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Mesure de l’impact du rĂ©tablissement du jour de carence : effets contre intuitifs !
Article publié le mercredi 15 novembre 2017.
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La modulation du remboursement des congĂ©s maladie a souvent Ă©tĂ© utilisĂ©e pour rĂ©duire les absences pour raison de santĂ©. Les questions que l’on peut se poser sont : est-ce que ça marche ? Quels sont les impacts autres que budgĂ©taires de ces mesures ?

Une récente Étude de l’INSEE dont la synthèse a été opportunément publiée en novembre 2017 est éclairante sur les effets de la présence d’un jour de carence pour arrêt maladie. Sa publication arrive à point nommé, au moment où le ministre de l’action publique vient de rétablir, via la loi de finance, la journée de carence pour les agents publics.

En juillet, M. Darmanin a dĂ©clarĂ© que ce jour de carence « permet de lutter contre le micro absen­tĂ©isme qui dĂ©sor­ga­nise les ser­vi­ces et coĂ»te envi­ron 170 mil­lions d’euros par an Â».

La mise en place d’un jour de carence

Lorsque le jour de carence est appli­qué, le pre­mier jour d’arrêt mala­die n’est pas rému­néré. Dans le privé, la carence est de trois jours. Cela signi­fie que les sala­riés ne sont, en prin­cipe, payé qu’à partir du qua­trième jour non tra­vaillé. Dans les faits, cepen­dant, pour deux sala­riés sur trois, l’entre­prise com­pense l’absence de prise en charge par la sécu­rité sociale. Ce qui n’est pas le cas dans le sec­teur public. Premier cons­tat donc, cette mesure n’a pas d’effet d’équité entre agents du sec­teur public et sala­riés du sec­teur privé.

Ce que mesure l’étude de l’INSEE

L’INSEE s’est atta­chĂ©e Ă  mesu­rer les effets de la mise en place du jour de carence dans la fonc­tion publi­que de l’État grâce Ă  l’enquĂŞte Emploi sur la pĂ©riode cou­rant de jan­vier 2012 Ă  Janvier 2014 en pre­nant comme groupe « contrĂ´le Â» le sec­teur privĂ©.

En pre­mier lieu le niveau d’absen­ces pour raison de santĂ© est plus Ă©levĂ© dans le sec­teur privĂ© que dans la fonc­tion publi­que de l’État ce qui en soi obère une repré­sen­ta­tion fré­quem­ment vĂ©hi­cu­lĂ©e.

Les résul­tats sont plutôt contre intui­tifs si l’on s’en tient aux décla­ra­tions du minis­tre. En effet, d’après l’enquête Emploi, la mise en place de ce dis­po­si­tif n’a pas signi­fi­ca­ti­ve­ment modi­fié la pro­por­tion d’agents de la fonc­tion publi­que d’État absents pour raison de santé une semaine donnée. En revan­che, la mesure a modi­fié la répar­ti­tion des absen­ces par durée.

Le jour de carence a conduit Ă  une baisse impor­tante des absen­ces de deux jours (plus de 50 %). L’effet dis­sua­sif du jour de carence sur le fait de com­men­cer un arrĂŞt mala­die peut expli­quer cette baisse. Il agi­rait sur­tout en cas d’affec­tion bĂ©ni­gne. Cependant, la part des absen­ces d’une jour­nĂ©e ne change pas. Cela veut dire que pour Ă©viter une rete­nue sur salaire due au jour de carence, les agents posent un autre type d’absence (jour de RTT, jour de congĂ© annuel, auto­ri­sa­tion d’absence…). Donc l’argu­ment liĂ© Ă  l’évitement de la dĂ©sor­ga­ni­sa­tion des ser­vi­ces ne tient pas non plus.

En revan­che ce que cons­tate cette Ă©tude c’est que les absen­ces pour raison de santĂ© d’une semaine Ă  trois mois ont aug­mentĂ© avec le jour de carence (de 25 %). LĂ  encore, on ne peut que cons­ta­ter que la mise en place du dis­po­si­tif n’a pas signi­fi­ca­ti­ve­ment modi­fiĂ© la pro­por­tion d’agents de la fonc­tion publi­que de l’État absents pour raison de santĂ© et que les Ă©conomies escomp­tĂ©es ne seront pas au rendez-vous.

Cette hausse pour­rait s’expli­quer par trois mĂ©ca­nis­mes. 
« Tout d’abord, le jour de carence engen­dre un coĂ»t fixe pour le sala­riĂ© Ă  chaque prise d’arrĂŞt mala­die. Un agent n’a donc pas inté­rĂŞt Ă  hâter son retour au tra­vail avant d’avoir la cer­ti­tude d’être guĂ©ri. Ainsi, il peut trou­ver pru­dent de pro­lon­ger son arrĂŞt, pour Ă©viter une rechute syno­nyme d’une nou­velle pĂ©na­litĂ©. 
Ensuite, du fait de ce coĂ»t fixe, cer­tains agents connais­sant un pro­blème de santĂ© pour­raient hĂ©si­ter Ă  s’arrê­ter de tra­vailler pour se soi­gner. Leur Ă©tat de santĂ© se dĂ©gra­de­rait et condui­rait in fine Ă  des arrĂŞts plus longs. 
Enfin, la mise en place d’un jour de carence pour­rait gĂ©né­rer chez des agents pre­nant un arrĂŞt mala­die le sen­ti­ment d’être injus­te­ment mis Ă  contri­bu­tion, les condui­sant, par rĂ©ac­tion, Ă  pro­lon­ger un peu cet arrĂŞt. Â»

Ce qui est en revan­che avĂ©rĂ© c’est que l’ins­tau­ra­tion du jour de carence a des effets dif­fé­rents au regard des carac­té­ris­ti­ques indi­vi­duel­les et crĂ©ent de facto des iné­ga­li­tĂ©s.
En effet, les absen­ces cour­tes bais­sent davan­tage chez les femmes, les jeunes et les employés tra­vaillant peu de jours par semaine. Les femmes dimi­nuent signi­fi­ca­ti­ve­ment leurs absen­ces de deux jours et les hommes aug­men­tent signi­fi­ca­ti­ve­ment leurs absen­ces d’une semaine à trois mois.

Des résul­tats cohé­rents avec les autres études exis­tant sur ce sujet.

« En Suède, en 1987, un jour de carence avait Ă©tĂ© sup­primĂ© dans le sec­teur privĂ©. Par suite, la prise d’arrĂŞts mala­die avait aug­mentĂ©, mais la durĂ©e des arrĂŞts avait baissĂ©. Au total, le nombre de jours d’arrĂŞts avait dimi­nuĂ© (Pettersson-Lidbom et Thoursie, 2013). Lorsque le jour de carence avait ensuite Ă©tĂ© rĂ©ta­bli en 1993, une Ă©tude de cas avait Ă©tabli que les agents de la Poste sué­doise avaient pris moins d’arrĂŞts, mais davan­tage d’arrĂŞts de plus de 15 jours (Voss, Floderus et Diderichsen, 2001). Â»

Pour l’UNSA, le rĂ©ta­blis­se­ment du jour de carence dans la fonc­tion publi­que est idĂ©o­lo­gi­que. Il ne pro­duira pas les effets escomp­tĂ©s et ne tient pas compte des effets induits pour les situa­tions indi­vi­duel­les des agents.

Il est injuste car il s’effec­tue dans un contexte dans lequel l’employeur n’est que très peu engagĂ©, voire pas du tout, dans le finan­ce­ment de la pro­tec­tion sociale com­plé­men­taire des agents contrai­re­ment aux sala­riĂ©s du sec­teur privĂ©.

Il est dan­ge­reux pour les plus vul­né­ra­bles qui ne dis­po­sent pas de mutuel­les, qui sont Ă  temps incom­plets avec les plus fai­bles rĂ©mu­né­ra­tions (les jeunes et les femmes en par­ti­cu­lier).

Pour favo­ri­ser le recours aux soins de l’ensem­ble des agents et des sala­riĂ©s, et donc la prise en charge pré­coce des patho­lo­gies (ce qui est une source d’économie cer­taine) la piste de l’élaboration d’une meilleure cou­ver­ture de pro­tec­tion sociale com­plé­men­taire sou­te­nue par les employeurs publics aurait, pour l’UNSA, Ă©tĂ© la bien­ve­nue.

L’UNSA Fonction Publique demande que cette mesure fasse l’objet d’une étude d’impact et qu’une réflexion soit enga­gée de toute urgence autour de la pro­tec­tion sociale des agents publics.


Voir en ligne : L’étude de l’INSEE

 
 
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