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Loi confortant le respect des principes de la RĂ©publique : un projet de loi bancal
Article publié le mercredi 13 janvier 2021.
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Le projet de loi annoncĂ© par le chef de l’État Ă  l’occasion de son discours des Mureaux le 2 octobre 2020 a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© en Conseil des ministres le 9 dĂ©cembre.
DĂ©cryptage...
 
Initialement nommĂ© projet de « loi contre les sĂ©paratismes Â», la nouvelle dĂ©nomination a subi une Ă©dulcoration manifeste. Il faut dĂ©sormais l’appeler « loi confortant le respect des principes de la RĂ©publique Â».

Les 51 articles qui le composent traitent de thèmes abordés par Emmanuel Macron, et en oublient d’autres de façon regrettable, notamment ceux qui concernent le rôle social de la République et la lutte contre les ségrégations persistantes dans de nombreux territoires qui minent le pacte républicain en formant un terreau fertile au repli religieux et aux entrepreneurs identitaires.

 
Des apports justifiés
 
Après l’attentat islamiste qui a visĂ© Samuel Paty, un nouveau dĂ©lit a Ă©tĂ© introduit dans le projet de loi. Il cible la « mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives Ă  la vie privĂ©e, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser Â».

De mĂŞme, la formation des agents publics sera renforcĂ©e. Le principe de neutralitĂ© sera Ă©tendu aux agents de droit privĂ© chargĂ©s d’une mission de service public, Ă  l’instar des personnels des CPAM (SNCF, AĂ©roports de Paris, par exemple).

Enfin, la délivrance de certificats de constatation de virginité, déjà proscrits par l’Ordre des médecins, sera illégale. Pour restreindre les mariages forcés, il sera obligatoire à l’officier de l’état civil de s’entretenir séparément avec les futurs époux lorsqu’il existe un doute sur le caractère libre du consentement.
 
 
Des mesures qui laissent perplexe
 
Toute demande de subvention Ă©manant d’une association fera l’objet d’un « engagement de l’association Ă  respecter les principes et valeurs de la RĂ©publique Â».
 
La violation de ce contrat d’engagement rĂ©publicain a pour consĂ©quence « la restitution de la subvention Â». MĂŞme si ce point semble tomber sous le sens, l’angle mort des associations ne demandant aucune subvention demeure. Cet article prĂ©voit aussi la possibilitĂ© d’imputer Ă  une association les agissements qui sont commis par ses membres agissant en cette qualitĂ©. Plus largement, il serait utile de clarifier Ă  quels principes de la RĂ©publique il est fait rĂ©fĂ©rence, en Ă©nonçant de manière prĂ©cise des exemples d’infraction. Ici, la loi suit une ligne de crĂŞte pĂ©rilleuse, qui sĂ©pare le flanc de la libertĂ© d’association de celui de l’action politique.
 
 
Organisation des cultes
 
Les organisations religieuses régies par la loi de 1901 sur les associations, seront incitées à s’inscrire sous le régime de 1905 visant les cultes, plus transparent sur le plan comptable et financier.
Cependant le projet de loi porte la possibilitĂ© pour les cultes de possĂ©der et gĂ©rer leur patrimoine foncier au-delĂ  de leur fonction cultuelle. 
De plus, les legs reçus par ces associations cultuelles seront « protĂ©gĂ©s Â» du droit de prĂ©emption. Bien sĂ»r, le jackpot ira aux cultes dont le patrimoine foncier est constituĂ© de longue date dans notre pays.
 
 
Instruction en famille et Ă©coles hors contrat : trop d’incohĂ©rences
 
Le 2 octobre, Emmanuel Macron avait indiqué que l’instruction en famille serait strictement circonscrite à des situations médicales. Bien que ce mode d’instruction conduise à ce que des enfants et des adolescents soient enseignés en deçà des standards éducatifs, faute de personnels qualifiés en nombre suffisant pour opérer les contrôles légaux, le principe constitutionnel de liberté d’enseignement est avancé par ses défenseurs.
 
Ainsi, l’article 21 de projet de loi indique que « l’instruction obligatoire est donnĂ©e dans les Ă©tablissements ou Ă©coles publics ou privĂ©s. Elle peut Ă©galement, par dĂ©rogation, ĂŞtre dispensĂ©e dans la famille sur autorisation Â» (au lieu d’un rĂ©gime de dĂ©claration). Or, les motifs de dĂ©rogation sont tellement Ă©tendus qu’il est difficile de prĂ©dire si ça freinera l’essor de l’instruction en famille. Le projet prĂ©voit des dĂ©rogations pour « l’état de santĂ© de l’enfant ou son handicap, la pratique d’activitĂ©s sportives ou artistiques intensives, l’itinĂ©rance de la famille en France ou l’éloignement gĂ©ographique d’un Ă©tablissement scolaire, l’existence d’une situation particulière propre Ă  l’enfant, sous rĂ©serve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacitĂ© Ă  assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant… Â».
 
L’article 22 Ă©voque un Ă©nième durcissement du contrĂ´le des Ă©tablissements privĂ©s hors-contrat qui renforce les modalitĂ©s de fermeture des sites posant problème ainsi que ceux ouverts illĂ©galement.
 
Pour le SE-Unsa, le vrai problème est que la lĂ©gislation française n’exige aucune autorisation des pouvoirs publics pour ouvrir une Ă©cole hors-contrat. Une dĂ©claration d’ouverture est suffisante, et elle ne contient ni la transmission du projet pĂ©dagogique de l’établissement, ni l’identitĂ© et les qualifications des personnels chargĂ©s de le mettre en Ĺ“uvre. La seule demande sur le plan scolaire est de faire rĂ©fĂ©rence Ă  l’acquisition progressive des exigences du socle commun de connaissances, de compĂ©tences et de culture. MĂŞme si l’autoritĂ© acadĂ©mique ou la collectivitĂ© peuvent s’opposer Ă  son ouverture, cela reste difficile Ă  justifier sans ces informations cruciales.
 
Dès lors, comment comprendre que demain, une autorisation soit nĂ©cessaire Ă  des parents voulant scolariser leur enfant en famille, alors que pour ouvrir une Ă©cole hors-contrat une simple dĂ©claration de ses crĂ©ateurs est suffisante ? 
Tout cela s’explique par le lobbyisme intensif des réseaux d’écoles hors-contrat, souvent proches des milieux catholiques intégristes, et des fondations qui les chapeautent. Ce sont ces réseaux qui ont empêché, par un recours devant le Conseil constitutionnel, qu’un régime d’autorisation d’ouverture des établissements privés hors-contrat soit adopté en 2016-2017. C’est regrettable pour tous les enfants instruits en dehors de la liberté de conscience.
 
 
Une loi sans volet social, Ă©conomique et Ă©ducatif : des impasses regrettables
 
Le prĂ©sident de la RĂ©publique a dĂ©clarĂ© le 2 octobre aux Mureaux « notre RĂ©publique a laissĂ© faire la ghettoĂŻsation Â». Dès lors, comment comprendre qu’au-delĂ  du fait que cette problĂ©matique n’ait plus jamais Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e depuis lors, le projet de loi soit mutique sur ce point crucial ?
 
Tout se passe comme si le projet de loi voulait s’attaquer aux fruits du radicalisme religieux, notamment le fondamentalisme islamiste, sans s’attaquer à tout ce qui compose son terreau fertile, notamment sur le volet social et scolaire.
 
Sur le plan scolaire, le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) avait tiré la sonnette d’alarme en 2015 en exhortant les pouvoirs publics à agir en direction des 100 collèges ghettos répertoriés, de manière à lutter plus efficacement contre les inégalités vécues dès l’école.
En effet, Ă  ces cent collèges peuvent s’ajouter toutes les situations oĂą il est compliquĂ© pour les enseignants et personnels Ă©ducatifs de garantir Ă  chacun l’accès Ă  une Ă©ducation de qualitĂ© dans un environnement pĂ©ri-Ă©ducatif Ă©panouissant. Depuis, toutes les mesures mises en Ĺ“uvre ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©es et cette sĂ©paration de la jeunesse est une rĂ©alitĂ© enracinĂ©e dans notre pays.
 
Pour le SE-Unsa, c’est une faute de laisser perdurer, les bras ballants, l’archipellisation de la jeunesse, dans des Ă©tablissements sĂ©grĂ©guĂ©s ou dans des Ă©tablissements Ă  accès prĂ©fĂ©rentiel aux privilĂ©giĂ©s, comme la plupart des Ă©tablissements d’enseignement privĂ© sous contrat, ou encore les EPLE internationaux crĂ©Ă©s par la loi « pour une École de la confiance Â» sans oublier toutes ces entorses exercĂ©es au plan local, comme les dĂ©rogations scolaires de complaisance.
 
Comment expliquer les regrets quant Ă  la mixitĂ© sociale et scolaire perdue, tout en laissant hors de contrĂ´le son principal acteur, « quoi qu’il en coĂ»te Â» ? Il est grand temps que soient Ă©valuĂ©s le coĂ»t global et service rendu Ă  la Nation de la politique de financement public des Ă©tablissements d’enseignement privĂ©s.
 
 
L’avis du SE-Unsa
 
Ce projet contient des ajustements juridiques bienvenus, notamment pour ce qui concerne les discours de haine par voie numĂ©rique ou la meilleure protection des agents publics. Ces aspects relèvent du pĂ©rimètre de la sĂ©curitĂ© publique qu’il est nĂ©cessaire de renforcer pour lutter contre les violences et le terrorisme. Mais dans l’ensemble, ce projet de loi est bancal car il relève d’un esprit rĂ©publicain sĂ©lectif qui ne rĂ©pondra pas (ou de manière très limitĂ©e) aux dĂ©fis qui se prĂ©sentent Ă  sociĂ©tĂ© française.
 
Alors que la mixité sociale est considérée comme un puissant levier de réussite scolaire, rien n’est envisagé pour rassembler des enfants et des adolescents trop souvent éloignés par des ségrégations résidentielles, économiques, culturelles et religieuses… les pouvoirs publics et plus particulièrement le ministère de l’Éducation nationale demeurent inactifs sur ce point. En outre, l’efficacité des mesures restrictives en direction de l’instruction en famille restent à prouver au regard de l’étendue des dérogations possibles. Quant aux établissements privés hors-contrat, même si un durcissement des contrôles est prévu, les pouvoirs publics seront toujours placés en situation difficile, voire de fait accompli, puisqu’aucune autorisation n’est nécessaire à leur ouverture.
 
Pour le SE-Unsa, il est regrettable que ce projet de loi n’exprime pas la nécessité de renforcer l’École publique et ses agents, en réaffirmant notamment son importance capitale pour la cohésion de la société.
 
Enfin, ce projet de loi ne confortera pas la RĂ©publique dans sa plĂ©nitude. En effet, alors que le premier article de la constitution indique que « la France est une RĂ©publique indivisible, laĂŻque, dĂ©mocratique et sociale Â», ce dernier attribut n’est hĂ©las pas cultivĂ©. Dès lors, on a le sentiment que ce projet de loi s’adresse Ă  la partie la plus favorisĂ©e et Ă©duquĂ©e de la sociĂ©tĂ© de manière Ă  contenir, sans bourse dĂ©lier, les agissements d’une autre partie de la population avec laquelle elle n’a plus rien en commun, mais dont elle redoute les dĂ©rives.
 
Ce projet de loi va poursuivre son cheminement législatif dès le mois de janvier. Le SE-Unsa, avec le Comité national d’action laïque (Cnal) interviendra auprès des parlementaires pour faire valoir ses propositions afin d’améliorer ce texte en profondeur.
 
 
 
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