SECTION ACADÉMIQUE SE-Unsa de REIMS - MAISON DES SYNDICATS - 15 BD DE LA PAIX - BP 30149 - 51055 REIMS CEDEX
Tél. 03 26 88 25 53 - ac-reims@se-unsa.org
La modulation du remboursement des congés maladie a souvent été utilisée pour réduire les absences pour raison de santé. Les questions que l’on peut se poser sont : est-ce que ça marche ? Quels sont les impacts autres que budgétaires de ces mesures ?
Une récente Étude de l’INSEE dont la synthèse a été opportunément publiée en novembre 2017 est éclairante sur les effets de la présence d’un jour de carence pour arrêt maladie. Sa publication arrive à point nommé, au moment où le ministre de l’action publique vient de rétablir, via la loi de finance, la journée de carence pour les agents publics.
En juillet, M. Darmanin a dĂ©clarĂ© que ce jour de carence « permet de lutter contre le micro absenÂtĂ©isme qui dĂ©sorÂgaÂnise les serÂviÂces et coĂ»te enviÂron 170 milÂlions d’euros par an ».
La mise en place d’un jour de carence
Lorsque le jour de carence est appliÂquĂ©, le preÂmier jour d’arrĂŞt malaÂdie n’est pas rĂ©muÂnĂ©rĂ©. Dans le privĂ©, la carence est de trois jours. Cela signiÂfie que les salaÂriĂ©s ne sont, en prinÂcipe, payĂ© qu’à partir du quaÂtrième jour non traÂvaillĂ©. Dans les faits, cepenÂdant, pour deux salaÂriĂ©s sur trois, l’entreÂprise comÂpense l’absence de prise en charge par la sĂ©cuÂritĂ© sociale. Ce qui n’est pas le cas dans le secÂteur public. Premier consÂtat donc, cette mesure n’a pas d’effet d’équitĂ© entre agents du secÂteur public et salaÂriĂ©s du secÂteur privĂ©.
Ce que mesure l’étude de l’INSEE
L’INSEE s’est attaÂchĂ©e Ă mesuÂrer les effets de la mise en place du jour de carence dans la foncÂtion publiÂque de l’État grâce Ă l’enquĂŞte Emploi sur la pĂ©riode couÂrant de janÂvier 2012 Ă Janvier 2014 en preÂnant comme groupe « contrĂ´le » le secÂteur privĂ©.
En preÂmier lieu le niveau d’absenÂces pour raison de santĂ© est plus Ă©levĂ© dans le secÂteur privĂ© que dans la foncÂtion publiÂque de l’État ce qui en soi obère une reprĂ©ÂsenÂtaÂtion frĂ©ÂquemÂment vĂ©hiÂcuÂlĂ©e.
Les rĂ©sulÂtats sont plutĂ´t contre intuiÂtifs si l’on s’en tient aux dĂ©claÂraÂtions du minisÂtre. En effet, d’après l’enquĂŞte Emploi, la mise en place de ce disÂpoÂsiÂtif n’a pas signiÂfiÂcaÂtiÂveÂment modiÂfiĂ© la proÂporÂtion d’agents de la foncÂtion publiÂque d’État absents pour raison de santĂ© une semaine donnĂ©e. En revanÂche, la mesure a modiÂfiĂ© la rĂ©parÂtiÂtion des absenÂces par durĂ©e.
Le jour de carence a conduit Ă une baisse imporÂtante des absenÂces de deux jours (plus de 50 %). L’effet disÂsuaÂsif du jour de carence sur le fait de comÂmenÂcer un arrĂŞt malaÂdie peut expliÂquer cette baisse. Il agiÂrait surÂtout en cas d’affecÂtion bĂ©niÂgne. Cependant, la part des absenÂces d’une jourÂnĂ©e ne change pas. Cela veut dire que pour Ă©viter une reteÂnue sur salaire due au jour de carence, les agents posent un autre type d’absence (jour de RTT, jour de congĂ© annuel, autoÂriÂsaÂtion d’absence…). Donc l’arguÂment liĂ© Ă l’évitement de la dĂ©sorÂgaÂniÂsaÂtion des serÂviÂces ne tient pas non plus.
En revanÂche ce que consÂtate cette Ă©tude c’est que les absenÂces pour raison de santĂ© d’une semaine Ă trois mois ont augÂmentĂ© avec le jour de carence (de 25 %). LĂ encore, on ne peut que consÂtaÂter que la mise en place du disÂpoÂsiÂtif n’a pas signiÂfiÂcaÂtiÂveÂment modiÂfiĂ© la proÂporÂtion d’agents de la foncÂtion publiÂque de l’État absents pour raison de santĂ© et que les Ă©conomies escompÂtĂ©es ne seront pas au rendez-vous.
Cette hausse pourÂrait s’expliÂquer par trois mĂ©caÂnisÂmes.
« Tout d’abord, le jour de carence engenÂdre un coĂ»t fixe pour le salaÂriĂ© Ă chaque prise d’arrĂŞt malaÂdie. Un agent n’a donc pas intĂ©ÂrĂŞt Ă hâter son retour au traÂvail avant d’avoir la cerÂtiÂtude d’être guĂ©ri. Ainsi, il peut trouÂver pruÂdent de proÂlonÂger son arrĂŞt, pour Ă©viter une rechute synoÂnyme d’une nouÂvelle pĂ©naÂlitĂ©.
Ensuite, du fait de ce coĂ»t fixe, cerÂtains agents connaisÂsant un proÂblème de santĂ© pourÂraient hĂ©siÂter Ă s’arrĂŞÂter de traÂvailler pour se soiÂgner. Leur Ă©tat de santĂ© se dĂ©graÂdeÂrait et conduiÂrait in fine Ă des arrĂŞts plus longs.
Enfin, la mise en place d’un jour de carence pourÂrait gĂ©nĂ©Ârer chez des agents preÂnant un arrĂŞt malaÂdie le senÂtiÂment d’être injusÂteÂment mis Ă contriÂbuÂtion, les conduiÂsant, par rĂ©acÂtion, Ă proÂlonÂger un peu cet arrĂŞt. »
Ce qui est en revanÂche avĂ©rĂ© c’est que l’insÂtauÂraÂtion du jour de carence a des effets difÂfĂ©Ârents au regard des caracÂtĂ©ÂrisÂtiÂques indiÂviÂduelÂles et crĂ©ent de facto des inĂ©ÂgaÂliÂtĂ©s.
En effet, les absenÂces courÂtes baisÂsent davanÂtage chez les femmes, les jeunes et les employĂ©s traÂvaillant peu de jours par semaine. Les femmes dimiÂnuent signiÂfiÂcaÂtiÂveÂment leurs absenÂces de deux jours et les hommes augÂmenÂtent signiÂfiÂcaÂtiÂveÂment leurs absenÂces d’une semaine Ă trois mois.
Des rĂ©sulÂtats cohĂ©Ârents avec les autres Ă©tudes exisÂtant sur ce sujet.
« En Suède, en 1987, un jour de carence avait Ă©tĂ© supÂprimĂ© dans le secÂteur privĂ©. Par suite, la prise d’arrĂŞts malaÂdie avait augÂmentĂ©, mais la durĂ©e des arrĂŞts avait baissĂ©. Au total, le nombre de jours d’arrĂŞts avait dimiÂnuĂ© (Pettersson-Lidbom et Thoursie, 2013). Lorsque le jour de carence avait ensuite Ă©tĂ© rĂ©taÂbli en 1993, une Ă©tude de cas avait Ă©tabli que les agents de la Poste suĂ©Âdoise avaient pris moins d’arrĂŞts, mais davanÂtage d’arrĂŞts de plus de 15 jours (Voss, Floderus et Diderichsen, 2001). »
Pour l’UNSA, le rĂ©taÂblisÂseÂment du jour de carence dans la foncÂtion publiÂque est idĂ©oÂloÂgiÂque. Il ne proÂduira pas les effets escompÂtĂ©s et ne tient pas compte des effets induits pour les situaÂtions indiÂviÂduelÂles des agents.
Il est injuste car il s’effecÂtue dans un contexte dans lequel l’employeur n’est que très peu engagĂ©, voire pas du tout, dans le finanÂceÂment de la proÂtecÂtion sociale comÂplĂ©ÂmenÂtaire des agents contraiÂreÂment aux salaÂriĂ©s du secÂteur privĂ©.
Il est danÂgeÂreux pour les plus vulÂnĂ©ÂraÂbles qui ne disÂpoÂsent pas de mutuelÂles, qui sont Ă temps incomÂplets avec les plus faiÂbles rĂ©muÂnĂ©ÂraÂtions (les jeunes et les femmes en parÂtiÂcuÂlier).
Pour favoÂriÂser le recours aux soins de l’ensemÂble des agents et des salaÂriĂ©s, et donc la prise en charge prĂ©Âcoce des pathoÂloÂgies (ce qui est une source d’économie cerÂtaine) la piste de l’élaboration d’une meilleure couÂverÂture de proÂtecÂtion sociale comÂplĂ©ÂmenÂtaire souÂteÂnue par les employeurs publics aurait, pour l’UNSA, Ă©tĂ© la bienÂveÂnue.
L’UNSA Fonction Publique demande que cette mesure fasse l’objet d’une Ă©tude d’impact et qu’une rĂ©flexion soit engaÂgĂ©e de toute urgence autour de la proÂtecÂtion sociale des agents publics.
Voir en ligne : L’étude de l’INSEE