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Socle commun : tribune libre dans "LibĂ©"
Article publié le mercredi 12 février 2014.
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Le millefeuille et l’éducation

Le PrĂ©sident de la RĂ©publique, lors de sa dernière confĂ©rence de presse, a manifestĂ© sa volontĂ© de simplifier le « millefeuille administratif Â» français, cet empilement et cet emboĂ®tement de responsabilitĂ©s entre pas moins de cinq types de collectivitĂ©s. Le système Ă©ducatif est un bon exemple d’un Ă©miettement voulu par le lĂ©gislateur de 1982 pour ne dĂ©plaire Ă  aucun : aux communes les Ă©coles, aux dĂ©partements les collèges, aux rĂ©gions les lycĂ©es et Ă  l’Etat les universitĂ©s ! Ce saupoudrage n’est gage ni d’efficacitĂ© ni d’économies comme le dĂ©nonce depuis longtemps la Cour des comptes. Il faut donc rĂ©duire le « millefeuille Â». Oui, mais comment ?

Il semble que la tentation soit grande aujourd’hui  chez nos technocrates de rapprocher collèges et lycĂ©es en en confiant la responsabilitĂ© commune aux rĂ©gions, sans aucune rĂ©flexion de fond sur les nĂ©cessaires Ă©volutions (en cours et souhaitables) de notre système d’enseignement. On discerne la logique d’offrir aux investissements un niveau pertinent de vision planificatrice. Mais, outre qu’elle ne rapproche pas la dĂ©cision du citoyen, cette orientation serait une catastrophe pour notre Ă©cole.

Les derniers rĂ©sultats de l’enquĂŞte Pisa de l’OCDE dressent en effet le portrait d’une Ă©cole française peu performante, oĂą l’écart s’accroĂ®t entre les Ă©lèves les plus faibles, de plus en plus nombreux, et les meilleurs, dont l’importance numĂ©rique se rĂ©duit. De plus, le recrutement social de nos Ă©lites se rĂ©trĂ©cit. Notre Ă©cole est ainsi devenue la plus inĂ©quitable de l’ensemble des pays dĂ©veloppĂ©s, celle oĂą les rĂ©sultats et les parcours des Ă©lèves dĂ©pendent le plus de leur inscription sociale. Cette dĂ©rive a une origine : la mise en place en 1975 du collège unique sur les bases pĂ©dagogiques et Ă©ducatives de la filière alors la plus Ă©litiste, celle des premiers cycles des anciens lycĂ©es. Cette massification (accès de tous Ă  l’école) sans dĂ©mocratisation (accès plus juste Ă  la rĂ©ussite scolaire) a fait de l’école française une Ă©cole oligarchique de masse. Le coĂ»t social et Ă©conomique de ce gâchis est considĂ©rable.

Diverses Ă©tudes permettent de repĂ©rer deux facteurs principaux Ă  cette dĂ©rive : d’une part une sĂ©grĂ©gation sociale et ethnique croissante entre les Ă©tablissements, accentuĂ©e en 2007 par l’assouplissement de la carte scolaire ; d’autre part la triple rupture reprĂ©sentĂ©e par le passage de l’école primaire au collège : rupture cognitive d’abord (discontinuitĂ© des programmes, qui ne rĂ©pondent pas Ă  la mĂŞme logique), pĂ©dagogique ensuite (passage brutal d’un maĂ®tre polyvalent Ă  10 professeurs spĂ©cialisĂ©s) et Ă©ducative enfin (au collège, dĂ©lĂ©gation de l’éducation Ă  des personnels spĂ©cialisĂ©s extĂ©rieurs Ă  la classe). Divers travaux de chercheurs montrent que l’école primaire accentue peu les inĂ©galitĂ©s sociales, voire les rĂ©duit. Le collège en revanche a un fonctionnement plus inĂ©galitaire, tant par la pĂ©dagogie dĂ©ployĂ©e (pensons par exemple au système d’évaluation, particulièrement dĂ©courageant pour une majoritĂ© d’élèves)  que par des processus de choix (options, classes europĂ©ennes et autres) et d’orientation qui avantagent systĂ©matiquement les Ă©lèves socialement favorisĂ©s.

Face à un héritage comparable (un enseignement primaire de masse centré sur l’acquisition de compétences et de savoirs fondamentaux, suivi d’un enseignement secondaire organisé par disciplines universitaires disjointes et tourné vers l’enseignement supérieur), une majorité de pays européens a entrepris depuis 20 ans, et avec succès, de fusionner ou rapprocher ses écoles primaires et son premier cycle secondaire, et d’instaurer une plus grande continuité dans les contenus enseignés et les démarches pédagogiques.

En France, ce projet de rapprochement entre l’école primaire et le collège, souvent prĂ©sentĂ© par les experts sous le nom « d’école du socle Â», vise un objectif profondĂ©ment rĂ©publicain : faire rĂ©ussir les Ă©lèves qui aujourd’hui Ă©chouent dans leur scolaritĂ© obligatoire et qui sont presque exclusivement issus des classes sociales dĂ©favorisĂ©es, tout en assurant le progrès de tous et la promotion d’une Ă©lite plus nombreuse car plus large. C’est ce qu’a commencĂ© Ă  entreprendre le ministre de l’Education nationale avec la loi sur la refondation, qui prĂ©voit d’une part la mise en place de rĂ©seaux constituĂ©s de chaque collège et des Ă©coles de son bassin de recrutement, pilotĂ©s par un conseil commun, et de l’autre un cycle d’enseignement commun regroupant les 3 classes de CM1, CM2 et 6ème. Cette orientation rencontre diverses oppositions : celle de la droite bien sĂ»r, attachĂ©e Ă  une vision Ă©litiste et malthusienne de l’enseignement secondaire ; celle aussi d’une certaine Ă©lite intellectuelle et culturelle, pour laquelle ce rapprochement rĂ©veille les vieilles peurs de « primarisation du Secondaire Â» et de « baisse de niveau Â» des meilleurs Ă©lèves.

Si l’on n’y prend garde, c’est cette vision de l’école qu’une dĂ©cision de rattachement des collèges et des lycĂ©es Ă  la mĂŞme collectivitĂ© pourrait dĂ©finitivement conforter : une vision rĂ©trograde d’un Â« secondaire unifiĂ© Â» maintenant le collège dans son rĂ´le d'antichambre de la sĂ©lection opĂ©rĂ©e en lycĂ©e, une vision Ă©litiste d’une « continuitĂ© collège-lycĂ©e Â» coupant en deux l’école obligatoire pour affaiblir la dynamique Ă©galitaire du socle commun. L’intĂ©rĂŞt de notre pays est de poursuivre la politique Ă©ducative progressiste amorcĂ©e, et donc d’associer l’école primaire et le collège dans la mĂŞme gestion locale.

 

Maya Akkari, coordinatrice du pĂ´le Ă©ducation, Fondation Terra Nova

Christian Chevalier, Secrétaire général du SE-Unsa

Laurent Escure, Secrétaire général de l'UNSA Éducation

Jean-Pierre Obin, Inspecteur général honoraire

Frédéric Sève, Secrétaire général du SGEN-CFDT

 

 
 
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