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SE-UNSA 33


 Par SE-UNSA 33
 Le  mercredi 8 avril 2015

Laïcité : interview de Jean Glavany

 
 


Ancien secrétaire d'État puis ministre, Jean Glavany est, depuis 2002, député PS des Hautes-Pyrénées. Il est également secrétaire national à la laïcité dans le bureau du Parti socialiste et membre de l'Observatoire de la laïcité, en tant que parlementaire.


 

 

Pouvez-vous définir la laïcité en une phrase ?
La laïcité c’est l’application de la devise républicaine, «liberté-égalité-fraternité» à ce que nous avons de plus intime, nos consciences.

La droite populiste et l’extrême droite s’emparent aujourd’hui de la laïcité, historiquement plutôt un thème de gauche. Comment l’expliquez-vous ?
La droite populiste et l’extrême-droite ont lancé une énorme offensive  idéologique visant à s’accaparer le thème de la laïcité alors que, d’une part, ils ont toujours combattu celle-ci dans l’histoire, aux côtés des intégristes catholiques, et que, d’autre part, ils détournent la laïcité de son sens en l’instrumentalisant dans leur combat contre une religion et une seule, l’islam. Avec les relents racistes que l’on devine… Face à cette offensive, la gauche est trop souvent désemparée et donc inefficace, car elle n’est pas sûre de ses valeurs, qu’elle n’a pas les idées toujours claires et qu’elle est soumise à des courants internes contradictoires qu’elle n’a pas su arbitrer.

La neutralité des services publics, en vertu du principe de laïcité, est une responsabilité des élus de la République. Beaucoup d’élus locaux sont tenté de faire des accommodements. Qu’en pensez-vous ?
Il y a des accommodements raisonnables et des accommodements déraisonnables ! Prenons l’exemple des repas dans les cantines qu’instrumentalise Sarkozy avec ignorance et balourdise. Proposer des menus hallal ou kacher est totalement inacceptable mais proposer des menus de substitution type «végétarien» est un accommodement très laïque.

L’École publique est le lieu par excellence de la laïcité. Selon vous, quel est son rôle ?
Ah, l’École publique, laïque, gratuite et obligatoire ! Son rôle reste plus que jamais majeur : c’est là que sont formés les citoyens libres, éclairés, émancipés. Les Républicains de demain.
Ce projet-là est-il dépassé, archaïque ? Je ne le crois pas. Je vois même qu’il est d’une formidable modernité. Voyez ce merveilleux film Les Héritiers. Elle est belle l’École laïque quand elle réussit !

Le financement obligatoire de l’enseignement privé sous contrat sur fonds publics a-t-il contribué à l’affaiblissement de la  laïcité ? Si oui, en quoi et pourquoi ?
Bien sûr que le financement d’un système privé concurrent de l’École publique reste un handicap majeur pour la République laïque ! Surtout sans contrôle aucun. Vous vous rendez compte ? Sept milliards d’euros par an ! La Cour des Comptes ferait bien d’y jeter un œil, non ? Surtout avec les dérives constatées... Je pense à ces «enveloppes académiques» concédées à l’enseignement privé, libre alors de répartir les postes alloués là où il veut, et qu’il place systématiquement dans les établissements en concurrence directe avec les établissements publics. C’est un scandale public sur lequel on jette un voile pudique. Ce n’est pas le seul point de cette « concurrence déloyale » mais il est majeur. Pourquoi dis-je cela ? Pas pour m’acharner contre l’enseignement privé. Il existe, dont acte. Et l’enseignement privé confessionnel musulman commence à exister et à se développer. La République n’a nul besoin de l’encourager ! Ça n’est pas son rôle…
Mais demain, l’enseignement privé musulman va nous demander pas seulement ses droits mais aussi les privilèges de l’enseignement privé catholique. Ou bien on les lui accordera et on fera le lit du communautarisme, ou bien on les lui refusera et on provoquera une énorme frustration.
La solution : en finir avec ces privilèges.