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Je suis enseignante en maternelle et à presque 60 ans, je ressens un épuisement professionnel depuis environ 2 années avec une fatigue à la fois physique et nerveuse. Je ne me sens pas optimale tous les jours face à ce public d’enfants de maternelle hyper exigeants, peu autonomes, et très bruyants. Ma patience est émoussée. Et j’en souffre. Je crains au fil du temps de devenir « nuisible » par manque de tonus. Je subis, comme souvent à cet âge-là , de l’usure musculaire (dos, genou, bras), une perte auditive, une mémoire moins efficace. Je vis constamment dans le sentiment d’un échec face à mon travail, dans le sentiment d’une impréparation, parfois par oubli de choses dans les multi tâches quotidiennes, alors que je passe de plus en plus de temps à préparer ma classe.
Mon sommeil est altéré. Je fais des rêves récurrents de classes qui débordent, qui échappent, d’arrivée en classe devant le groupe d’élèves sans avoir rien préparé, ou en ayant perdu tout ce que j’avais prévu de faire. Certaines situations me posent de grandes difficultés physiques comme les séances de motricité (avec mes élèves de 3 à 5 ans), qui m’obligent parfois à réaliser la séance à genoux pour être le plus près d’eux sans avoir à me pencher, chose que mon dos ne peut plus supporter, ou à m’accroupir, chose que mes genoux ne peuvent plus faire.
J’ai conscience d’être finalement dans les 1ères cohortes à devoir pousser son activité professionnelle jusqu’à 62 ans, et la chose me parait à l’heure actuelle insurmontable.
Je ne vois pas comment terminer cette carrière sans avoir recours à un arrêt (via le système de santé), extrémité à laquelle je n’aimerais pas arriver.
Je trouve très regrettable que notre institution, qui va devoir gérer de plus en plus ces difficultés, y semble très sourde et aveugle. Pourquoi ne pas remettre la CPA apparemment retirée depuis quelques années, qui permettait d’envisager une fin de carrière de manière moins intense et plus apaisée sans subir trop de perte de salaire ? Pourquoi au contraire sans cesse menacer de ne plus accepter de temps partiel sur autorisation ?
La mairie de la ville dans laquelle j’exerce n’ayant pas voulu, pour raisons budgétaires, nous attribuer cette année une Atsem par classe, je me retrouve plus de 40% de mon temps scolaire seule avec cet enfant en inclusion. Et, outre la souffrance que cela engendre aussi bien pour tous les enfants de la classe que pour moi, cela me pose un problème de responsabilité.
Comment puis-je me couper en 2 pour être à la fois en train d’évacuer des enfants dans le couloir (ou ailleurs) pour les mettre en sécurité en cas de crise de cet enfant en inclusion, et rester en même temps auprès de lui pour vérifier qu’il ne va pas se blesser dans les gestes violents qu’il effectue ? Le temps que je peux mettre à appeler des collègues au secours est déjà beaucoup trop long, et m’oblige à laisser à ce moment là tout le monde tout seul. Vous comprendrez qu’avec des enfants de cet âge (MS/GS), cette situation est plus qu’ingérable.
Vendredi dernier j’ai eu par 2 fois à effectuer cette manœuvre de scission : l’enfant en inclusion ne voulait pas quitter le lieu où il se trouvait alors que l’ensemble de la classe le quittait (1ère fois, la classe pour aller dans la cour, 2ème fois la salle de motricité pour retourner dans la classe). J’ai été contrainte de laisser l’enfant seul dans la classe et/ou dans la salle de motricité pour faire sortir les autres dans la cour et/ou rejoindre la classe (avec un étage de surcroit). Une fois le groupe dans la cour ou dans la classe, je me suis retrouvée à courir pour récupérer l’enfant en inclusion, et dans la 2ème situation, j’ai constaté qu’il avait quitté la salle de motricité et qu’il était dans le couloir, pas très loin de la sortie. C’était l’heure de midi avec les portes ouvertes pour accueillir les parents. Je n’ose imaginer ce qui se serait passé s’il était sorti de l’école ! Et pourtant je considère que je n’ai pas fait d’erreur, je n’ai pas failli. Je ne pouvais solliciter des collègues, elles même toutes seules dans leur classe au moment de la sortie. Je n’avais pas d’autres solutions.
J’ai sollicité un entretien à ma hiérarchie pour évoquer ce problème, car je ne veux pas assumer toute l’année cette responsabilité de manque d’encadrement qui n’est pas de mon fait, et qui risque d’aboutir à une catastrophe, dont on me fera la responsable.
J’ai aimé mon métier, que j’avais choisi en reconversion. Je ne pense pas avoir été une mauvaise enseignante, même si j’ai le sentiment d’une non reconnaissance de ma hiérarchie, et la conscience de leur être totalement méconnue.
J’ai subi 3 arrêts de santé en tout et pour tout dans toute ma carrière, 2 pour des problèmes de genou avec deux arrêts de 15 jours, et le dernier d’une semaine pour Covid. Je ne pense pas avoir démérité, et je ne pense pas ne pas être méritante. J’ai demandé du temps partiel quand mes enfants étaient jeunes car mon époux était en déplacement toute la semaine. Depuis je maintiens cette demande car je m’occupe seule de ma mère en fauteuil roulant.
Pour toutes ces raisons, je ne me vois pas exercer ma profession encore pendant 3 ans, et aller jusqu’à 62,5 ans en ce qui me concerne, dans ces conditions. Mais en même temps, je n’ai aucune solution qui s’ouvre à moi pour ne pas subir ces dernières années."
Recul de l'âge de retraite c'est NON!
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