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Les agents de l’Etat ont manifesté dans toute la France, mardi, à l’appel des neuf syndicats de la fonction publique.
LE MONDE | 11.10.2017 à 06h46 • Mis à jour le 11.10.2017 à 10h16 | Par Raphaëlle Besse Desmoulières et Benoît Floc'h
Infirmiers, professeurs ou greffiers… Ils étaient nombreux, mardi 10 octobre, à s’être mobilisés à l’appel des neuf syndicats de la fonction publique. Ainsi, 209 000 personnes, selon le ministère de l’intérieur (400 000, selon la CGT) ont manifesté dans toute la France contre une « série de mesures négatives » du gouvernement à leur égard. A Paris, ils étaient 26 000, selon la police. Quant aux grévistes, le ministère de l’action et des comptes publics en dénombrait entre 9,5 % à 14 % selon les fonctions publiques ; la CGT, elle, a avancé un taux général de 30 %.
« Service public, mon amour », « Jupiter, redescends sur terre, notre statut, on en est fiers ! », « On ne peut pas à la fois se serrer la ceinture et baisser son froc »… Les slogans croisés le long du cortège parisien rivalisent d’imagination. Venues entre collègues, quatre jeunes femmes entendent protester contre le manque de moyens dans la justice. Elles travaillent toutes au tribunal pour enfants de Bobigny (Seine-Saint-Denis). « Le plus gros de France, mais le moins bien doté, souligne Marie de Maistre, greffière. C’est un paquebot qui coule. Le toit s’effondre, il faut mettre des seaux quand il pleut… On achète même nos fournitures. On ne nous donne pas les moyens de travailler. Au tribunal pour enfants, on a dû mal à assurer toutes les audiences à cause du manque de personnels. Et on nous demande de faire du secrétariat, de la manutention, de l’archivage… »
Les suppressions de postes (120 000 promises par Emmanuel Macron sur le quinquennat), le rétablissement d’un jour de carence en cas d’arrêt maladie, la simple compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) – quand les salariés du privé devraient voir leur rémunération augmenter…
La liste des « attaques » est longue. Elle s’ajoute à un malaise plus profond lié aux conditions de travail mais aussi au sentiment de ne pas être reconnus par la société. Infirmière dans un hôpital de la région parisienne, Sandra a l’impression que les agents publics sont « stigmatisés comme des enfants gâtés ». « Peut-être que c’est le cas de hauts fonctionnaires mais moi, ça fait six ans que ma paie n’a pas bougé, souligne-t-elle. Mon mari qui travaille dans l’administration gagne 1 600 euros par mois. Ce n’est pas ce que j’appelle un nanti. »
Gilles Davaine, lui, défile avec les personnels de l’hôpital Maison-Blanche, dans le 19e arrondissement de Paris. « Depuis des années, dit-il, nous avons toujours moins de moyens pour accueillir et soigner les enfants et les adolescents. » Il réclame donc un effort de l’Etat en rejetant l’argument du déficit : « Je ne peux pas croire qu’il n’y ait plus d’argent. L’argent, il existe, mais il va ailleurs, soupire-t-il. Il y a de plus en plus de créations de richesses, mais cela reste entre les mains de peu de personnes. On remet en cause la protection sociale au nom de la liberté d’entreprendre. Mais les gens, ici, connaissent d’énormes difficultés sociales, et si on ne les soigne pas, notre société court à la catastrophe… »
Un peu plus loin, Emmanuel brandit un grand drapeau de la CGT. Lui est contractuel, il évoque la hausse de la CSG et les « ordonnances Macron », une « sorte de double peine ». Pour lui, il faut que salariés du privé et fonctionnaires se retrouvent pour mener cause commune. « On est tous concernés par les ordonnances. Quand les droits du privé régressent, ceux du public aussi », juge-t-il.
Manifestation des fonctionnaires, Ă Lyon le 10 octobre. LAURENT CIPRIANI/ AP
Pour les syndicats qui avaient appelé à descendre dans la rue, c’est incontestablement un succès. « Nous sommes extrêmement satisfaits de cette journée, se félicite Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’Union des fédérations de fonctionnaires CGT. Il faut remonter dix ans en arrière pour une mobilisation de cette ampleur dans la fonction publique. » Pour Luc Farré, de l’UNSA, c’est également « une mobilisation significative et réussie ».
Pour eux, « la balle est maintenant dans le camp du gouvernement ». « On appelle le gouvernement à entendre cette mobilisation, indique Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions publiques, à en tenir compte et à faire de nouvelles propositions pour les agents publics. »
La date du 16 octobre est désormais cochée dans les agendas. Ce jour-là , le ministre Gérald Darmanin recevra les syndicats de la fonction publique pour un rendez-vous salarial. Si ses propositions ne sont pas à la hauteur de leurs attentes, il est « clair pour notre organisation syndicale qu’il faudra des suites fortes à la journée d’aujourd’hui », prévient M. Canon. Le sujet sera au menu d’une nouvelle intersyndicale, le 24 octobre au siège de l’UNSA.
Les syndicats qui manifestent mardi ont un ressenti très éloigné des chiffres que présente le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin.
LE MONDE | 10.10.2017 à 15h54 • Mis à jour le 10.10.2017 à 16h37 | Par Anne-Aël Durand
Ce qu’il a dit :
« Cette année, c’est 4 % d’augmentation en moyenne pour les agents publics, avec le GVT, glissement vieillesse technicité, plus le PPCR. C’est la première fois depuis quinze ans. Aucun salarié du privé n’a en moyenne 4 % d’augmentation. Qu’ici ou là il y ait des métiers de la fonction publique de catégorie C qui aient des revalorisations nécessaires, on va en parler. »
Ces 4 % de hausse de rémunération avaient déjà été évoqués par le ministre lors d’un entretien publié par Le Monde à la mi-septembre.
Le chiffre de 4 % provient d’un rapport sur les finances publiques, publié en juin, dans lequel la Cour des comptes alerte sur la « forte hausse », atteignant 3,9 % en 2017, de la masse salariale des administrations publiques. Cela signifie que le total des rémunérations de tous les agents payés par l’Etat et les collectivités devait augmenter significativement durant l’année.
Cela s’explique notamment par une augmentation de leur nombre (14 000 équivalents temps plein en 2016 et autant en 2017) mais aussi par le vieillissement des fonctionnaires en place, puisque la rémunération progresse mécaniquement avec l’ancienneté : c’est ce que signifie le « glissement vieillesse technicité », ou GVT évoqué par le ministre.
Quant au « PPCR » également cité par M. Darmanin, il s’agit du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations », mis en place récemment. Il s’est d’abord traduit en 2016 par le transfert de certaines primes dans le traitement indiciaire, un « échange prime-points » sans effet sur la rémunération actuelle mais avantageux pour la retraite. La plupart des fonctionnaires ont vu leur rémunération indicielle progresser de 1 à 3 points début 2017, et le reste des hausses est prévu entre 2018 et 2020… sauf si le gouvernement remet en cause ce calendrier, comme le préconise ce même rapport de la Cour des comptes.
Les syndicats, eux, ont un ressenti très différent. « La réalité des fiches de paie n’est pas celle que décrit le ministre, déplore Luc Farré, représentant de l’UNSA fonction publique. Nous n’avons pas les chiffres pour 2017, mais en 2015, la rémunération n’a augmenté que de 0,6 %, contre 1 % dans le privé, et un tiers des agents ont perdu en salaire net moyen. »
La situation des fonctionnaires s’est légèrement améliorée à la fin du quinquennat de François Hollande. Selon les derniers chiffres publiés en septembre par l’Insee, la rémunération globale a progressé en 2015 dans la fonction publique d’Etat (+ 0,4 % sur le salaire net), territoriale (+ 0,8 %) et hospitalière (+ 0,7 %).
Le point d’indice, unité de base de leur rémunération, a été revalorisé de 0,6 % fin 2016 et de 0,6 % début 2017, ce qui a entraîné une augmentation générale pour tous les agents. Mais cette hausse, qualifiée de « dégel », était la première depuis 2010, soit six années de stagnation. Entre-temps, les cotisations retraite ont été augmentées de 0,27 % à 0,40 % par an. Résultat, l’inflation, bien que modérée, a réduit le pouvoir d’achat des fonctionnaires, comme le montre le graphique ci-dessous :
La valeur du point d'indice des fonctionnaires (en euros) et l'indice des prix (base 100 en 2015), valeur en janvier de l'année concernée.
Sources : Insee, Fonction publique.gouv.fr
Lire aussi : A quoi correspond le point d’indice des fonctionnaires ?
La CGT a réalisé des simulations de perte du salaire indiciel depuis 2000. Selon ces calculs, un adjoint administratif (catégorie C) qui gagne aujourd’hui 1 720 euros brut mensuels aurait pu prétendre à 1 969 euros si le point d’indice avait suivi l’inflation. Pour les plus hauts grades de la catégorie A, la perte virtuelle est estimée à 861 euros brut. Selon la Cour des comptes, entre 2003 et 2013, la progression de la rémunération des agents de l’Etat a été de 0,2 % par an en termes réels, soit une progression « moins forte » que celle des salariés du privé (0,5 %).
Pour compenser le gel du point d’indice, une indemnité de garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA), mise en place en 2008, se déclenche si les augmentations d’un agent, y compris son avancement et son ancienneté, n’atteignent pas l’inflation sur quatre ans. Mais elle n’est versée qu’à 160 000 personnes par an, soit 0,3 % des 5,6 millions de fonctionnaires.
Si les syndicats organisent une journée d’action mardi c’est parce qu’ils craignent que les avancées obtenues durant les dernières années soient gommées par les mesures et annonces du nouveau gouvernement :
– le gel du point d’indice : la revalorisation de 2016-2017 ne sera pas suivie d’autres hausses, a prévenu en juin le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin ;
– la hausse de 1,7 point de la cotisation sociale généralisée (CSG). Les fonctionnaires sont concernés, comme les salariés du privé, mais elle ne sera pas compensée comme dans le privé par la suppression des cotisations chômage et maladie, mise en place progressivement à partir de 2018. Le gouvernement s’est seulement engagé à « neutraliser » cette perte de revenu par des baisses de la cotisation exceptionnelle de solidarité (CES, 1 %) pour certains, et par une prime compensatoire pour les autres ;
– le rétablissement de la journée de carence dans la fonction publique, qui avait été mise en place par Nicolas Sarkozy en 2012 et retirée deux ans après par la gauche. Si un fonctionnaire est en arrêt-maladie, le premier jour ne lui sera pas payé, afin de lutter contre l’absentéisme ;
– les annonces de suppressions de poste. Emmanuel Macron a promis, durant la campagne présidentielle, une baisse de 120 000 fonctionnaires.