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SE-UNSA TOULOUSE


 Par SE-UNSA TOULOUSE

Mon école me fait mal : un article cinglant sur la nécessaire réforme du collège (entre autres...)

 

Pour lire cet excellent article directement sur le blog:
http://www.refletsdutemps.fr/index.php/thematiques/actualite/item/mon-ecole-me-fait-mal

Sinon, nous vous le reproduisons ci-dessous:

Réformes, grèves, tas de fainéants, vivent les vacances, otages d’orgies politiques, pédagologisme contre pédagoducon… Et les élèves dans tout ça ? La réforme du collège unique ! Déjà dans son intitulé, sa consigne même, c’est compliqué ! Comment réformer ce qui est unique sinon en le rendant pluriel ? Et comment s’étonner ensuite que ce faisant, dans ce pays aux plus de 1000 variétés de fromage, ceux qui s’émeuvent de l’absence de réformes poussent ensuite au crime de la réforme qui est là ?

Mais la question principale n’est pas dans ce nécessaire virage que doit prendre ce collège-là, unique et créé par des trente glorieuses en bout de souffle. Tout le monde en est d’accord, ce collège-là a vécu, et, au-delà se réformer, doit se moderniser, sous peine de s’enfoncer dans des abysses que Pisa évoque avec les mots pudiques des statistiques. La question principale est de savoir quel virage doit prendre l’école de France pour lui permettre de donner les moyens à Jules de continuer d’être le Ferry d’une école qui doit rester républicaine, égalitaire, fraternelle et libre (dans le sens révolutionnaire du terme).

Au pouvoir précédemment, les uns répondirent par une vision comptable de la question scolaire en France : trop chère. Donc suppressions massives de postes, quadrature du cercle pour savoir si x professeurs divisés par y élèves faisaient bien les bons comptes qui font les bons cadeaux fiscaux (aux poignées de z qui depuis se sont planqués en Suisse). Ils mirent ensuite un système savant où en réduisant le nombre d’heures à l’école primaire (qui revient à sucrer une demi-journée de savoirs de diverses natures), on parvient à réduire la voilure du nombre d’instituteurs (plus joli que le mot « professeur des écoles »). Et pour enfoncer le clou d’une école à laquelle l’état républicain se doit – parce que c’est son contrat social – de donner les moyens de lui faire assumer ses devoirs régaliens de l’éducation populaire au sens le plus large possible, on supprima aussi la formation des maîtres, trop chère et puis parce que Nico Premier le décréta, « on se forme sur le tas ma pov p’tite dame ». Faut dire qu’en matière de tas, le brave savait de quoi il parlait. Non, non, non, je ne souhaite pas évoquer ici la jolie Carlita, mais les autres tas qui, comme les hirondelles sur le fil, prirent le chemin du retour plutôt que celui du départ. Bref, patatras, l’école était mal partie, nous n’étions plus qu’une variable d’ajustement budgétaire.

François arriva. Tel le pommier sortant ses branches de la forêt de Chambord, lui et ses destriers ouvrirent les cahiers d’une école aux abois comme d’autres auraient tordu les poulailles de la vieille Pythie de Delphes. Constats noirs, comme des taxis londoniens, échecs et décrochages agitèrent la rue de Grenelle en faisant tomber sur l’école une mousseline d’urgences (s’ils nous avaient demandé, on aurait tout dit depuis un moment…). La glace de l’inaction ou plutôt de l’action par le négativisme entrouvert dans l’expérience Nico fut alors brisée. Et il fallait agir ! Et l’action ce coup-ci s’appellerait « nouveau collège 2016 ». Le moins que l’on puisse dire c’est que ce fut franc, massif et porteur de la modernité accommodatrice avec un monde en plein bouleversement.

En premier lieu la loi de la refondation de 2013 recreusant par le dessous les bases d’une école dont il fallait remettre la salle de bains des parents à côté du lit car elle se faisait braire seule au fond du jardin, et dont il fallait aussi repeindre ses murs, en commençant par en reconstruire certains. En second lieu, s’attaquer au maillon faible du système, le collège. Divin que cette télévisualisation du concept qui rassemble peu ou prou la grande majorité des acteurs et des usagers de l’école, le collège est le maillon faible ! Merci pour eux, ils apprécieront. Et en dernier point, adapter les programmes pour la 42ème fois du 21° siècle qui en matière d’école me semble déjà avoir duré 1000 ans. Bref, du pain sur la planche qui usa non pas un ministre, mais deux, puisque Vincent et Benoît furent flambés aussi sec sur l’autel de la raison politicienne des rendez-vous manqués (et des petits meurtres entre amis).

Najat s’en vint aux affaires, mironton mironton mirontaine !!! Najat, atout charme de François un peu las, Najat et tout et tout, mais Najat la guerrière, c’est devenu une évidence. Elle prit le train en marche, mais certainement pas depuis le marchepied… Elle prit le train de Re-Former de nouveau l’esprit de l’école républicaine.

On peut reprocher beaucoup de choses à la réforme, et, acteur de l’éducation, je suis pleinement d’accord avec la contestation de certains points qui éclairent quelques interrogations pour ne pas dire des inquiétudes. Les carreaux de la chambre des enfants peuvent être coloriés autrement, on peut donc en d’autres termes concevoir d’autres entrées obligatoires dans les programmes d’histoire, même si ce sera toujours une affaire de choix, et que les plus orthodoxes finiront toujours pas redire et médire qu’il est scandaleux de ne pas faire étudier la qualité des tissus qui permirent à des générations de pompiers égyptiens de ne pas se brûler les pieds. Mais bon, c’est vrai que de plus en plus faire étudier l’histoire de France sous ses angles culpabilisants fait suer tandis que les lumières sont facultativement transmises… On peut aussi mégoter sur le latin et le grec car dans l’esprit « un pays dans lequel dans une chambre un enfant n’apprend plus le Grec ou le violon est un pays perdu… » Pourquoi pas aussi permettre à ce que le teuton ne soit pas avalé par des langues beaucoup plus parlées et usuelles en élargissant les possibilités aux élèves de primaire de se mettre en bouche Goethe dès le CP (sic, oups et félicitations du jury pour ce haut fait d’arme…). On peut reprocher beaucoup de choses à cette réforme mais aucun de ses reproches, structurellement, n’entamera le problème de fond que finira par balayer le collège de Najat : permettre à l’ensemble d’une cohorte d’acquérir le même niveau de connaissances, de compétences et de culture, sans faire le distinguo entre fils de riches, de pauvres ou de longs maigres et filiformes. Ce qui dans notre histoire est une révolution culturelle de vaste ampleur aussi importante que celle qui avait conduit, avec la création du collège unique en 1975, à faire cesser l’éducation inégalitaire d’alors.

La réplique habituelle, dans ce pays où il est plus important d’exister que d’agir, est d’un classicisme débordant d’affliction. Ces combats d’arrière-garde, menés par les politiques ou les partisans du progrès dans le conservatisme, deviennent maintenant pénibles car ils desservent profondément la cause qu’ils sont censés défendre. Entre les uns qui géraient la maison de Jules les yeux rivés sur la calculette de l’abandon de la notion de service public, et les autres qui conservent une approche immobile du métier de professeur, et qui auraient été bien mieux dans les classes où l’on apprenait que « par cœur », paires de claques comprises, il n’y a maintenant qu’une marge qui n’a que l’épaisseur d’un bulletin de vote. L’éducation Nationale est devenue un lieu commun où les portes ouvertes s’ouvrent et se referment sur les bons mots, l’objet est de sortir de la Naphtaline (Bayrou), taper sur l’ennemi héréditaire (syndicats) parce qu’il faut bien vivre de ses vociférations, placer sa voix sur le chemin de 2017 (Lemaire, Nico et cons sort de tous poils), rappeler l’opposition (frondeurs et fines gâchettes des autres tous poils).

Savent-ils que ce dont ils parlent repose sur des réalités qui consistent à mélanger ensemble, du lundi au vendredi (vacances non comprises…, n’utilisons pas les mots qui fâchent), 13 millions d’élèves et 1 million de professeurs et acteurs du système éducatif souvent contre vents et marées ? Savent-ils qu’au-delà des poignées (il faudra quand même un jour leur dire que ce ne sont là que des poignées) d’irréductibles capables de se mettre en grève pour faire valoir des droits à la pénibilité parce que 2 heures c’est long, l’immense majorité des professeurs comme des parents approuvent cette réforme ?

Savent-ils que de tout ça, nous en avons une artère en forme de purge d’être pris en otage par des énarques ou des syndicaleux qui font de notre maison, de ma classe en d’autres termes, les lieux communs de leurs combats de misères électoralistes ? Pour un métier qu’ils ne seraient capables de tenir que le petit quart d’heure qui suit la dernière cigarette du condamné ? Savent-ils également que les reproches faits à la réforme du lycée (comme par exemple ceux concernant les TPE) étaient écrits dans le même carton que ceux opposés aujourd’hui à celle du collège (même ton, même travailleurs travailleuses, mêmes diatribes sur un monde à venir en ruine…), et que 5 ans après cette réforme, aucun lycée ni professeur ne souhaite revenir en arrière au temps d’avant la réforme ?

Et les élèves dans tout ça ? Pas ceux des statistiques ou des faire-valoir des joutes verbales. Non, les autres, ceux que nous avons en face de nous et que nous nous escrimons jour après jour à rendre mieux outillés. Ceux pour lesquels Jules Ferry écrivait dans sa lettre aux instituteurs ceci : « au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire… » L’abandon de la notion même « d’élèves » est effrayant dans le débat actuel, unilatéral et déconstructeur parce que devenu plus politicien que politique. Ce qui pour la réussite des choses est inquiétant…

La bonne question au bout de ces tristes constats de choses pourtant évidentes à réformer mais tellement utilisées à d’autres fins est donc de savoir si on veut dans ce pays que les choses changent.