. Enfin, les enseignants ne seront plus considérés comme des exécutants mais comme des experts des apprentissages. Les EPI et l’accompagnement donnent des espaces plus larges pour mettre en œuvre des pratiques pédagogiques déjà bien initiées sur le terrain.

Nous ne pouvons nous arrêter là et nous déclarer satisfaits.

Cependant, les professeurs de lettres classiques et les professeurs d’allemand sont inquiets. Ils craignent que la disparition des classes bilangue et des options facultatives ne conduisent Ă  la disparition de leurs enseignements. Ces professeurs ne sont pour rien dans la situation qui leur est faite. La rĂ©putation d’exigence de leurs disciplines qui les rĂ©serve dans l’esprit de nombreuses familles aux bons Ă©lèves n’est pas de leur fait. Et ils sont très nombreux, lĂ  oĂą la compĂ©tition et la concurrence scolaire sont moins fĂ©roces Ă  devoir batailler pour « attirer Â» les Ă©lèves. Ils ont d’ailleurs dĂ©veloppĂ© dans de très nombreux cas des pĂ©dagogies actives, construites autour d’un projet partagĂ©, porteuses de rĂ©ussite, ces pĂ©dagogies que la rĂ©forme veut promouvoir pour TOUS les Ă©lèves dans les EPI. Les dispositifs « sĂ©lectifs Â» ou « optionnels Â» – dont ils ne sont pas responsables mais dans lesquels ils enseignent – leur assurent une frĂ©quentation par environ 10% des Ă©lèves. En mĂŞme temps, ils les limitent Ă  10% des Ă©lèves… Une ouverture large des EPI Ă  ces disciplines devrait compenser la baisse horaire du latin et la disparition des 6ème bilangue et les faire connaĂ®tre concrètement de TOUS les Ă©lèves, le plus sĂ»r moyen de lutter contre les reprĂ©sentations erronĂ©es. Par un glissement organisĂ© entre les disciplines, il sera aisĂ© de retrouver l’équivalent des horaires actuels, les personnels Ă©tant prĂ©sents et les heures disponibles. Le latin et l’allemand pourront enfin sortir de leur pĂ©rimètre limitĂ© pour attirer davantage d’élèves. Ainsi, l’ouverture expĂ©rimentale de la LV2 en 5ème dans les acadĂ©mies de Rennes et de Toulouse s’est dĂ©jĂ  traduite par une lĂ©gère augmentation des effectifs. La rĂ©forme pourrait au final ĂŞtre une chance, y compris pour ces deux disciplines.

La ministre doit tenir compte de cette réalité syndicale et des inquiétudes légitimes des enseignants.

Tout changement crĂ©e des incertitudes et des inquiĂ©tudes. Plusieurs organisations syndicales nourrissent ces inquiĂ©tudes par une campagne qui frise la dĂ©sinformation. Pas surprenant de la part d’organisations en dĂ©saccord avec le projet sur le fond comme le SNALC qui dĂ©fend un collège « modulaire Â» qui sĂ©pare les bons et les mauvais Ă©lèves dès la classe de cinquième. C’est un peu plus surprenant de la part du premier syndicat du second degrĂ©, le SNES-FSU, qui partage tous les principes de la rĂ©forme, comme l’a dit son co-secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral-adjoint, R. Hubert, Ă  la ministre lors du Conseil SupĂ©rieur de l’Education. Alors pourquoi un tel acharnement contre cette rĂ©forme ? Conviction ou stratĂ©gie d’appareil ? Il est vrai que le SNES a perdu plus de 5% aux dernières Ă©lections professionnelles et que les plus contestataires en son sein reprochent Ă  la direction nationale  son soutien (très mesurĂ© pourtant) Ă  la refondation.

La ministre doit tenir compte de cette rĂ©alitĂ© syndicale et des inquiĂ©tudes lĂ©gitimes des enseignants. Elle doit leur parler directement. Elle doit mobiliser toutes ses Ă©quipes pour accompagner le changement par une information claire dans un premier temps, mais surtout par une formation solide et suivie. La formation continue des enseignants vient d’être Ă©pinglĂ©e par la Cour des Comptes. La rĂ©forme du collège est l’occasion de la refonder: celle-ci doit s’adresser aux Ă©quipes dans chaque collège, non pas dans une dĂ©marche descendante mais dans un accompagnement et un soutien Ă  la rĂ©flexion et Ă  l’élaboration des nouveaux parcours de formation pour TOUS les Ă©lèves par les Ă©quipes elles-mĂŞmes. Ces projets  devront associer tous les membres de la communautĂ© Ă©ducative et s’appuyer sur les instances dĂ©mocratiques des collèges, le conseil pĂ©dagogique et le conseil d’administration.

Cette réforme, le SE-Unsa la soutient car le collège qu’elle dessine est un collège enfin pensé pour TOUS les élèves et construit au quotidien par TOUS les personnels, reconnus, respectés et responsabilisés.

Claire Krepper, secrétaire nationale du secteur éducation, SE-Unsa

 
 
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