Le
dispositif « deux heures hebdomadaires supplémentaires d’activité
physique et sportive pour les collégiens » (anciennement « deux heures
supplémentaires de sport au collège ») ne se déploiera finalement à la
rentrée prochaine que dans 700 collèges, loin de la généralisation
annoncée par le ministre en début d’année. Ce recul prudent sonne comme
un aveu de faiblesse de la part du ministère qui doit composer avec les
incohérences d’un dispositif contesté.
Deux heures de quoi au juste ?
Le
Bulletin officiel n° 17 du 27 avril 2023
acte l’élargissement du dispositif expérimental des « deux heures » à
la rentrée prochaine dans 700 collèges (contre 169 aujourd’hui).
Auparavant nommé « 2 h de sport supplémentaires », le dispositif est
rebaptisé pour l’occasion « 2 h hebdomadaires supplémentaires d’activité
physique et sportive ».
Si
le changement de nom répond sans doute à la volonté de rectifier une
nuance de taille (on ne fait pas à proprement parler de sport au
collège, on s’éduque par le sport), le contenu, lui, reste identique.
Rappelons
que l’objectif visé conjointement par les ministères des Sports et des
Jeux olympiques et paralympiques (MSJOP) et de l’Éducation nationale et
de la Jeunesse (MENJ), est de « soutenir la pratique sportive des
collégiens qui connaissent, entre 11 et 14 ans, un décrochage
significatif de la pratique sportive ».
Le
principe consiste, pour les chefs d’établissement volontaires, à
« proposer une organisation dédiée permettant de mettre en œuvre deux
heures d’APS par semaine sur le temps périscolaire, à destination des
élèves les plus éloignés de la pratique sportive. » Les créneaux ainsi
dégagés sont communiqués aux Drajes, tout comme la disponibilité des
installations sportives du collège (quand il en dispose…).
Quels animateurs ?
Pour
assurer l’animation de ces deux heures, les recteurs de région
académique mobilisent les acteurs sportifs locaux. Cela inclut les
associations sportives affiliées aux fédérations sportives agréées, ou
encore celles agréées « Sport » ou « Jeunesse Éducation Populaire ». Les
structures des loisirs sportifs marchands peuvent également proposer
une offre dans le cadre du dispositif. La gratuité, recherchée
précédemment, est désormais de mise, puisqu’il sera financé par le
MSJOP.
L’animation
des « deux heures » sera donc assurée par des éducateurs sportifs, ou
bien par des professeurs d’EPS volontaires, à condition de solliciter
une autorisation de cumul d’activités, en plus de leurs obligations
réglementaires de service, « dès lors qu’[ils sont détenteurs] de la
carte professionnelle d’éducateur sportif ».
Vers une externalisation assumée de l’EPS au collège
Dans
ce texte coécrit par le MSJOP et le MENJ, il n’est pas surprenant que
le ministère des Sports soit le premier signataire. Bien que se voulant
complémentaire de l’EPS et de l’offre des associations sportives
scolaires, on ne voit pas bien comment ce dispositif peut faire exister
cette complémentarité à la manière dont sont présentées les choses.
C’est
plutôt à un détournement des valeurs de l’EPS et du sport scolaire que
nous assistons là. En prenant pour prétexte la santé et le bien-être des
jeunes - que ce dispositif est censé améliorer - les deux ministères
nient l’important travail mené par les PEPS depuis très longtemps auprès
de leurs élèves pour les sensibiliser à une pratique physique et
sportive régulière. De plus, plutôt que de donner de véritables moyens à
la pratique de l’EPS et aux enseignants, ils préfèrent confier aux
acteurs sportifs la responsabilité de la santé et du bien-être de nos
élèves, comme si les professeurs d’EPS ne s’en étaient jamais
préoccupés.
La
possibilité offerte aux enseignants d’animer le dispositif en club,
soumise à une demande de cumul d’activités en plus de leur service
réglementaire de 20 h, n’est pas audible. Combien de PEPS, dans ces
conditions, s’investiront dans le dispositif ? Non seulement cette
exigence s’inscrit dans la même logique du « travailler plus pour gagner
plus » qui a donné naissance au Pacte enseignant, mais elle ne
fait que souligner et admettre la contradiction qui domine l’ensemble :
professeur d’EPS et éducateur sportif sont deux métiers différents.
En
outre, comment assurer la « cohérence et la complémentarité avec le
volet pédagogique d’EPS du projet d’établissement » voulue par les
ministères, si les PEPS sont écartés de fait ? Gageons que la
« concertation avec l’équipe pédagogique d’EPS », qui devra en sus
assurer la promotion du dispositif auprès des familles, se fera sur un
temps supplémentaire non rétribué.
L’avis du SE-Unsa
Véritable
vitrine ministérielle d’une « nation sportive » prête à accueillir les
prochains Jeux olympiques et paralympiques, le dispositif des « deux
heures » a tout d’une vaste opération de communication qui envoie un
très mauvais message à la profession.
Le
MSJOP et le MENJ semblent regretter que certains élèves soient
« éloignés d’une pratique physique et sportive régulière » ou ne soient
pas « inscrits à l’association sportive scolaire ou dans une structure
sportive », c’est pourquoi le dispositif leur est dédié en priorité.
Dans ce cas, pourquoi financer un dispositif basé sur le volontariat des
élèves, quand il suffirait de donner plus de moyens à l’EPS, qui est un
enseignement obligatoire et touche donc l’ensemble des élèves, et
davantage de visibilité et de possibilités à l’UNSS, par exemple en
garantissant la gratuité des transports ?
À
la place, les deux ministères externalisent la pratique de l’activité
physique et sportive, imposant un cumul d’activités aux PEPS
volontaires, et excluant les enseignants ou leurs représentants des
comités de pilotage territoriaux, où seront bien présents, en revanche,
les représentants des fédérations sportives.
Quant
au choix des collèges « volontaires » par les recteurs, nous pouvons
imaginer qu’il se portera sur des établissements dotés d’installations
sportives, ou à proximité de clubs. Même s’il est demandé qu’ « une
attention particulière devra […] être portée aux zones de revitalisation
rurale (ZRR) et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville
(QPV) pour trouver une offre adaptée », on peut difficilement imaginer
que tous les élèves qui le souhaitent pourront bénéficier de ce
dispositif, et supposer que sa généralisation annoncée puis abandonnée
s’est probablement heurtée à cet écueil. Ce n’est pas ainsi que les
ministères résoudront les inégalités entre les territoires.
Rappelons
enfin que l’une des 5 compétences travaillées dans les programmes de
l’EPS du Cycle 4 a pour intitulé « Apprendre à entretenir sa santé par
une activité physique régulière » : les PEPS n’ont pas attendu le
dispositif des « deux heures » pour prendre conscience des dangers de la
sédentarité, comme en témoignent leur investissement et leur grande
capacité d’adaptation pendant la crise Covid, afin que leurs élèves
continuent de pratiquer. Le MENJ et le MSJOP devraient, s’ils souhaitent
accroître la pratique physique et sportive des jeunes, commencer par
s’assurer que tous les territoires soient dotés d’installations
sportives et d’infrastructures accueillantes, praticables et
accessibles, ce que le SE-Unsa revendique depuis longtemps.
Les professeurs d’EPS, soucieux de la santé et du bien-être de leurs élèves, ont besoin d’être considérés, pas d’être remplacés.