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SE-UNSA LILLE


 Par SE-UNSA Lille
 Le  dimanche 22 avril 2018

C’est tous les jours dimanche

 

Le lundi n’est pas simplement le premier jour de la semaine, c’est aussi la genèse d’une révélation. Le Président de la République, et non des Français, s’est exprimé devant les évêques de France, et non de la République. En 12 pages, il a lancé les fondations d’une nouvelle alliance entre le glaive et le goupillon.

« Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer ».

Cet arbre qui cache la forêt a beaucoup fait parler de lui. Bien évidemment, ce lien n’est ni abîmé, ni à être réparé. Ce lien n’existe plus depuis 1905 et la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. C’est tout simplement une application légale, n’en déplaise aux nostalgiques d’une histoire lointaine. Et c’est encore une preuve que la Laïcité n’a nul besoin de je ne sais quel adjectif.

A la suite, deux extraits tentent pourtant de justifier ce lien : « … Président prétendant se désintéresser de l’Eglise et des catholiques manquerait à son devoir … » et « …ce pays qui ne ménage pas sa méfiance à l’égard des religions… »

Notre République reconnait deux entités juridiques : l’individu et l’association. La multiplication des interventions du Président aux communautés religieuses tendrait à nous faire croire que notre organisation est communautaire, dans une conception anglo-saxonne. Au fil de son discours, ce sont les catholiques, et non les citoyens, qui sont invités à être des « engagés ». Choquant !

Jusqu’en 1892, et l’encyclique « Au milieu des sollicitudes » de Léon XIII, la République est pour les catholiques un régime illégitime pour la France. Dès lors, comment affirmer que « la France a été fortifiée par l’engagement des catholiques » comme l’énonce le Président au collège des Bernardins ?

Le Président commet la même erreur lorsqu’il aborde les racines chrétiennes de l’europe. Il balaie avec désinvolture cette absence de référence dans les textes européens en estimant que « … l’évidence historique se passe parfois de tels symboles.. ». Alors, lorsqu’il estime se faire « ..une haute idée des catholiques .. », il confirme que pour lui le politique et l’histoire ne peuvent pas être dénués de spiritualité, et que celle-ci est consubstantielle au catholicisme. Peut-on avoir une spiritualité en dehors des religions ?

Nous devrions douter d’une spiritualité en dehors des églises dès lors. C’est toute la force de l’Eglise catholique pour Emmanuel Macron, c’est un Ordre quasiment à égalité avec l’Etat, même s’il reconnait qu’ils sont différents ! (ouf !)

En attente d’un discours sur la solidité de notre République Laïque, nous sommes bons pour recevoir à la place une homélie qui souhaite replacer l’église au centre du village. Ce Monde nouveau décrit par les libéraux économiques et politiques auxquels appartient Emmanuel Macron s’appuient sur un conservatisme spirituel qui a pour but de consolider la responsabilité, et sous entendu, la faute individuelle.

« maintenir un but lointain pour les hommes, appelons-le idéal, en un sens moral, et une espérance, en un sens religieux », c’est l’extrait du discours de Paul Ricoeur tenu à Amiens en 1967 et choisi par le Président pour lui donner un prolongement économique et social.

Enfin, les derniers mots auraient dû être les premiers : « …Mon rôle est de m’assurer qu’il (le concitoyen) ait la liberté absolue de croire comme de ne pas croire mais je lui demanderai de la même façon et toujours de respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République. C’est cela la laïcité ni plus ni moins… ». Même si ces mots sont le cadre juridique fondamental, ils tentent de justifier une philosophie personnelle longuement décrite auparavant et en contradiction avec la République et l’esprit de Lumières.

C’est le discours d’un catholique assumé. Cela serait respectable s’il n’était pas le Président de la République.

A nous de rappeler au Président que sa fonction l’oblige aussi à respecter la République indivisible, démocratique, sociale et laïque.

À télécharger ci-dessous, la transcription du discours d'Emmanuel Macron au collège des Bernardins