Monsieur le ministre

Vous venez de nous annoncer une modification importante du schéma d’emplois tel qu’il était initialement prévu dans les bleus budgétaires annexés au projet de loi de finances 2024. Dans quelques minutes, vous allez présenter aux organisations syndicales la répartition en académies des moyens. Pour l’UNSA Éducation, c’est une décision de raison de ne pas réduire les moyens de l’école et même de les renforcer. De la même façon, la création d’emploi pour lutter contre le harcèlement (et ne pas seulement créer des missions supplémentaires de référents sans temps dédié) était nécessaire. Il aurait cependant été également nécessaire de renforcer les équipes de vie scolaire.

Pourtant, au-delà de notre opposition au modèle d’École qui se cache derrière le « choc des savoirs », l’ensemble des annonces que vous faites ce matin nous interroge quant au principe même de sincérité budgétaire. Il est important que vous nous précisiez, Monsieur le ministre, si ces évolutions seront intégrées dès la loi de finances qui sera adoptée avant la fin de l’année ou bien si cela fera l’objet d’une loi de finances rectificative.

Quoi qu’il en soit, le fait que ces créations d’emplois soient intégrées dès les dotations initiales des établissements était une nécessité. L’UNSA Éducation, les personnels et les chefs d’établissement n’auraient pas accepté de faire une double préparation de la rentrée.

Alors au-delà de l’effet d’annonce, nous nous interrogeons, Monsieur le Ministre, sur vos intentions et celles du gouvernement. L’UNSA Éducation souhaite que les engagements que vous venez de prendre soient tenus et que les heures postes soient effectivement occupées par des personnels et non pas transformées en HSA.

Monsieur le Ministre, vous vous entêtez à croire que la question de l’attractivité financière est soldée. Il n’en est rien. On peut détourner le regard de la réalité mais, faire l’autruche à ce point-là la tête enfouie dans le sable relève du manque ou du défaut de responsabilité politique. Au-delà de la question des salaires, vous n’avez pas encore su prendre en compte les derniers bilans en matière de santé et sécurité de vos personnels. La première cause de souffrance au travail est désormais établie : les risques psycho-sociaux à laquelle l’employeur n’est pas étranger. Lors de la réunion de la formation spécialisée de cette instance réunie cette semaine, l’UNSA Éducation a fait adopter un avis sur la nécessité d’une enquête sur les RPS.

L’UNSA Éducation vous alerte en outre sur les dérives desquelles le ministère détourne également le regard : le fonctionnement réel de son projet « totémique » du RCD. Nous disposons de remontées d’établissements qui ne limitent plus l’usage du pacte ni en nombre, ni aux situations des seuls remplacements de courte durée, mais s’appuient sur ce dispositif pour compenser des déficits de recrutement, notamment dans la voie professionnelle où, désormais, les RCD sont mobilisés pour des remplacements longs.

L’UNSA Éducation est également préoccupée par la question de la sous-administration chronique de notre ministère. L’absence de volonté et d’ambition politiques conduit de plus en plus à répondre à la pénurie de personnels par la seule issue du redéploiement, dont on peut constater combien il s’avère en général inefficace, voire véritablement contreproductif, et surtout peu respectueux des personnels.

Alors que depuis maintenant un an, nous expérimentons les nouvelles instances de dialogue social, il convient d’en tirer les premiers enseignements. La loi de transformation de la fonction publique affichait l’ambition de permettre un dialogue social plus stratégique, mais dans les faits, quels constats pouvons-nous faire ?

À défaut d’orientations stratégiques plus pertinentes pour notre système éducatif, force est de constater, Monsieur le ministre, que le ministère se terre dans ses errements et n’organise qu’un dialogue social de façade, sans entrevoir la possibilité d’infléchir sa politique dogmatique au mépris des réalités et du personnel.

Certes, vous affichez l’ambition d’un dialogue social de qualité, mais dans les faits, cela résonne comme un double discours. En effet, dans le même temps, vous réaffirmez votre admiration et reconnaissance aux personnels et pourtant, récemment, votre collègue, la ministre déléguée Mme Grandjean a tenu des propos perçus par les personnels concernés comme véritablement insultants, concernant l’organisation du travail au sein des bureaux des entreprises.

Toujours au sujet du fonctionnement, que dire d’un ministère qui laisse en académie se développer et même valoriser dans le cadre de GT la participation de personnels censés représenter les personnels plus fidèlement que les représentants élus qui, eux, sont légitimés par les urnes ?

Quoiqu’il en soit, dans cette instance simulant davantage qu’elle ne permet le dialogue social, il nous appartient de dénoncer l’hypocrisie de la méthode et des annonces. En effet, Monsieur le ministre, vous prévoyez d’abonder les moyens au profit de postes supplémentaires alors qu’in fine, vous savez qu’ils ne seront pas pourvus. Nous dénonçons également le manque de sincérité et peut-être même l’insincérité, laissant croire que des moyens vont être mis sur l’École, alors que cela ne trouvera pas à se traduire dans la réalité et, qu’en sus, quand bien même ces nouveaux moyens verraient le jour, ils ne sont pas fléchés sur les besoins urgents que notre système requiert.