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Du concret, rien que du concret !
Un adhérent nous ayant appris la venue du Ministre de la réussite scolaire et de la Voie Professionnelle, nous avons sollicité une audience afin d’aborder, entre autres, les problématiques fortes des écoles publiques de notre Académie : le manque criant d’AESH et les élèves à forts troubles du comportement.
Un temps d’échange nous a été accordé, avec le conseiller parlementaire du Ministre, le chef de Cabinet du Recteur et le Secrétaire Général de l’IA 22. Ce fut en quelque sorte du « Speed Alerting » où nous souhaitions présenter du concret, car dans nombre de situations, nos collègues ne peuvent plus faire classe. Triste et cruelle réalité à l’heure où le projet pour l’école est pourtant d’en fermer de nombreuses…
Et concrets nous l’avons été puisque j’étais accompagné d’une représentante du personnel du SE-UNSA, par ailleurs directrice d’école qui gère, entre autres, un enfant qui a de forts troubles du comportement depuis 2 ans… Et qui est aussi responsable PIAL.
Présentation
J’ai précisé que j’intervenais pour l’UNSA Éducation Bretagne, pour laquelle je siège en CSA Académique et en Formation Spécialisée de CSAA, mais aussi pour le SE-UNSA dont je suis le secrétaire Départemental. Nous avons tout d’abord présenté notre fédération UNSA Éducation qui représente tous les personnels de l’Éducation, de la maternelle à l’Université, Médecins, Infirmières, AESH, AED, IEN, CPE, Chefs d’établissement, IA IPR, Psy, Assistantes sociales.
Situation dans notre Académie
Nous avons évoqué brièvement le baromètre des métiers de l’UNSA Éducation, plus grosse enquête faite en direction des personnels de la Fonction publique cette année (50 000 répondants dont 1/3 d’adhérents). Le système ne tient que grâce au dévouement des agents publics : 91,5% aiment leur métier, mais 71,9% des personnes interrogées disent que leurs conditions de travail ne sont pas satisfaisantes. Nous avons aussi évoqué les réponses à « les missions qui vous données ont-elles du sens ? ». Non pour 49 % des IEN interrogés, 40% pour les chefs d’établissement, 38% pour les directrices et directeurs d’école…
Dans cette enquête, 74% des personnels ne savent pas s’ils peuvent accéder ou tout simplement n’ont pas accès à la médecine du travail. Ce qui nous a permis d’évoquer la situation catastrophique de notre Académie où il ne reste plus qu’un médecin des personnels qui va bientôt partir à la retraite (il pourrait y avoir prochainement l’arrivée d’un médecin). Il ne manque pas que des médecins, il manque aussi des assistantes sociales et des infirmières… Avec des conséquences importantes sur la santé mentale des élèves.
Nous avons aussi pointé la situation des universités bretonnes qui sont en faillite à cause du manque d’investissement dans le supérieur et depuis la loi sur l’autonomie des universités.
Nous avons exposé la spécificité de notre Académie où il y a une forte concurrence, déloyale, avec le privé. Rennes est une des académies où les DGH des lycées privés sont plus élevées que celles du public, le privé bénéficiant par ailleurs de subventions record de la Région (186 millions d’euros par an). N’oublions pas les CFA qui se multiplient et accaparent le budget de l’état !
Nous avons aussi rappelé ce que nous avions dit au Recteur : « nos collègues veulent juste pourvoir faire classe » et dans nombre de situations cela n’est plus possible !
Élèves à forts troubles du comportement
Nous avons alors évoqué la préoccupante problématique de la gestion des élèves ayant des troubles du comportement. Nous avons commencé par apporter des précisions importantes car derrière les mots se trouvent une bien délicate vérité, vraisemblablement inimaginable : on ne parle pas d’élèves turbulents, un peu agités, on parle d’élèves parfois très jeunes qui vous insultent, vous tapent, brutalisent leurs camarades, cassent tout dans les classes…
Après les mots, les chiffres avec le récent bilan émanant du rectorat (CSAA FS du 8 octobre) et ceux tout frais du registre de sécurité et santé au travail des Côtes d’Armor (lecture à déconseiller le soir au vu de contenu des fiches).
Bilan des fiches Santé et Sécurité au Travail par lesquelles les personnels de l’Éducation alertent leur employeur sur leurs conditions de travail.
- En 2023/2024
Dans l’Académie, 4009 Fiches SST ont été rédigées, cela correspond à +43,8% du nombre de signalements, + 29% d’écoles ou d’établissements concernés.
On compte 738 fiches dans les Côtes d’Armor, dont 427 que nous avons repérées comme traitant de la violence verbale ou physique subie par les personnels (émanant d’élèves). Cela concerne 95 écoles et 10 collèges, donc près d’une école sur 3 ! Nous avons indiqué que tout le monde ne faisait pas de fiches SST, même dans des situations graves, soit par manque de temps, soit parce que l’on pense que cela ne sert à rien, soit parce que l’on nous incite à ne pas le faire.
Cela peut être aussi pour se protéger émotionnellement, car l’écriture de ces signalements fait revivre l’événement traumatisant vécu.
- depuis la rentrée ?
Déjà 843 fiches (au jour de l’entretien) dans l’Académie dont 148 dans les Côtes d’Armor. 109 pour violences subies, 7 pour agression verbale de parents, et 4 spécifiant la difficulté à ne pas avoir d’avoir AESH, soit 73% des fiches SST, représentant 44 écoles différentes et 2 collèges.
Comme quoi nos alertes ne sont pas fictives et bien concrètes et nous sommes les premiers à le regretter….
Après les chiffres, les maux…
Pour apporter encore plus de concret, notre représentante du SE-UNSA, par ailleurs directrice, a expliqué dans les faits ce qu’était la vie de son école, de son équipe depuis 2 ans. Elle a insisté sur la souffrance de l’élève, de ses camarades, sans oublier le très fort impact sur les personnels, les arrêts et accidents de travail en nombre que cela a entraîné, avec une focale sur les AESH en première ligne, peu font des alertes par le biais des fiches SST. Le fait de subir la violence, parfois régulièrement et de façon abrupte, les impacte fortement, les fragilise, certains d’entre eux étant en arrêt ou voulant démissionner.
Il manque beaucoup d’AESH !
La situation continue de s’aggraver et cela n’est pas fini car il manque énormément d’AESH pour accompagner les enfants notifiés (au minimum 150). Autant de situations inadmissibles pour les enfants et cette pénurie ne va certainement pas arranger les difficiles situations en classe, bien au contraire. On a souligné que les commissions d’attribution de notifications allaient se poursuivre à la MDPH, répondant à la politique de la loi 2005 sur l’inclusion en milieu scolaire.
Les PIAL, à la rentrée scolaire, avaient le même manque de moyens qu’en fin d’année scolaire précédente. Certains enfants sont en attente d’accompagnement depuis un an, d’autres sont en attente de place en dispositif spécialisés (ULIS, IME, ITEP, EGPA, etc.) et restent à ce titre en milieu ordinaire, en mobilisant des AESH qui ne sont pas nécessairement une réponse à leurs troubles.
Au cours de la discussion, nous avons signifié l’importance de cet accompagnement, la très forte augmentation des notifications MDPH cette année ne pouvant pas être compensée par l’octroi de 17 postes.
Au jour de cet entretien, le département est déjà en très grande difficulté, les parents saisissant le Tribunal Administratif obtenant légitiment raison, on doit alors « bricoler », défaire des organisations. Nous avons aussi indiqué que le taux d’encadrement évoqué lors des réunions locales par le Directeur Académique (1 AESH pour 7 élèves) avait été très mal perçu et est dans les faits impossibles à mettre en place (le Secrétaire Général nous a répondu que ce n’était pas tout à fait ce qui avait été dit). On rappelle également que face aux manques de moyens, la directive donnée aux PIAL est de répondre en priorité aux notifications individualisées, le SG du Dasen nous l’a confirmé.
Et nous avons terminé en parlant en quelque sorte de cercle infernal, comme nous l’avions fait en CSAA : les élèves ayant des troubles du comportement sont en plus grand nombre dans les écoles publiques de notre Académie, le privé pouvant les refuser et ne s’en « privant » pas. Nos collègues subissent de la violence, tentent de faire classe, protègent tous leurs élèves de la violence d’un de leur(s) élève(s) parfois très jeune(s). Certains parents, lassés de ce climat de violence pour leur enfant, changent d’école et vont… vers le privé. Un ou deux ans après, en remerciement d’une énergie folle à tenir, parfois au détriment de sa santé, il y a une fermeture de classe… MERCI pour TOUT !
C’est pourquoi il est impératif de tenir compte de ce critère de l’augmentation très forte et inquiétante des enfants ayant des troubles du comportement pour la future carte scolaire !
La baisse de démographie ne doit pas justifier des fermetures de classe purement mathématiques qui ne tiendraient absolument pas compte de la réalité de nos écoles publiques !
Nouvel épisode dans notre activité de lanceurs d’alerte de l’UNSA Éducation, nouvelle bouteille lancée à la mer ! Comme toujours, nous avons tenu, une fois encore, à être très concrets dans notre intervention et à relayer la réalité de nos classes, de nos conditions de travail, c’est important tant le décalage est énorme entre les projets ministériels et le quotidien des personnels.
Robin Maillot pour l’UNSA Éducation Bretagne et le SE-UNSA 22
Documents remis à l’issue de cette audience :
- Compte-rendu de l’audience avec le Recteur (24 septembre 2024)
- Déclaration de l’UNSA Éducation Bretagne en CSAA FS du 8 octobre 2024
- Budget 2025 : le SE-Unsa met la pression aux parlementaires
- Audience chez la ministre : le SE-Unsa attend du concret !