Un Inspecteur Général de l’Éducation Nationale (IGEN) m’a tenu un jour ces propos : Â« Vous êtes un fonctionnaire de l’État. En tant que tel vous êtes dépositaire d’une autorité officielle. N’acceptez jamais que l’on vous manque de respect. Vous devez être un modèle pour vos élèves, en agissant avec éthique et probité Â». J’étais à la fois écrasé par le poids de la charge et la beauté de la mission. Que de responsabilités…

Et pourtant dans notre quotidien, l’enseignant n’est plus assimilé aux Hussards noirs popularisés par Charles Péguy. Sous la III^ème République, les instituteurs (et progressivement les institutrices) avaient reçu l’ambitieuse mission d’instruire la population française. Il s’agissait alors de faire adhérer aux principes républicains, un peuple encore trop attaché à la monarchie et influencé par le clergé. Leur seule arme était l’instruction, et ils la maniaient avec dextérité afin de faire évoluer la société.

Il vous est probablement déjà arrivé d’assister à un repas de famille où les fonctionnaires sont vertement critiqués. Les propos, d’abord très généraux, finissent inéluctablement par aborder votre profession d’enseignant. Le malaise s’installe, les clichés se succèdent. Comment accepter sereinement la critique lorsque l’on pratique avec dévouement un métier qui peut être assez exigeant ? Pour ma part, je dois avouer que je n’ouvre pas le débat. Le combat est trop déséquilibré, et j’estime n’avoir rien à prouver.

Dans une société où la réussite se mesure à l’aune de la rémunération, l’enseignant est-il encore une personne respectable et respectée ? Pourtant si l’on change de critère et que l’on parle d’utilité sociale, la perspective évolue. Qui est à même d’éduquer les plus jeunes dans les cadres et les principes fondamentaux de la République, de la Laïcité, de l’Égalité et de la Liberté ? Qui défend au quotidien l’égalité des chances, l’ascenseur social, l’intégration de tous dans la société ? Qui aide nos jeunes à se projeter dans un avenir plein de promesses, à prendre des responsabilités, à devenir des citoyens actifs ? Nous faisons le plus beau métier du monde et notre utilité n’est plus à démontrer. Soyons exigeants envers nous-mêmes, fiers et ambitieux pour les enfants que nous accompagnons. C’est de notre responsabilité. Il n’y a pas de plus grande satisfaction que de voir les adultes qu’ils sont devenus.

Gilbert Ribeiro-Picquart